4:12. “Afin qu’en regardant
ils regardent * et ne voient pas
et en écoutant
ils écoutent * et ne comprennent pas
de peur qu’ils se retournent * et qu’il leur soit-fait-rémission” (Is 6:9)

4:12. Afin qu'en regardant ils regardent et ne voient  pas et en écoutant ils écoutent et ne comprennent pas : Le “afin que” ouvre une citation tellement connue que Marc n'en donne pas la source. Il veut dire “Afin que s'accomplît l'Écriture selon laquelle…” Il s'agit en effet d'une citation d'Isaïe, qui est la référence majeure de Marc, l'ancien qui le guide (Ap 5:5), dirait mon frère (cf. “Les quatre chevaux du Messie”, Bernard Gineste, bod.com). Et le verset en question se trouve au centre de la vision centrale d'Isaïe (6:9) et résume ce qu'il « va dire à ce peuple », en un refrain qui sera repris au milieu de chacune des cinq étapes du livre d’Isaïe. Refrain lancinant du mystère de l'endurcissement d'Israël (Rm 11:25), tristesse et douleur incessante de Paul (Rm 9:2), cause des pleurs de Jean (Ap 5:4), impatience d'Isaïe (6:11), colère de Dieu (Ps 94:10), et facteur d'incompréhension pour les chrétiens, voire cause de scandale, de chute. Les chapitres 9 à 12 d'Isaïe, ai-je écrit (en fait je dirais plutôt 7 à 11) dévoilent l'économie divine qui palliera à cet endurcissement : la venue du Messie fils de David, pierre d'achoppement, qui retranchera les uns et permettra aux autres, le petit reste, de conquérir les nations. Et Marc clame son annonce heureuse effectivement tout à fait dans cette ligne. Il faut admettre qu'on peut regarder le Seigneur sans voir, et écouter sa parole sans entendre, comme on peut lire les Écritures sans voir et écouter les prophéties sans entendre. C'est tout le mystère de ces cœurs endurcis dont parle aussi le psalmiste, ceux qui n'entreront pas dans son repos (Ps 94:8, 11 ; Hé 3:7-4:11). “A ceux-là qui sont dehors tout advient en comparaisons” (4:11). Ils préfèrent leur terre (Eretz), leur Loi (Torah), leur contrat d'alliance (Ketouva) (*), qui ne sont que comparaisons, pendant qu'“à vous est donné le mystère du règne de Dieu” : au lieu de la terre le ciel, au lieu de la Loi l'Esprit, et la nouvelle alliance au lieu de l'ancienne, par laquelle “je pardonnerai leur tort, et leur péché, je ne m'en souviendrai plus” (Jr 31:31-34).

De peur qu'ils se retournent et qu'il leur soit fait rémission : Ne pas inverser l'accusation : comment croire que Dieu aie peur de leur conversion et de leur pardon ? qu'il parle pour empêcher un peuple de voir et d'entendre, lui qui a ordonné d'écouter ? Certes, « Dieu endurcit qui il veut » (Rm 9:18), mais que veut-il, sinon « que tous les hommes soient sauvés » (1Tim 2:4) ? Ayant ce désir, « il éclaire les méchants comme les bons et fait pleuvoir sur les justes comme les injustes » (Mt 5:45). Et il sème sur les sols stériles comme les fertiles ! Mais pour un rendement différent : plus « à ce peuple il parle de paix », plus « pour eux c'est la guerre » (Ps 119:6), et plus il alourdit leur cœur, endurcit leurs oreilles, englue leurs yeux, comme il en prévient Isaïe (6:10). J’ai cité le sage qui dit : « Ne reprends pas un moqueur, de peur qu’il te haïsse, reprends un sage, il t'aimera » (Pr 9:8). N'empêche, Dieu, lui, parle, parce qu'il n'a qu'une parole, et parce qu'il est têtu. Comme on dit « les faits sont têtus ». Et par cet entêtement son Fils mourra sur la Croix, de la haine des moqueurs (Mc 15:31), le cœur transpercé.

(*) Cette préférence pour terre, loi et contrat de mariage plutôt qu'aux noces de la nouvelle alliance messianique se trouve exprimée dans une parabole par les trois prétextes des invités qui se dérobent (Lc 14:15-24) : achat d'un champ (terre d'Israël), de cinq paires de boeufs (joug des cinq livres de la Loi) et mariage (contrat d'alliance du Sinaï). Le maître de maison en colère invite alors les pauvres et les impurs d'Israël (prédication du Christ), puis les païens (prédication des Apôtres).