Debarim

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DEBARIM

1. Marc au fil du calendrier biblique

Troisième mois (Sivan)

Jours : 123456789101112131415161718192021222324252627282930

Quatrième mois (Tammuz)

Jours : 123456789101112131415161718192021222324252627

Onzième mois (Av)

Jours : 123456789101112131415161718192021222324252627282930

Douzième mois (Ellul)

Jours : 123456789101112131415161718192021222324252627

2. Exégèse

3. Liturgie

marcm03j05

Marc, mois 3, jour 5

3:22. Et les scribes descendus de Jérusalem disaient
Il a Ba’al-Zévoul * et par le prince des démons il jette-dehors les démons

23. Et les appelant-à-lui il leur disait en comparaisons
Comment peut-il Sâtan * jeter-dehors Sâtan


3:22. Et les scribes : Après “les siens” (oi par' autou, “les proches de lui”), voici les scribes, opposition plus autoritaire, celle des « sachants », des idéologues. Ceux « qui se font appeler Rabbi » (Mt 23:8). Si dans le nouvel Israël les disciples (traduits ici « appreneurs ») sont l'équivalent des siens, et les Apôtres (ou « envoyés ») sont l'équivalent des scribes. Ainsi l'Église à peine constituée doit-elle faire face à la Synagogue. L'heure du jugement a sonné (cf. Ps 49:4+). Mais qui va juger qui ?

Descendus de Jérusalem : On comprend que l'Église nouvellement bâtie sur les Douze, « la Jérusalem d'en haut », celle où « montent les tribus du Seigneur » (Ps 121:4), c'est-à-dire les Douze (3:13), s'oppose à « la Jérusalem actuelle » (Gal 4:25-26), celle d'où descendent les scribes. Probablement prévenus par les pharisiens après l'incident de la guérison un jour de sabbat (Mc 3:6), ces inspecteurs ne vont pas s'en laisser compter par des Galiléens. Déjà que ces bouseux de Caphar-Nahum avaient gobé sans broncher le blasphème de cet homme qui prétend remettre les péchés ! Ah ces Galiléens ! 

Disaient Il a Baal-Zévoul : Baal peut se traduire “possesseur”, “propriétaire”, “maître”. Les baals sont les dieux cananéens servis par Israël depuis l'époque des Juges (Jg 2:11). Quant à Zévoul, cela voudrait dire soit « élevé », soit « demeure » (cf. Gn 30:20). La demeure de Dieu, ou, une fois, le shéol (Ps 48:15). Baal-Zévoul veut dire probablement “le possesseur de la demeure”, “le maître de maison”, donc l'esprit invoqué dans le sanctuaire. Ainsi est désigné le dieu d'Ekrôn, en nord-Philistie, consulté par le roi Ochozias (2R 1:2-17). Élie, par dérision, l'appelle « Baal-Zéboub » (propriétaire des mouches) et fait dire au roi : « N’y a-t-il pas de Dieu en Israël ? » Alors le roi le demande, mais Élie fait descendre du haut de sa montagne le feu du ciel sur deux cinquantaines venues le chercher (rappelons que “Pentecôte” veut dire cinquantaine). La troisième cinquantaine, qui demandera grâce, sera épargnée et Élie la suivra chez le roi, à qui il promettra la mort. Très signifiant : le feu d’Élie, c'est le feu pentecostal, celui qui menaçait déjà les israélites au don de la Loi lors de la pentecôte du Sinaï (Dt 5:25) : quand il tombe il fait mourir les infidèles, mais laisse la vie aux humbles. En Marc, les siens et les scribes sont comme les deux premières cinquantaines ; la troisième, c'est l'Église. Les scribes qui appellent le Seigneur “Ba’al-Zévoul” ne trouveront jamais rémission, ils seront “jetés dans la géhenne, dans le feu qu'on ne peut éteindre jamais” (Mc 9:45), alors que, pour pasticher Élie, “N'y a-t-il pas de Dieu en Jésus ?” Tel est le jugement divin. Mais le jugement humain est tout autre…

Et par le prince des démons : Apparemment les scribes privilégient l'étymologie « élevé ». Pour eux, c'est « Baal le prince »… des démons. Saint Matthieu, quant à lui, confirme « maître de maison » (Mt 10:25).

