Debarim

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DEBARIM

1. Marc au fil du calendrier biblique

Troisième mois (Sivan)

Jours : 123456789101112131415161718192021222324252627282930

Quatrième mois (Tammuz)

Jours : 123456789101112131415161718192021222324252627

Onzième mois (Av)

Jours : 123456789101112131415161718192021222324252627282930

Douzième mois (Ellul)

Jours : 123456789101112131415161718192021222324252627

2. Exégèse

3. Liturgie

marc.etape2

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MARC AU FIL DU CALENDRIER JUIF

ETAPE II (3:13 – 6:6)     SIVAN   Mois 3 jour 1       Arrivée au Sinaï. Moshè monte sur la montagne (Ex 19:3) 3:13. Et il monte sur la montagne et il appelle-à-lui ceux qu’il voulait * et ils s’en allaient vers lui 14. Et il en a fait Douze*  qu’il a nommés aussi envoyés pour qu’il soient avec lui * pour qu’il les envoie clamer * 15. et avoir autorité de jeter-dehors les démons   3:13. “Et il monte sur la montagne” : C'est par ce calendrier de récitation que nous comprenons que la montée du Seigneur reprend celle du Sinaï, c’est-à-dire relit la fête de Pentecôte. Car le premier jour du troisième mois, les israélites arrivèrent en bas de la montagne (Ex 19:1), pour le don de la Torah (Ex 20) et la conclusion de l'alliance (Ex 24), les deux événements les plus importants de cette fête pour les israélites. C’est une triple montée que le Seigneur résume ainsi : « Vous avez vu 1° ce que j'ai fait aux Égyptiens, 2° comment je vous ai portés sur des ailes d'aigle et 3° amenés jusqu'à moi » (Ex 19:4). C’est-à-dire 1° Purification, séparation, début, 2° Illumination, progression, 3° Union, perfection, aboutissement. C'est la triple montée sur la montagne qui sera sans cesse reprise, et qui en Marc trouvera son apothéose dans l'Enlèvement du Seigneur “à la droite de Dieu” (Mc 16:20), prélude de l’Enlèvement de ceux qu'“il appelle-à-lui” (cf. 1Th 4:14, 17).     “Et il appelle-à-lui (proskaléitai)“ : Il y a déjà eu trois appels : deux disciples, puis deux, puis un (Mc 1:17, 20, 2:14), mais une seule fois le mot (1:20). C’était l’appel à le rejoindre dans sa mission, “devenir pêcheur d’hommes” (1:17). Ici apparaît un deuxième niveau de l’appel (kaléo), où le préfixe “pros”, “à-(lui)”, indique un appel « à reproduire l'image de son Fils » (Rm 8:29) monté le premier. Être appelé-à-lui là où il est lui-même monté, c'est pouvoir s’unir dès avant le sommet à celui qui s’est fait « voie et vérité et vie » (Jn 14:6), début, progrès et fin : en s’unissant à son humanité (dans la plaine d’ici-bas) on monte vers sa Divinité (“sur la montagne” du monde à venir).     “Ceux” : Et il apparaît aussi que le deuxième niveau de l’appel est collectif. Moïse monta seul (Ex 19:3), les douze tribus devant rester en bas (v. 12). Ici la mise à part (sens du mot « sainteté ») est collective. Le vœu de Moïse s'accomplit : « Puisse tout le peuple du Seigneur être prophète, le Seigneur leur donnant son Esprit » (Nb 11:29).     ”Qu'il voulait” : Il les veut : “Il a voulu nous enfanter par le Verbe de vérité, pour que nous soyons prémices de ses créatures” (Jc 1:18). Or à Pentecôte on offre les prémices au temple (Ex 23:16). Et le sens final de Pentecôte est l'engrangement des élus dans le Royaume, qui est le Corps du Christ. Il appelle en lui ceux qu’il voulait. Pâques était la première gerbe (Lv 23:10-15), celle du Christ ressuscité, premier jour de récitation de l’Évangile de Marc, au lendemain de Pessah. “Et ceux qu'il a prédestinés, il les a aussi appelés” (Rm 8:30), et ils seront la moisson. Cinquante jours après la Résurrection, le don de l’Esprit aux Apôtres (Ac 2) approfondira encore ce sens, et multipliera le nombre des appelés.     “Et ils s'en allaient vers lui” : “Avec ceux qui l'aiment, Dieu collabore” (Rm 8:28) : appel + réponse libre (comme en 1:20) = synergie (cf. Mc 16:20) de l'amour en Christ. “Et ceux qu'il a appelés, il les a aussi glorifiés” (Rm 8:30). Le “vers” (de “vers lui”) suggère qu'il y aura un progrès perpétuel de ceux qu’il a appelés, toujours « tendus vers lui » (cf. Ph 3:12-14). Il faut souligner aussi l’aspect de renoncement, mais l’amour rend aveugle, et donne la force, en allant vers lui, de « quitter son pays, sa parenté et la maison de son père » (Gn 12:1).    3:14-15. “Et il en a fait” : “Tout ce qu'il a voulu, il l'a fait” (Ps 113:11). Dans le Principe (Ap 3:14), qui est son Verbe, Dieu crée cieux et terre (Gn 1:1) ex nihilo (2M 7:28), mais “faire” a un sens très fort d'organisation de leur tohu va bohu (Gn 1:2) : par son Verbe il fait (Gn : 1:14-16, 24-26), Jacques et Jean ont été « défaits » de leur maison de Zébédée au premier appel (1:20), les voilà ici « refaits » en « gens de la maison de Dieu » (Eph 2:10). Telle est la nouveauté de ce deuxième appel, qui vise un modelage : 1° il monte ; 2° il appelle-à-lui ; 3° il en fait Douze. Une nouvelle création commence, une nouvelle cité, où les Douze seront les assises du rempart (Ap 21:14).     “Douze” : C’est face à l’agrandissement de son auditoire que le Seigneur appelle sept nouveaux disciples : D'abord “toute la ville était rassemblée près de la porte” (1:33), puis “il n'y avait plus de place” (2:2), puis “une nombreuse multitude”, internationale, le suit près de la mer (3:7). La fanatisation des pharisiens n'y fait rien ; au contraire elle accélère les choses : « Leur rejet fut la réconciliation du monde » (Rm 11:14). Face à eux le Seigneur forme sa propre fraternité (adelphotes, héb. chavurah) de disciples qui sont un collège, celui des pères de son nouveau peuple, et ses princes (Ps 44:17) : le nouveau Moïse est aussi nouveau Jacob, père des douze tribus. Et il unifie son peuple en l'élevant à lui, « Tête du Corps de l'Église » (Col 1:18a). Les 12, ce sont les 4 premiers multipliés par 3, comme les 4×3 portes de la cité qui portent le nom des douze tribus (Éz 48:30-35). Leur montée, c'est, on l’a dit, 1° il monte, 2° il appelle-à-lui, 3° “ils s’en allaient vers lui” ; leur sommet, c'est “Il a fait les Douze” ; et leur descente, c'est 1° “Pour qu'ils soient avec lui” (union en haut), 2° “pour qu'il les envoie clamer” (descente comme il descendit), 3° “et avoir autorité de jeter dehors les démons” (victoire sur l’ennemi en bas).   