Debarim

Le site officiel de François Gineste

Outils pour utilisateurs

Outils du site


Panneau latéral

DEBARIM

1. Marc au fil du calendrier biblique

Troisième mois (Sivan)

Jours : 123456789101112131415161718192021222324252627282930

Quatrième mois (Tammuz)

Jours : 123456789101112131415161718192021222324252627

Onzième mois (Av)

Jours : 123456789101112131415161718192021222324252627282930

Douzième mois (Ellul)

Jours : 123456789101112131415161718192021222324252627

2. Exégèse

3. Liturgie

marc.m04j01

Marc, mois 4, jour 1

4:38b. Et ils le réveillent * et ils lui disent
Maître tu ne te soucies pas que nous sommes perdus

39. Et s’étant relevé il a rabroué le vent * et a dit à la mer
Tais-toi * Sois muselée
Et le vent s’est apaisé * et il est advenu un grand calme


4:38b. Et ils le réveillent : Au dernier jour du trimestre, c'était le sommeil, image de la mort (cf. Mc 5:39, 1Th 4:14) ; au premier jour de la nouvelle lune d’été, voici le réveil image de la résurrection (Ps 3:6). Le Seigneur rejoue Jonas, embarqué dans la tempête, endormi au fond du bateau et réveillé par le capitaine (Jon 1:3-6, Mt 12:40). Mais fallait-il le réveiller ? Les Pères cisterciens penchaient pour le oui: “réveiller le Jésus qui dort”. ls en avaient fait une parabole du labeur de l'oraison, rejoignant le psalmiste : « Éveille-toi ! Pourquoi dors-tu, Seigneur ? » (Ps 43:24) Mais sainte Thérèse de Lisieux s'insurge :

Vivre d'amour, lorsque Jésus sommeille
C'est le repos sur les flots orageux
Oh ! ne crains pas, Seigneur, que je t'éveille
J'attends en paix le rivage des cieux…
La Foi bientôt déchirera son voile
Mon Espérance est de te voir un jour
La Charité enfle et pousse ma voile
Je vis d'amour !…

On ne saura voir ici la spiritualité à l'eau de rose que certains reprochent à la petite carmélite : dans cette situation dramatique de tempête, c'est plutôt celle des carmélites de Compiègne montant à l'échafaud en chantant le Salve Regina… Nous verrons demain ce qu'en dit le dormeur.

Et ils lui disent Maître tu ne te soucies pas que nous sommes perdus : « Vous m’appelez maître, et vous dites bien, car je le suis » (Jn 13:13). Mais quel chemin ne reste-t-il pas à faire pour que je sois le vôtre en vérité ? L’enseignement ne suffit pas, ou plutôt les épreuves sont le meilleur enseignement (j’ai déjà cité Ac 14:22). Le cœur du néophyte montre ici que persistent sa dureté et sa non-foi : survient une épreuve, aussitôt se manifeste le vieil homme, selon qui Dieu se désintéresserait des affaires humaines. Dans le tourbillon on a vu les oiseaux sataniques, dans les vagues on a vu les trois passions des épines, mais dans l’accusation des Douze on voit la dureté du sol pierreux. Blasphème ? Probablement. Mais apparemment le Seigneur morigènera plutôt leur peur et leur manque de foi, disons qu'il y voit un blasphème pardonnable, à l'égal de celui des siens (Mc 3:21, 28).

39. Et s’étant réveillé : « Et s’est réveillé comme un endormi le Seigneur » (Ps 77:65). Il aurait de quoi fulminer l’anathème, mais lui qui n'a pas le cœur endurci voit leur bonne volonté et répond miséricordieusement à la prière, qui plus est en préfigurant pour ses disciples sa résurrection.

Il a rabroué le vent : C'est contre vent et mer qu'il tourne son courroux, à l'image de la suite du psaume : “Et il frappa ses ennemis en déroute” (Ps 77:66). Mais puisque c’est le vent qui agite la mer, qui n’y est pour rien, il se tourne d'abord vers le vent. Le Seigneur qui a commencé sa prédication en rabrouant le souffle impur dans la synagogue (1:25) commence son exode chez les païens en rabrouant le vent, c'est-à-dire l’esprit démoniaque. En frappant à la source, il stoppe son influence sur la mer.