Il jette dehors les démons : On se rappelle que les pharisiens “l'épiaient afin de l'accuser” (3:2) ; ici ils ont fait venir les scribes de Jérusalem, qui, eux, ont l'autorité pour porter un jugement : il n'y a qu'un Dieu et qu'une maison de Dieu, dont ils sont les représentants ; tout opposant est un blasphémateur qui vient du diable. Luc (11:14) et Matthieu (12:22) racontent l'exorcisme qui a précédé, mais le silence de Marc fait sentir qu'ici c'est toute l'œuvre du Seigneur depuis son premier exorcisme (1:23) qui est mise en cause : le vulgaire croit y voir un bien, arguent-ils, mais c'est une ruse satanique. Tel est leur jugement, et telle est donc la parole officielle que le peuple devra répéter désormais. Ils font tomber “ces petits qui ont foi” (Mc 9:42). Ici l'endurcissement du cœur qui contristait le Seigneur (Mc 3:5) produit son fruit, non seulement le blasphème public, mais la chute des petits dont ils sont responsables. Et la division : voici Jésus et sa maison rejetés loin de Dieu et de la maison d'Israël. Le voici l'objet des malédictions : « Ils m'ont rendu le mal pour le bien. Mes genoux ont été affaiblis par le jeûne (cf. Mc 3:20). Mais toi tu béniras » (Ps 108:5, 24, 28). Désormais, c'est le “combat pour le Seigneur contre Amaleq d'âge en âge !” (Ex 17:16). “Quel union entre lumière et ténèbres ? Quel accord entre Christ et Bélial ? Quelle association entre fidèle et infidèle ?” (2Cor 6:15)

23. Et les appelant-à-lui : Au Sinaï, “Israël campa en face de la montagne, Moïse monta vers Dieu et Dieu l'appela” (Ex 19:2-3). Le Seigneur Jésus, lui, monte sur la montagne et appelle à lui les Douze (Mc 3:13). “Il appellera les hauteurs du ciel et de la terre pour juger son peuple : Rassemblez devant lui ses saints” (Ps 49:4). Mais comme c'est “pour juger son peuple” il appelle à lui aussi l'autre partie : les scribes. Et le jugement risque d'être sévère : “Au pécheur Dieu déclare : Tu t'asseyais pour médire de ton frère. Comprenez cela, vous qui oubliez Dieu, de peur qu'il ne vous ravisse, sans que personne ne puisse vous délivrer” (Id. 16, 20, 22).