1° “Pour qu'ils soient avec lui” : Car tout part de l'union avec le Principe (Col 1:18b). « Je suis la vigne, vous les sarments. Sans moi vous ne pouvez rien faire » (Jn 15:5). Etre avec lui, ce sera l'étape 2 de Marc (3:13-6:6) : suivre étroitement le Christ pour être enseigné par sa sagesse et ses puissances (6:2), c’est-à-dire par ses paraboles et ses guérisons.   2° “Pour qu'il les envoie” : Etre envoyé, ce sera l'étape 3 de Marc (6:7-8:26) : être envoyé par le Christ pour ramener au Christ. Car « tout a été créé par lui et pour lui » (Col 1:16) : « le mystère de sa volonté est de tout ramener sous un seul chef, le Christ » (Eph 1:10). Cette dualité « être avec – être envoyé » peut se lire aussi au niveau individuel : puisque le corps reflète l'âme, la partie haute de l'âme doit être avec le Christ pour que ses autres facultés soient envoyées clamer. On peut lire aussi : de même qu'il y a diastole (le sang rentre au cœur) et systole (le sang sort), il faut alterner retraite et mission (Mc 6:30-31). Ou encore : il faut que les contemplatifs prient pour les actifs (Eph 6:19).   3° “Clamer et avoir autorité de jeter dehors les démons” : Après 1° s'être unis à Dieu, les Douze peuvent 2° descendre clamer aux hommes, et 3° purifier l'univers de ses démons. Isaïe fait réciter une descente juste après Pentecôte : « Ils ne trébuchaient pas plus qu'une bête qui descend dans la vallée ; l'Esprit du Seigneur les menait au repos » (Is 63:14). Leur triple mission couvre toute la création (cf. 16:20), car être avec lui c’est être au ciel, être envoyé clamer c’est parcourir la terre, et avoir autorité sur les démons c’est soumettre l’enfer : les apôtres partagent la seigneurie du Christ dont le Nom fait « fléchir tout genou dans le ciel et sur la terre et sous le sol » (Ph 2:10). On est ici très proche de la grande Pentecôte d'Ac 2. D’ailleurs les étapes 2 (être avec lui) et 3 (être envoyé) sont toutes deux un développement de la fête de Pentecôte, Shavouot. Précisons encore qu’il y a un unique envoi pour une double mission : clamer et avoir autorité sur les démons, c’est pile et face. En effet, on ne prêche pas la lumière sans chasser les ténèbres (Gn 1:3-5). Annoncer et dénoncer. Et renoncer. Ainsi, le catéchumène est toujours exorcisé avant d'être chrismé. Ce sont les deux faces de cette montagne toute fumante (Ex 19:18) où tombe l'Esprit (Ac 2:3-4) : 1° « Que Dieu se lève », 2° « et que ses ennemis soient dispersés » (Ps 67:2). Lire le Ps 67:6-10.     Mois 3 jour 2  3:16. Et il a fait les Douze et il a imposé un nom à Shimôn * Kéiphâ 17. Et Ya’akov (fils) de Zavdaï * et Yôchânân son frère   et il leur a imposé un nom * B’nei Rig’shâ ce qui veut dire * Fils du Tonnerre   3:16. “Et il a fait les Douze”. J'aime beaucoup l'exégèse de Bernard Frinking (BF) qui oppose “Il en a fait Douze” (un avec lui dans l'envoi, économie du Verbe) à ce “Il a fait les Douze” (chacun son nom, donc chacun son charisme, économie de l'Esprit Saint). Ces douze fils nés d'une nouvelle naissance, le nouveau Jacob-Israël les offre au Père comme prémices du nouveau peuple sur la nouvelle montagne sainte (Ex 23:16-19). Les Douze sont ainsi une sainte fraternité, qui résume l'Église (1P 2:17, 5:9), ils sont donc en tant que frères égaux en dignité, et en même temps constitués en hiérarchie : « Vous êtes le corps du Christ [« il a fait les Douze », économie du Christ] et membres chacun pour sa part [« il en a fait douze », économie de l'Esprit Saint] » (1 Cor 12:27). Marc va détailler cet organisme,     “Et il a imposé un nom” : Et là se dévoile le lien étape 2 / livre 2, car le livre 2 (l'Exode) commence par les noms des douze fils bénis de Jacob (Gn 49). De même l'étape 1 commence par “Commencement” comme le livre 1 (la Genèse), et l'étape 3 commence par “Il appelle” (6:7) comme le livre 3 (Lévitique). Ce qui délimite, structure, indique une relecture et pose l'Évangile comme nouvelle Torah. L'imposition du nom change la carte d'identité et donne une nouvelle mission. L'étape 1 a vu nouvelle Genèse, nouvel Adam, nouveau Noé, nouvel Abraham ; l'étape 2 voit nouvel Exode, nouveau Jacob, nouveau peuple de Dieu, et nouveau Temple. On retrouve par là le rapport entre la première gerbe de Pâques, qui est le Christ, Fils du Père des cieux et temple de l'Esprit Saint (Mc 1:9-11), et la moisson de Pentecôte, qui est l'Église des enfants de Dieu et le nouveau temple fondé sur la Pierre (Mt 7:25, 16:18).     “A Shimôn Kéiphâ (Simon Pierre)“ : Simon (l'auditeur) devient Pierre, car fides ex auditu, la foi (vient) de l'écoute (Rm 10:17) et donne la solidité du roc, « participation à la divine nature » (2P 1:4) de « la Pierre qui est le Christ » (1Cor 10:4). Mais si « le Seigneur est mon rocher » (Ps 17:3), il est en même temps pierre d'achoppement pour Israël incrédule (1P 2:8, Rm 9:32) comme le rocher de l'Exode qui abreuva Israël mais qui fut appelé aussi Épreuve et Querelle (Ex 17:6). Noter aussi que Kéiphâ, pierre, est un mot araméen venu du grec Képhas, tête, et que Pierre est en tête des Douze.     17. ”Et Ya'akov (Jacob, Jacques)“ : Tiens ! Et Andréas (André) ? Séparé de son frère ! Il n'y a en effet qu'une Pierre, la pierre d'angle sur laquelle le Seigneur a fondé la terre (Jb 38:6). Jacob, le supplanteur (cf. Gn 27:36, Os 12:4), supplante André, le mâle. Les quatre chevaux de Mc 1:16-20, qui ont pourtant parcouru la terre avec succès (Zach. 1:9-11 LXX), sont fondus dans une nouvelle entité : ils pourraient bien être devenus ces quatre chars de plusieurs chevaux, descendant des montagnes d’airain, « quatre vents du ciel qui s’avancent après s’être tenus devant le Seigneur », et qui sont « impatients de parcourir la terre »  sur laquelle « vont faire descendre mon Esprit » (Za 6:1-8).     “Fils de Zavdaï (Zébédée)“ : La filiation terrestre n'est plus mentionnée que pour différencier les deux Ya'akov.     “Et Yohânân (Jean) son frère” : En revanche, voici les seuls qui gardent une fraternité spécifique. Mais non comme fils de Zavdaï : comme fils du Tonnerre, eux qui sont envoyés “clamer” le tonnerre de la prédication évangélique,     ”Il leur a imposé un nom, B'néi Rig'shâ (Boanergès), ce qui veut dire Fils du Tonnerre” : Pourquoi des noms nouveaux pour les trois premiers, et un seul pour les 2 et 3, et que veulent-ils dire ? On a vu que Kéiphâ-Pierre évoque le rocher de Réphidim (Ex 17:6). Le tonnerre, lui, évoque celui qui inaugure la Pentecôte du Sinaï et qui est la voix de Dieu (Ex 17:16,19). Il annonce aussi la Pentecôte des Actes, où le « bruit » (ou plutôt le son, ixos) « qui remplit toute la maison » signale la venue de l’Esprit : « Tous furent alors remplis de l’Esprit Saint » (Ac 2:3-4). Mais les deux fils ? Repartons du rocher : il est bizarrement dit « en Horeb » (Ex 17:6), alors qu'on est à Réphidim : la tradition avait conclu qu’il les accompagnait, et Paul écrit « ils buvaient à un rocher spirituel qui les accompagnait, et ce rocher c'était le Christ » (1Cor 10:4). Or, sitôt après, Israël est attaqué par Amaleq, et Moïse monte sur la montagne pour soutenir les combattants en élevant les mains. Les mains devenant lourdes, il s'assoit sur… une pierre ! Et là Aaron et Hur soutiennent ses mains, ce qui donne la victoire. Ainsi Moïse, fatigué par l'Epreuve et la Querelle des israélites, s'appuie sur le Christ (« le Seigneur est mon Rocher », Ps 17:3) et transmet « la Force d'en haut » (Lc 24:49) à son peuple, par les prophètes. Et dans le Nouveau Testament, le Christ place Pierre comme l'even shetiyah, la pierre de fondation, la tête de l'angle (rappelons-nous le grec Képhas, tête), et ainsi la révélation de Moïse retrouve sa force. Jacques et Jean y sont placés en fils du tonnerre, c’est-à-dire en porte-voix de l'Esprit Saint. Si Pierre est placé comme le Christ pour être frappé par le bois comme le cœur par la lance et donner l'eau (Jn 19:34) de l'Esprit (Jn 7:38), les fils du Tonnerre sont là pour traduire le tonnerre de cet Esprit (les oracles obscurs de l'Ancien Testament) « dans notre idiome maternel » (Ac 2:8) permettant la victoire sur Amaleq, sur les nations (Ac 2:9-11), « au fil de l'épée » (Ex 17:13), qui est l’épée de la Parole (Hé 4:12).    Mois 3 jour 3  3:18. Et Andréas et Philippos * et Bar-Talmaï et Matyâ * et Tomâ et Ya’akov (fils) de Chalphaï * et Taddaï et Shim’ôn le zélote * 19. et Yehoudâ Iscariot et qui l’a livré   3:18 “Et Andréas et Philippos et Bar-Talmaï et Matyâ et Tomâ et Ya’akov (fils) de Chalphaï et Taddaï et Shim’ôn le zélote” : Avec les neuf qui restent, voici les trois niveaux dans les Douze, dont on retrouve l’équivalent chez Paul qui déclare : « Premièrement les apôtres, deuxièmement les prophètes, troisièmement les docteurs » (1Cor 12:28)… Le tout dans la charité (1Cor 13). Les forts tirant les faibles vers le haut, la charité est la justification de la hiérarchie, comme dit Paul : « Aspirez aux dons supérieurs. Je vais vous montrer une voie qui les surpasse toutes » (1Cor 13:1). Ainsi les trois plus avancés auront les visions des trois étages du monde futur : résurrection de la chair (5:37), monde à venir (9:2), et vie trinitaire (14:33). “A qui a il sera donné” (4:25)… afin qu'il donne (cf, Ps 77:4). Ainsi la liste des Douze est-elle une échelle de Jacob où le grand s'abaisse et où le petit s'élève, « maison de Dieu et porte du ciel » (Gn 28:10-28).      19. ”Et Yéhouda iscariot et qui l'a livré” : Et puis il y a ceux qui tirent vers le bas, qui focalisent les efforts de leurs supérieurs, car ils menacent non seulement de tomber, mais de faire tomber l'ensemble. Ainsi leur présence a-t-elle la vertu de développer la charité des forts. Mais dès la fondation de l'Église, « Le mystère d'iniquité agit déjà ; il faut seulement que ce qui le retient encore ait disparu » (2Th 2:7), que ceux qui viennent de décider de le perdre (Mc 3:6), les pharisiens alliés aux hérodiens, trouvent dans l'Eglise pure et sainte un maillon faible, un Judas pour arriver à leurs fins. Mais le Seigneur indique dès la fondation de son Église qu'il a un plan, qui intègre non le mal, mais le mystère d'iniquité, comme il permit que l'autre Juda livrât son frère à prix d'argent (Gn 37:27), pour que « le mal que vous aviez dessein de me faire, Dieu le fisse tourner en bien et sauve la vie d'un peuple nombreux » (Gn 50:20). Et prenne le Rusé à sa propre ruse (cf. Job 5:13, 18:7, Ps 35:8). « Tout tourne au bien de ceux qui aiment Dieu » (Rm 8:28).     Mois 3 jour 4  3:20. Et il vient à la maison et de nouveau se réunit la foule * tant qu’ils ne pouvaient même pas manger (leur) pain 21. Et les siens entendant cela sont sortis pour le saisir car disaient-ils * Il-est-hors-de-lui   3:20. “Et il vient” : Au singulier. Mais suivi des Douze : « Tu sortis devant ton peuple » (Ps 67:8). Le pasteur « me guide aux sentiers de justice » (Ps 22:3), et “les brebis écoutent sa voix” (Jn 10:3). “Voix du bien-aimé, le voici : il vient” (Ct 2:8). “Il envoie sa parole sur la terre” (ps 147:15), “car il vient pour juger la terre” ( ps 95:13).      “A la maison” : « Dieu fait habiter les solitaires dans une maison ». C’est la collégialité des Douze. Habiter la maison du Seigneur, n’est-ce pas la seule chose à rechercher ? Car on y contemple ses délices. Même si « une armée campe contre moi » (Ps 26:4, 3). En fait d’armée on va avoir une offensive des scribes de Jérusalem. Ceux que le Seigneur vient juger. Et enfin, si « je viens dans ta maison », c'est « avec des holocaustes » (Ps 65:13) : c’est dire que le Seigneur, en bon pasteur, y vient offrir ses brebis à Dieu. Pour Pentecôte (Lv 23:18).     “Et de nouveau se réunit la foule” : Foule qui avait appris dans cette même maison la rémission des péchés (cf. 2:1-2, 5). Le tonnerre de la prédication, relayé par ses deux fils (bénei rig'sha) attire la foule comme au don de la Loi (Ex 19:16-17) et au don de l'Esprit (Ac 2:6) pour les abreuver d'eau vive au roc de la foi (Pierre, Kéipha).     “Tant qu'ils ne pouvaient même pas manger leur pain” : Bien évidemment il faut nourrir ce nouveau troupeau, comme il donna la Loi à l'ancien : « Il leur donna le pain du ciel » (Ps 77:24) - « Rabbi, mange !  - J'ai à manger un aliment que vous ne connaissez pas. Ma nourriture est de faire la volonté de Celui qui m'a envoyé et de mener son œuvre à bonne fin » (Jn 4:31-32, 34). Être avec lui envoyé clamer, c'est entrer dans « la libéralité de NSJC, qui pour vous s'est fait pauvre pour vous enrichir par sa pauvreté » (2Cor 8:9). « Comme une mère nourrit ses enfants et les entoure de soins, telle était notre tendresse pour vous que nous aurions voulu vous livrer, en même temps que l'Évangile de Dieu, notre propre vie » (1Th 2:7-8). L'initiation à l'apostolat commence par troquer le pain sorti de la terre pour « le pain qui descend du ciel et donne la vie au monde » (cf. Jn 6:26-59). Cette situation est déjà une comparaison en gestes, et, comme les comparaisons verbales, il faut les questionner (Mc 4:10) pour en obtenir le déchiffrement (id. 34). Ainsi les disciples découvriront qu’« il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir » (Ac 20:35).   21. “Et les siens entendant cela” (litt. “Et, ayant entendu, les proches de lui”) : « Longtemps j’ai gardé le silence » (Is 42:14), dit le Seigneur parlant de sa vie cachée à Nazareth au milieu des siens : « Vraiment tu es un Dieu caché » (Is 45:15). Mais à trente ans il vint au Jourdain (Lc 3:21-23). Et qu'ont entendu les siens ? Que leur compatriote, leur cousin, a eu maille à partir avec les pharisiens, qui disent ne pas manger de ce pain-là. Or lui, au lieu de faire profil bas, vient de former une havoura (confrérie) bizarroïde et donc court à l'affrontement ! Il y a fort à parier que les cousins ne veulent pas être mêlés à cette histoire, qui va leur retomber dessus : « On n'est pas toujours d'accord avec les pharisiens, mais c'est quand même eux qui donnent une cohésion au pays face aux Romains et à leurs valets hérodiens ! » Eh bien non : Dieu “a sacré son roi sur sa montagne sainte” (Ps 2:6), le roi a choisi les Douze, et l'unité se fait autour d'eux (cf. Mc 4:10-11). Mais les cousins sont comme ces français qui râlent toujours sans imaginer un autre système que démocratie et laïcité : forcément le meilleur, puisque 1° c'est le nôtre, et 2° que tout le monde le dit.      “Sont sortis pour le saisir” : Et ils voudraient saisir Dieu pour l'emprisonner dans leur système ? A titre personnel, ils apprécient probablement leur Jésus, mais jugent qu'il vaut mieux le taire, et le faire taire. ils préfèrent comme aujourd’hui pratiquer l'autocensure par peur du pouvoir idéologique. Déjà à la première Pentecôte, au Sinaï, on entendit : « Ce grand feu pourrait nous dévorer si nous continuons à écouter la voix du Seigneur » (Dt 5:25). Et à la grande Pentecôte des Actes on traitera les Apôtres d’ivrognes (Ac 2:13). Et en général les auteurs de révélations gênantes encourent la prison ou l’hôpital psychiatrique. Donc mieux vaut saisir Jésus : “C'est pour son bien”. Et leur tranquillité.     “Car, disaient-ils” : Ou “on disait”, mais c'est pareil, en fait, car leur désir, c'est le consensus : « ils » veulent se fondre dans le « on ». Dans les sociétés traditionnelles, le nous passe facilement avant le moi. C’est beau de vaincre l’individualisme, sauf qu’« il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Ac 5:29). Et justement : ce « nous » n'a pas vu le souffle impur entrer dans la Synagogue (cf. Mc 1:23) et inspirer peu à peu aux pharisiens des traditions humaines (Mc 7:8) qui sont devenues majoritaires et contraignantes. Alors que le Christ, lui, est fidèle à la tradition prophétique (Mc 1:2-3). Mais il est tellement minoritaire qu'il n'est pas crédible ! Ainsi le normal est-il devenu anormal, et le moi n’est plus libre dans le nous.     “Il est hors-de-lui” : Ils pensent en fait “Il est hors de nous”. Un “nous” qui veut inclure les pharisiens et le Seigneur dans un même « vivre ensemble » qui est un « attelage disparate avec des infidèles » (2Cor 6:14). Ils lui disent : « Mais non, ils ne veulent pas te tuer, ne sois pas complotiste ! » (cf. Jn 7:20) Et pourtant si : ils projettent de le perdre (Mc 3:6). Il faudra finir par choisir entre lui et eux ! Tué ou tueur, en quelque sorte…  On ne peut fuir le combat, qui commence par une séparation : « Sortez du milieu de ces gens-là, ne touchez rien d’impur et moi je vous accueillerai » (2Cor 6:17 citant Jr 51:17 et Is:52:11). Sous ce « hors de lui », il faut entendre « Sortez de vous-mêmes“ et “Je viens dans ta maison avec des holocaustes » (Ps 65:13).     Mois 3 jour 5  3:22. Et les scribes descendus de Jérusalem disaient Il a Ba’al-Zévoul * et par le prince des démons il jette-dehors les démons 23. Et les appelant-à-lui il leur disait en comparaisons Comment peut-il Sâtan * jeter-dehors Sâtan   3:22. “Et les scribes descendus de Jérusalem” : Après “les siens” (ou “les proches”), voici les scribes, opposition plus autoritaire. Celle des « sachants », des théoriciens. Ceux « qui se font appeler Rabbi » (Mt 23:8). Si dans le nouvel Israël les disciples (traduits ici « appreneurs ») sont l'équivalent des siens, les Apôtres (ou « envoyés ») sont l'équivalent des scribes. L'Église à peine constituée doit faire face à la Synagogue. L'heure du jugement a sonné.     “Descendus de Jérusalem” : On comprend que l'Église nouvellement bâtie sur les Douze s'oppose à « la Jérusalem actuelle » (Gal 4:25), où « montent les tribus du Seigneur » (Ps 121:4). Les scribes qui en descendent, probablement prévenus par les pharisiens après 3:6, ne vont pas s'en laisser compter comme ceux de Caphar-Nahum qui ont gobé le blasphème de cet homme qui prétend remettre les péchés ! Ah ces Galiléens !      “Disaient Il a Baal-Zévoul” : Baal = propriétaire. Les baals sont les dieux cananéens servis par Israël depuis Jg 2:11. Zévoul veut dire « élevé », ou « demeure » (cf. Gn 30:20). La demeure de Dieu, ou (une fois) le shéol (Ps 48:15). Baal-Zévoul est le dieu d'Ekrôn, en nord-Philistie, consulté par le roi Ochozias (2R 1:2-17). Elie, par dérision, l'appelle « Baal-Zéboub » (propriétaire des mouches) et fait dire au roi : « N’y a-t-il pas de Dieu en Israël ? » Alors le roi le demande, mais Elie fait descendre du haut de sa montagne le feu du ciel sur deux cinquantaines (en grec Pentecôte) venues le chercher. La troisième, qui demandera grâce, sera épargnée et Elie la suivra chez le roi, à qui il promettra la mort. Très signifiant : le feu d’Elie est le feu pentecostal, celui qui menaçait les israélites au don de la Torah lors de la pentecôte du Sinaï (Dt 5:25) : quand il tombe il fait mourir les infidèles, mais laisse la vie aux humbles. En Marc, les siens et les scribes sont comme les deux premières cinquantaines. Les scribes qui l’appellent Ba’al-Zévoul ne trouveront jamais rémission, alors que, pour pasticher Elie, “N'y a-t-il pas de Dieu en Jésus ?”     ”Et par le prince des démons” : Apparemment les scribes privilégient l'étymologie « élevé », « Baal le prince »… des démons. Saint Matthieu, lui, confirme « maître de maison » (Mt 10:25).     “Il jette dehors les démons” : Les pharisiens « l'épiaient afin de l'accuser » (3:2) ; les scribes de Jérusalem, eux, sont là pour accuser : il n'y a qu'un Dieu et qu'une maison de Dieu, dont ils font partie, donc tout opposant est un blasphémateur qui vient du diable. Ils mettent donc en cause l'œuvre du “blasphémateur” depuis sa première guérison (1:23). On croit y voir un bien, arguent-ils, mais c'est une ruse satanique. L'endurcissement de leur cœur qui contristait le Seigneur (Mc 3:5) produit son fruit, le blasphème. Et aussi la division : voici Jésus et sa maison rejetés en enfer, loin de Dieu et de la maison d'Israël.      Mois 3 jour 6       Shâvouot - Fête des semaines : Don de la Torâ et Épousailles 3:24. Et si un royaume contre lui-même est divisé * il ne peut rester debout ce royaume-là 25. Et si une maison contre elle-même est divisée * elle ne pourra rester debout cette maison-là 26. Et si le Sâtan s’est levé contre lui-même et s’est divisé * il ne peut rester debout mais il a (eu) une fin   3:24. “Et si un royaume contre lui-même est divisé il ne peut rester debout ce royaume-là” : Nous voici à Pentecôte (6 sivan), et le Seigneur inaugure son enseignement, nouveau Décalogue de son Royaume. Lui aussi a dix paroles, nommées “comparaisons” : d‘abord deux (3:24-27), puis cinq (4:2-9, 21-32), puis trois dispersées (7:14-17, 12:1-9, 13:28). Aujourd’hui voici la première. La question qui précède (“Comment peut-il Satan”) n'est pas un trait d'humour sarcastique, mais l'annonce de son « discours de la méthode » pour faire advenir le royaume de Dieu annoncé depuis sa première parole, “S’est approché le règne de Dieu” (1:15) : sa « méthode » ? Prendre le rusé à sa propre ruse, le faisant tomber dans la fosse qu'il a creusée (Ps 7:16), en le divisant. Quelle division en Satan ? Soit il fait mine d'accueillir le Seigneur (« Tes ennemis te mentiront », Ps 65:3), et ainsi le Seigneur occupe le terrain, soit il avale sa proie, et là il se dévoile et le Seigneur l'explose, « par la mort terrassant la mort ». Comme dit Paul, « Pour moi, vivre c'est le Christ, et mourir m'est un gain » (Ph 1:22). Ainsi, « si vraiment il vient de Dieu, vous n'arriverez pas à les détruire » (Ac 5:39). La victoire se fera en trois étapes : royaume, maison, et enfin Satan lui-même. A) Le royaume, on le verra, correspond aux “siens”, “ses proches”, qui voudraient bien le saisir, mais à qui le Seigneur préfère ses disciples (“appreneurs”), « semence non pas corruptible, mais incorruptible » (1P 1:23).     “Et si une maison contre elle-même est divisée, elle ne pourra rester debout cette maison” : B) La maison. C'est la maison royale, c'est-à-dire les gens de sa maison, la famille royale, la dynastie et les responsables institués par le roi pour gouverner le royaume. Ils correspondent aux scribes et aux pharisiens alliés aux hérodiens en vue de le perdre (3:6). Le futur (“pourra”) semble indiquer que la maison restera debout plus longtemps que le royaume, « comme une hutte dans une vigne, comme un abri dans un champ de concombres, comme une ville assiégée » (Is 1:8). « Ne les tue pas, de peur que mon peuple oublie » (Ps 58:12).      “Et si le Satan s'est levé contre lui-même et s'est divisé il ne peut rester debout mais il a (eu) une fin” : C) Satan. C'est le prince de ce monde, le chef de guerre, le pharaon qui envoie ses chevaux contre les hébreux évadés. Il s'est levé contre lui-même, impur jouant sur deux tableaux, et par là il a trouvé sa fin, elle est déjà actée. Même s’il ne capitulera pas avant la fin des temps : « Le dernier ennemi qu’il détruira, c’est la mort » (1Cor 15:26). Ces trois niveaux sont “la montagne jetée dans la mer” (Mc 11:23), « la pierre semblable à une grande meule jetée dans la mer » (Ap 18:21), qui est « Babylone la grande ville » qui s'oppose à la montagne sainte que le Seigneur édifie à partir de 1° lui-même, la tête, 2° ses apôtres, c’est-à-dire envoyés, 3° ses disciples (3:13), ou “appreneurs”, sa vraie famille (3:35).     Mois 3 jour 7 3:27. Mais nul ne peut entrant dans la maison du Fort * piller ses choses  s’il n’a d’abord attaché le Fort * et alors il pillera sa maison   3:27. “Mais nul ne peut” : « Nul ne pouvait ouvrir le Livre » (Ap 5:3). La reprise de cette tournure dans l'Apocalypse montre l'impossibilité radicale pour l'humanité d'ouvrir le Livre (de la Torah). Seul le peut le Lion de Juda, l’Agneau immolé : « Tu es digne de prendre le livre et d’en ouvrir les sceaux, car tu fus immolé et tu rachetas pour Dieu, au prix de ton sang des hommes de toute race » (Ap 5:9). Or c’est au jour du don de la Torah qu’en Marc le Seigneur donne ses comparaisons, qui sont bien un livre qu’il faut ouvrir…     “Entrant dans la maison du Fort” : Le Seigneur rebondit sur l'accusation des scribes : chasser les démons par le prince des démons, c'est être enfermé dans leur maison comme les prisonniers dans la caverne de Platon, au point de ne pouvoir imaginer leur sauveur que comme un bourreau. Réciter cela au septième jour du mois fait deviner l'entrée du Sauveur aux enfers au grand shabbat du Samedi saint.       “Piller ses choses” : Il faut ici aller lire la toute première occurrence de “piller” (bazaz, Gn 34:27) : un prince cananéen a violé la fille de Jacob et veut l'épouser. Ses fils par ruse acceptent à condition que tous les mâles soient circoncis. Ceux-ci acceptent par intérêt, et le troisième jour, alors qu'ils sont encore invalides, les fils de Jacob les massacrent et pillent leur ville. Marc y lit la ruse du Seigneur entrant aux enfers et dépouillant les faux circoncis (Ph 3:2, Gal 5:12) pour effacer le déshonneur de la fille de Jacob (l’Eglise), abusée (par les pharisiens et les scribes).      “S'il n'a d'abord attaché (ou lié) le Fort” : En Marc, le démoniaque rompait ses liens (5:4), Jean-Baptiste n’était pas digne de délier le Christ (1:7), l'ânon ne pourra être délié que par les Apôtres (11:2) et les liens du Seigneur délieront Bar-Abbas (15:15)… Vous pigez ? L'homme pécheur est attaché au Fort (Satan) par la loi, « Qui me délivrera du corps de cette mort ? ». Mais « le plus fort » (Mc 1:7) a pris sur lui le châtiment : « Grâces soient rendues à Dieu par Jésus-Christ notre Seigneur ! » (Rm 7:24).     “Et alors il pillera sa maison” : Délivré des observances légales, toutes les nations pourront profiter des richesses jusque là l'apanage d'Israël. Les “choses” sont “les siens”, le peuple ; la maison, ce sont “les scribes”, l’élite ; le Fort, c'est Satan, est déguisé en ange de lumière (2Cor 11:14), « le dieu de ce monde (qui) a aveuglé leur entendement pour qu'ils ne voient pas briller l'Evangile » (2Cor 4:4). Or la croix du Seigneur est la clé qui ouvre leur Livre et donne le sens des paraboles, comparaisons, énigmes, figures (meschlim) qui s'y trouvent : Ce n'est pas le prince des démons qui lui fait chasser les démons, mais Dieu : « Celui qui était sans péché, il l'a fait péché pour qu'en lui nous devenions justice de Dieu » (2Cor 5:21).     Mois 3 jour 8  3 :28. Amen je dis à vous Tout sera remis aux fils des hommes * les fautes et les blasphèmes autant qu’ils auront blasphémé 29. Mais qui blasphème contre le Souffle le Saint n’a de rémission jamais * mais il est coupable d’une faute pour toujours 30. C’est parce qu’ils disaient * Il a un souffle impur   3:28. “Amen je dis à vous” : Premier emploi de cette expression. Etudions-la non en général, mais in situ : s'il dit “Vraiment, en vérité, je vous dis”, c'est parce que juste avant “il a commencé à leur parler… en comparaisons” (3:23) ! Mais « Maintenant tu nous parles en clair et sans figures » (Jn 17:29), c’est-à-dire : « Je vais vous expliquer les deux paraboles précédentes » !     “Tout sera remis aux fils des hommes” : A droite, voici ceux qui se repentiront, “auront foi (1:15) et seront baptisés” (16:16). Ils auront la rémission des péchés.     “Les dettes” : le mot a le sens plus large (araméen) de péché. A Mi-Pentecôte (25ème jour de l'Omer, 2:5-10) le Christ a remis les péchés d'un homme ; à Pessah Seni il a partagé la table de nombreux pécheurs (2:15), et à Pentecôte il annonce la remise générale des dettes et des blasphèmes, c’est-à-dire la super-année sabbatique (Dt 15), où se réalise son “Il est accompli le temps” (1:15). Notons que le 6 sivan, il raconte la division et la fin de Satan ; le 7, la libération de ses captifs ; et enfin, le 8 il annonce l'année sabbatique de la remise des dettes et le jugement dernier entre ses esclaves rachetés et ceux qui veulent le rester (Dt 15:12+). Le nombre 8 est toujours eschatologique : 7+1, de même que le jour de Pentecôte (7×7+1) est l'image de l'éternité, où tout est réconcilié avec Dieu.     “Et les blasphèmes autant qu'ils auront blasphémé” : Il mentionne les blasphèmes après les dettes comme pour montrer, je pense, que c'est le plus grand péché.     29. “Mais qui blasphème contre le Souffle le Saint n'a de rémission jamais mais il est coupable d'une faute pour toujours” : A gauche, voici ceux qui ne se repentent pas. Voici jugement de ceux de qui veulent rester esclaves (cf. Ex 21:5-6) : à Réphidim les Hébreux cherchèrent Épreuve et Querelle à Dieu et Moïse (Ex 17), les accusant de les avoir fait sortir d'Egypte pour les faire mourir de soif. Ils voyaient, disais-je, le sauveur comme un bourreau. Et Moïse voyait venir sa lapidation. Les accusations des scribes sont, si j'ose dire, du même tonneau : la Synagogue des scribes ne croit pas au Fils de l'Homme remettant les péchés (2:10), elle a en vue de le perdre (3:6) et blasphème l'Esprit Saint. Le Seigneur, lui, pour laver tout homme à l'eau vive et abreuver les âmes, c’est-à-dire les “baptiser dans l'Esprit Saint” (1:8) a établi Kéipha comme roc de la foi et a fondé l'Eglise sur les Douze, qui, eux, “s'en vont vers lui” (3:13).      30. C'est parce qu'il disait Il a un souffle impur“ : Mystère : les “siens”, en disant “Il est hors de lui” blasphèment le Fils et peuvent être pardonnés, mais les scribes, eux, blasphèment l'Esprit Saint et ne le peuvent pas ! Comment expliquer ce mystère ? De plus, Paul, « instruit aux pieds de Gamaliel » (Ac 22:3), et « respirant menaces et meurtres contre les disciples du Seigneur » (Ac 9:1), était bien de ces scribes, et fut pourtant pardonné. Peut-être n’a-t-il pas blasphémé ? Le Seigneur distingue, semble-t-il, la bonne volonté mal éclairée et influencée par les scribes, et la volonté de nuire, de salir, de tromper, de perdre, celle dont la porte est fermée de l'intérieur. Le Seigneur qui est venu pour immerger dans l'Esprit Saint (Mc 1:8) ne peut les faire bouger de leur posture, de leur choix anti-christique. ”Contristé de l'endurcissement de leur cœur“ (3:5), il ne peut les amener au repentir et à la foi. Ce jugement du Seigneur ne veut pas nous laisser dans la naïveté : il veut que nous comprenions que de même que les Douze sont avec le Christ et envoyés par lui, de même certains individus et groupes sont contre le Christ et envoyés par Satan ; prisonniers d’un fonctionnement sectaire où le raisonnement est comme retenu par la pression du groupe, ils n’entendent plus leur conscience et deviennent sans l’avoir voulu les jouets de Satan, qui mène la danse, singeant le Christ dans une contre-Église qui se dit peuple élu, avec ses envoyés (“les scribes”), et ses disciples (“les siens”), dont le but principal devient l’élimination du Christ gêneur (Mc 14:1) et de ses disciples (Ac 32:31). La bouchée suivante reviendra sur les “siens” et les “disciples”, achevant ainsi la description de l'Église du Christ… et de son antithèse.     