Et a dit à la mer Tais-toi : Comme quoi elle a quand même son mot à dire ! Mais « Tu apaises le tumulte des mers, le grondement de leurs vagues et le grondement de populations » (Ps 64:8). Selon l'hébreu, car le grec a : « Tu ébranles l'abîme de la mer, le son des vagues, et seront troublées les nations ». Remarquez le lien entre mer et nations. Mais remarquez d'abord que le Seigneur reprend ici sa geste créatrice, lorsqu'il limitait la mer par le surgissement de la terre (Gn 1:9, Ps 103:7), ainsi qu'il le dit à Job (38:8-11). La genèse du monde fut un combat contre la mer (Is 51:9-10, Jb 7:12) : « A ta menace elles prennent la fuite » (Ps 103:7). Le chaos du tohu et bohu qu’il a créé tout d’abord, c'est en fait l'abîme des eaux (Gn 1:2), dont il extraira le ciel au jour 2 et la terre au jour 3. Ce qui donne à ce voyage en mer un parfum de nouvelle création. La barque est l'embryon de la nouvelle terre offerte aux païens jusque là soumis aux puissances infernales. De même que le mot “terre” (eretz) désigne par excellence la terre d’Israël (eretz Israël), terre promise, de même la mer, par opposition, désigne les païens vers lesquels vogue le Seigneur.

Sois muselée : Comme l’esprit impur de la synagogue (1:25), la mer des nations doit être muselée. Être muselé, c’est plus que se taire, que faire silence : c’est être maîtrisé, de manière à ne plus mordre et ne plus avaler ses proies. « Tu n'iras pas plus loin“, dit Dieu à la mer (Jb 38:11). Tu ne pourra plus « béer d’une gueule démesurée pour faire descendre au shéol sa splendeur et son tumulte et sa rumeur » (Is 5:14). La barque de l'Église libère tes captifs désormais. Comme le poisson rendit Jonas (Jon 3:11), tu devras rendre tes morts (Ap 20:13). De même que le mot “terre” (eretz) désigne par excellence la terre d’Israël (eretz Israël), la terre promise, de même la mer, par opposition, désigne les païens (vers lesquels d’ailleurs vogue le Seigneur). Si le Seigneur, après avoir muni son peuple de sa Loi nouvelle, lui fait traverser la mer, c’est pour qu'il porte cette Loi nouvelle de l'Évangile aux païens. “Je vous ferai devenir pêcheurs d'hommes” (Mc 1:17). Par sa maîtrise des éléments déchaînés, il exorcise en quelque sorte la mer, et préfigure la libération des païens jouets des démons, les rendant aptes à s'ouvrir à l'Évangile. Dans l'épisode suivant on verra d'ailleurs les démons quitter leur pays et retourner dans la mer ! Marc nous montre ici la prédication évangélique muselant les démons du paganisme, et donc ouvrant leur cœur, comme Jonas convertissant les païens (cf. Jon 3:3-10, Lc 11:30). Mais pas forcément en un seul jour comme lui (cf. Jon 3:4) : on verra que les géraséniens supplieront le Seigneur de s'en aller après l'exorcisme de Légion, remettant l'évangélisation après la résurrection.

Et le vent s’est arrêté : On l'a dit : l'important, c'est de frapper à la source de l'agitation mondaine, en chassant les démons. En stoppant l’action démoniaque le Seigneur ouvre les cœurs à l’annonce heureuse.

Et il est advenu un grand calme : Silence et immobilité. Comme pour Élie, après ouragan, séisme et feu vient « une voix de silence ténu » (1R 19:12). « Est advenue dans la paix son lieu » (Ps 75:3). Cette nouvelle traversée de la mer Rouge vise bien la terre promise : « Là il a brisé la corne de l'arc, la bouclier, l'épée et la guerre » (Ps 75:4) et instauré le grand calme et la paix, signe de la présence divine. « Les doux se délecteront d'une abondance de paix » (Ps 36:11). « Paix à qui est loin (le païen) et à qui est proche (le juif), dit le Seigneur, et je le guérirai (Ep 2:17). Mais les méchants sont comme la mer agitée qui ne se peut calmer, dont les eaux soulèvent boue et fange. Point de paix, dit le Seigneur, pour les méchants » (Is 57:19-21). L’immersion du Christ au Jourdain inaugurait l’annonce heureuse aux juifs ; le baptême de l’Église dans une mer déchaînée inaugure l’annonce aux païens ; et le grand calme est celui de la paix messianique entre les deux frères ennemis. « C'est lui qui est notre paix » (Ep 2:14), clamera saint Paul. C'est aussi la paix de la victoire sur les passions et sur la peur, le lieu du cœur où Dieu peut se faire entendre. Après son baptême le Christ cohabite paisiblement avec les bêtes ; dans la tempête il dort paisiblement et à son réveil il fait taire vent et mer. Car « Il sera lui-même paix », ainsi que prophétisait Michée (5:4). Il y a deux jours Isaïe faisait réciter une traversée de la mer à pied sec (Is 11:15-16)… mais en plus, ici, aujourd'hui, 1er jour de Tammuz, commence sa partie consacrée aux nations étrangères (Is 13+) ! En Marc, la traversée va vers ces nations. La barque voguant vers Gérasa est cette arche qui se posa sur le mont Ararat, en Arménie, après que les eaux eurent désenflé (Gn 8:1). Il est remarquable que l'Arménie fut premier royaume chrétien.

marc.m04j01.txt · Dernière modification: 2020/12/19 21:33 de fg