il leur disait en comparaisons : Première mention de l'enseignement par comparaisons, ou par paraboles, terme grec faisant précéder bole, “jeté”, du préfixe para “le long”. On y lit deux trajectoires, disait BF, l'une visible, “jetée le long” d'une autre, invisible, la visible permettant d'accéder à l'invisible : “Il en est du règne de Dieu (invisible) comme d'un homme (visible)…” (Mc 4:26). Mais ce sens ne convient plus avec la huitième “comparaison” (Mc 7:17) : c'est qu'il faut adopter là le sens hébreu plus large de mashal, pluriel mishlè(i), “sentence”, “énigme”, “exemple”, “proverbe”, comme 1R 5:12, ou Qo 12:9, et bien sûr comme le livre des Proverbes, en hébreu Mishlei Shlomoh. Un mashal porte toujours en lui une leçon. Or quel genre de leçon sera-ce dans le Nouveau Testament ? L'épître aux Hébreux nous l'apprend : il cite comme parabole un rite du temple (cf. Hé 9:9) et un événement de l'histoire sainte (Hé 11:19), enseignant ainsi que, pour les Apôtres, tout l'Ancien Testament devient parabole du Nouveau (“pour le moment actuel”, eis ton kairon ton enestikóta, 9:9). Et finalement la création elle-même se révèle être parabole de la nouvelle. Ainsi, en ce 5 sivan où nous avons compté les sept semaines depuis la Pâque, et où nous allons demain, célébrer la Pentecôte et le don de la Loi, Marc annonce un “enseignement en comparaisons” : ce jour-là, le Christ, comme Moïse au Sinaï, va donner sa Loi à son peuple, le Décalogue de son Royaume. Déjà, le Décalogue du Sinaï (les dix paroles) reprend le “décalogue” par lequel Dieu créa le monde : en effet, dix fois, “Dieu dit” (Gn 1). Dans le “tohu va bohu” qu'il a créé, il met de l'ordre et de la vie, comme le potier avec ses dix doigts. Ces dix paroles qui modèlent le cosmos sont prises comme mashal des dix paroles qui modèlent le peuple. Et de même, les dix paroles du Sinaï seront prises par Marc comme le mashal du Nouveau Testament. Série de “dix paroles”, expressément nommées “comparaisons”, qui révèlent le royaume de Dieu : d'abord deux (3:24-27), puis cinq (4:2-9, 21-32), puis trois dispersées (7:14-17, 12:1-9, 13:28). D'autres paroles du Seigneur en Marc sont visiblement des comparaisons (Mc 2:21-22), comme le relève Luc (Lc 5:36-38), mais Marc a une intention, liée au calendrier, à Pentecôte, au don de la Loi, au Décalogue : par la création, les hommes doivent hériter de la terre, par Moïse le peuple élu doit hériter de la terre promise, et par le Christ le nouveau peuple élu doit hériter du royaume de Dieu. Matthieu fait différemment, mais en commençant à Pentecôte son grand enseignement sur la montagne (ch. 5-7) avec les huit Béatitudes, il fait évidemment référence aussi au don de la Loi et au Décalogue.

Comment peut-il Sâtan * jeter-dehors Sâtan : Les dix paroles du Christ commencent par l'expulsion de Satan, celles du Sinaï par la sortie d'Égypte, celles de la création par la division des eaux. Voyons cela : Quand Dieu crée cieux et terre, ceux-ci restent cachés dans les ténèbres, sous l'abîme des eaux, et sa première Parole va faire advenir la lumière (Gn 1:1-3). Ainsi la création est un combat du Verbe contre la puissance infernale des ténèbres : “Ici s'arrêtera l'orgueil de tes flots”, dira-t-il à l'abîme des eaux (Jb 38:11). “C'est toi qui maîtrises la puissance de la mer ; quand se soulèvent ses déferlantes, c'est toi qui les fais cesser, c'est toi qui écrasas comme un cadavre Rahab” (Ps 88:10-11). “N'est-ce pas toi qui as pourfendu Rahab, transpercé le Dragon ? N'est-ce pas toi qui as asséché la mer, les eaux de l'abîme immense ?” (Is 51:9-10). On voit déjà une lecture spirituelle de la création, peuplée dans ses abîmes par des esprits ténébreux opposés à Dieu. Et Rahab est facilement assimilée à l'Égypte. Or le verset suivant d'Isaïe montre que la traversée de la mer Rouge comme le retour d'exil reprennent ce scénario (id. 10). Or la première des dix paroles du Sinaï commence par “C'est moi le Seigneur ton Dieu qui t'ai fait sortir de la terre d'Égypte”, et s'achève par “Tu n'auras pas d'autre dieu face de moi” (Ex 20:2-3, Dt 5:6-7). Ainsi la création écrase Rahab, la sortie d'Égypte noie Pharaon, et la première comparaison jette dehors Satan.

marcm03j05.txt · Dernière modification: 2020/12/14 09:51 de fg