Mois 3 jour 9 3:31. Et vient sa mère*  et ses frères et se tenant dehors * ils ont envoyé (quelqu’un) vers lui pour l’appeler 32. Et autour de lui une foule était assise * et ils lui disent Voici ta mère * et tes frères  dehors * ils te cherchent   3:31. ”Et vient sa mère et ses frères“ : Marc a dit “Jésus-Christ Fils de Dieu” (1:1), la voix céleste l'a appelé “mon Fils” (1:11), et le Seigneur s'est appelé lui-même “Fils de l'homme” (2:10, 28). Si le sens de ces expressions est varié et métaphorique, leur réunion pour désigner l’unique Seigneur dénote une double origine, une double nature. Comment la gère-t-il ? « Plus hauts sont les cieux que la terre : ainsi mes pensées plus que vos pensées » (Is 55:9). Les pensées divines dépassent les pensées charnelles. « Lui qui est non d'un vouloir de chair, mais de Dieu engendré” (Jn 1:13), il est certes tenu d'honorer sa mère, qui est sa chair, mais d'abord son Père (Ex 20:12). « Pourquoi me cherchez-vous ? Ne savez-vous pas que je dois être aux affaires de mon Père ? » (Lc 2:49) D’un côté, « Nul n'a jamais haï sa propre chair » (Eph 5:29), mais d’un autre, « je meurtris mon corps et le réduis en esclavage » (1Cor 9:27), car « ce ne sont pas les enfants de la chair qui sont enfants de Dieu, mais les enfants de la promesse » (Rm 9:8). Ainsi, de même qu’il mène la vie dure à son corps (1:13), il mène la vie dure à sa mère.     “Et se tenant dehors ils ont envoyé (quelqu’un) vers lui pour l'appeler” : Comme le paralysé, ils sont bloqués par la foule, sauf qu'eux ne viennent pas pour être guéris (« ses frères ne croyaient pas en lui », Jn 7:5), mais pour le saisir (Mc 3:21), qui veut dire le (re)“prendre en main” (kratéo). C'est l'inverse de l'appel des Douze : plutôt « l'appel de la chair ». Or le Christ et son nouveau Corps “ne pouvaient même pas manger leur pain”, c’est-à-dire « ne se soucient pas de la chair pour en satisfaire les convoitises » (Rm 13:24). « Ils l'ont crucifiée, avec ses passions » (Gal 5:24). Le Christ est en profonde unité avec sa mère, et réciproquement, mais devant Jacques et Jean qui ont quitté leur père, il ne peut décemment pas montrer le mauvais exemple : « Si nous avons connu selon la chair le Christ, maintenant nous ne le connaissons plus ainsi » (2Cor 5:16).   3:32. “Et autour de lui une foule” : Autour du Seigneur les Douze, et autour des Douze une foule, voilà les trois étages de l'arche (Gn 6:16) du salut, qui a quitté l'ancienne création, noyée dans les eaux du baptême. Il se doit à sa nouvelle création, sa nouvelle famille, ressuscitée des mêmes eaux.     “Était assise” : pour le repas… de sagesse. Pour passer de la vie charnelle à la vie spirituelle. D'où leur question :     “Et ils lui disent Voici ta mère et tes frères dehors” : Parce que charnellement ce devrait être l'inverse : ta famille et toi dedans ; et nous, la foule, dehors. « Tes père et mère honoreras pour que se prolongent tes jours sur la terre » (Ex 20:12). Oui, mais spirituellement la vie céleste prime : « Comme au ciel, aussi sur terre » (Mt 6:10). « Le premier est : “Tu aimeras le Seigneur”, le second est : “Tu aimeras ton prochain” » (Mc 12:30-31).     “Ils te cherchent” : Chez les siens, il y a deux recherches. D'un côté, celle de la Mère de Dieu « qui a cru » (Lc 1:45) : « Dans la nuit j'ai cherché celui que mon cœur aime » (Ct 3:1). Elle ne peut contempler son Corps, adorer sa présence réelle, « cachée dans son tabernacle » (Ps 26:5) : dans la nuit de la foi plus lumineuse que toute intelligence humaine, elle doit « demeurer [provisoirement] exilée parmi les tentes de Kédar » (Ps 119:5). De l'autre côté, celle des frères du Seigneur, qui « ne croyaient pas en lui » (Jn 7:5) : ce sont ces incrédules, ces tentes de Kédar (le mot veut dire « sombre ») non illuminées par la foi, ces hommes encore charnels, qui le cherchent pour des motifs humains, et donc ne peuvent le trouver. “Il n'est pas ici” (Mc 16:6).     Mois 3 jour 10  3:33. Et répondant il leur dit Qui est ma mère * et mes frères 34. Et regardant-à-la-ronde ceux qui  sont assis en cercle autour de lui * il dit Vois ma mère * et mes frères 35. Quiconque fait le vouloir de Dieu celui-là est mon frère * et ma sœur * et ma mère   3:33. “Et répondant il leur dit Qui est ma mère et mes frères ?” : Le Seigneur aime questionner : déjà sa sixième question ! Aux scribes il demandait comment jeter dehors Satan, et aux siens il demande qui sont les siens. Il veut faire sentir le dépassement des liens charnels par la nouvelle naissance. Ses apôtres ont tout quitté, et lui aussi. Filiation abrahamique oblige : « Quitte ton pays et ta parenté et la maison de ton père pour le pays que je te ferai voir » (Gn 12:1). Lire Ga 4:21-31. L’appel d’Abraham suit la destruction de Babel (Gn 11), « qui correspond à la Jérusalem actuelle » (Ga 4:25). Ici, la tour de Babel commence par les siens, s'élève avec les scribes, et aboutirait à Satan (Is 13:14, 2Th 2:3) si le Seigneur ne venait la frapper avec sa Pierre (Dn 2:34) d'achoppement (1P 2:8), Kéipha, qui va remplir la terre (Dn 2:35) en devenant l'Église. Frappée par le bâton (Ex 17:5-6) de sa colère (Lam 3:1), elle fera jaillir l'eau de la nouvelle naissance, et par là s'édifiera en une tour de pierres vivantes (1P 2:4).     34. “Et regardant à la ronde ceux assis en cercle autour de lui” : Regard qui le console du regard de colère promené sur les pharisiens de la synagogue (3:5), les ministres de Babel. Car ronde, cercle et autour forment un triple pléonasme qui définit les trois cercles concentriques, de l'Église : disciples, envoyés et Seigneur. L’arche et ses trois étages (Gn 6:16).     “Il dit Vois ma mère et mes frères” : C’est-à-dire : entre toi aussi dans mon regard pour voir mon Corps ecclésial, qui est une fraternité (adelphotès, 1P 2:17, 5:19) et aussi une maternité (cf. Ga 4:26), où « nombreux sont les enfants de l'abandonnée plus que les fils de l'épouse » (Gal 4:27, cit Is 54:1).     35 : “Quiconque fait le vouloir de Dieu celui-là est mon frère et ma sœur et ma mère” : Et là il parachève la définition du disciple : 1° Être assis autour de lui, dans la maison ; 2° faire le vouloir de Dieu ; 3° Être frère, sœur et mère du Christ. L'apôtre, lui, 1° est appelé par le vouloir du Christ sur la montagne, 2° s'en est allé vers lui librement, 3° pour être avec lui dans sa mission de clamer le Seigneur et d'expulser les démons (3:13-15). Nous avons donc maintenant, face à la « Jérusalem actuelle » (Ga 4:25) d'où descendent les scribes, (Mc 3:22) « la Jérusalem d'en haut » (Ga 4:26) où montent les nouveau-nés (1P 2:2) : 1° la Parole (le Christ), 2° ceux qui parlent (les Apôtres), et 3° ceux qui écoutent (les disciples) : « diversité de dons » (1Cor 12:4) formant « la maison de Dieu », « uns dans la foi et la connaissance pour constituer cet homme parfait qui réalise la plénitude du Christ » (Eph 4:13). La Parole va pouvoir maintenant déployer librement l'enseignement du Royaume : “Il en est du Règne de Dieu…“ (4:26)    !l Mois 3 jour 11 4:4. 1. Et de nouveau il a commencé à enseigner au bord de la mer * Et s’assemble auprès de lui une foule très nombreuse si bien que lui étant monté dans une barque s’est assis en mer * et que toute la foule se trouvait près de la mer sur la terre 2a. Et il leur enseignait en comparaisons beaucoup de choses   4:1. “Et de nouveau il a commencé à enseigner” : C'est ici le commencement de l'enseignement général, pour une foule ; une foule de débutants, certes, mais  une foule venue a priori pour apprendre. Donc un enseignement construit sur la venue de ce Règne de Dieu qu’il annonce depuis le début (1:15).     “Au bord de la mer” : Le premier enseignement eut lieu à la synagogue (1:22) enseignant par là que le Seigneur vient à l'accomplissement du temps (1:15) de l'ancienne alliance, « sujet de la Loi pour racheter les sujets de la Loi et nous conférer l'adoption filiale » (Ga 4:4-5). Celui qui fut proclamé Fils bien-aimé et reçut le Souffle Saint (1:10-11) devait commencer par chasser le souffle impur (1:23-26). « Le monde entier gît au pouvoir du Mauvais » (1Jn 5), mais « le jugement commence par la maison de Dieu » (1P 4:17). Quant au premier enseignement au bord de la mer (Mc 2:13), il nous renvoie plus haut, à la Genèse : c’est la création d’une terre (Gn 1:9) nouvelle, libérée du péché (Mc 2:5) : le Christ s'adjoint Lévy (Mc 2:14) et mange à la table des pécheurs (Mc 2:16), révélant la nouveauté de la rédemption et ouvrant le conflit avec l'ancien monde. « Devant moi tu apprêtes une table… face à mes adversaires » (Ps 22:5). Car la Synagogue a déjà décidé sa perte (3:6), et lui a dû “faire les Douze” (Mc 3:16). Le deuxième enseignement au bord de la mer, où nous sommes maintenant rendus, devrait donc a priori expliciter ces deux voies, pour les Douze et les disciples qui désormais l'entourent (3:34).     “Et s'assemble (synag-) auprès de lui” : Cette assemblée auprès de lui, sa nouvelle synagogue, son temple, ce sont 1° les disciples, 2° dont certains sont apôtres, et, 3° au sommet, le Saint des saints, qu’il est lui-même. « Confirme, ô Dieu, ce que tu as accompli depuis ton temple en Jérusalem » (Ps 67:29-30) : « En avant marchaient les princes, suivis des chantres. Bénissez Dieu dans les assemblées » (id. 25-26). C’est le nouvel Israël qui part traverser la mer.     “Une foule très nombreuse” : « 600 000 hommes de pied partirent de Ramsès pour Sukkoth » (Ex 12:37). La deuxième étape est le deuxième livre de sa nouvelle Torah, un nouvel Exode. Au bord de la mer, les voici en partance (cf. 4:36). Et cette nombreuse multitude qui le suit est, d'après 3:8, autant juive que païenne. Ce sont les 400 qui suivent David à Adullam : d'une part sa famille (“les siens”), d'autre part… les endettés (1Sam 22:1-2). Waw ! cf. “Tes péchés sont remis” (2:5). Toujours la thématique pentecostale. Tout ce monde est donc en partance, mais vers où ? Eh bien, après l’enseignement ceux qui le suivront partiront sur la mer vers un pays païen (5:1) : n’est-ce pas Gérasa que l'on devine à travers les voiles de la barque ? Et, au-delà, n'est-ce pas le monde à venir, ce royaume des cieux qu'il annonce depuis le début (1:15) ? C’est la maison où il envoyait le paralysé (2:11). La maison du Père. Cette foule annonce celle de la Pentecôte qui écoutera Pierre, d’où se détacheront les 3000 convertis (Ac 2:41) qui monteront dans sa barque pour « se sauver de cette génération dévoyée » (Ac 2:40).     “Si bien que lui étant monté dans une barque” : Certes, la voix porte mieux sur l'eau, mais encore ? Eh bien, notons que la barquette (3:9) devient ici barque, donc pouvant accueillir les Douze (4:36), ainsi qu’une cale pour le poisson (4:38) et un chalut (1:19). Il y a donc le projet d'une bonne pêche dans la barque de Pierre. Et d’un tri sur le rivage (Mt 13:48).      “S'est assis en mer” : C'est lui le pêcheur et le passeur, il domine les puissances infernales, « la Sagesse le pilote à l'aide d'un bois sans valeur » (Sg 10:4) et le conduit vers les rives fécondes. Bientôt il marchera carrément sur la mer (4:48), « à la tête de son peuple » (Ps 67:8).      “Et il leur enseignait en comparaisons” : Cette mise en scène, telle que décrite, est une comparaison jouée soulignant la comparaison chantée qui suit. Qui peut admettre que le Fils de Dieu descende du ciel ? Seule la comparaison a cette vertu de le montrer en amenant l’esprit à s'interroger. Ainsi le débutant doit apprendre à déchiffrer les comparaisons.     “Beaucoup (de choses)” : Ça change des coups de griffe aux sceptiques de l'étape 1 : nous sommes ici à l'enseignement élaboré, développé, pour public, certes ignorant, mais décidé. Le nombre des images compensera la limite de l'image. “A maintes reprises et de maintes manières”, dit l'Apôtre en parlant des prophéties (Hé 1:1). Ici c'est un ensemble de cinq comparaisons (clin d'œil à la nouvelle Torah) qui sera conclu par “Et par beaucoup de comparaisons semblables il leur disait la Parole” (4:33), ce qui veut surtout dire que toutes sont semblables, ne disant qu'une Parole, qui est son Nom (Ap 19:13). Le nombre cinq enseigne que l’ensemble de la Torah (et par là de l’AT), est la comparaison de l’Evangile (et par là du NT), qui en est le déchiffrement. Et qu’on doit apprendre à lire le monde nouveau à travers l’ancien.     Mois 3 jour 12 4:2b. Et il leur disait dans son enseignement 3. Ecoutez * Voici Celui qui sème est sorti pour semer 4. et il est advenu quand il semait * qu’il en est tombé au bord de la route et les oiseaux sont venus et l’ont dévoré   4:2b. “Et il leur disait dans son enseignement” : Après l'enseignement joué (4:1), voici l’enseignement dit. Cette comparaison est la troisième (4:3-20) sur les dix que compte l’ensemble de Marc (3:24-27, 4:2-33, 7:14-17, 12:1-12, 13:28-29) ; dix paroles qui sont la relecture du Décalogue ; elle est aussi la troisième sur les sept de l’étape II ; ce septénaire est la relecture des sept jours de la Genèse. Elle est enfin la première sur les cinq du chapitre 4 ; et ces cinq, qui n'en font qu'une, sont la relecture du Pentateuque.     3. “Écoutez” : Puisque la Torah est résumée par les dix paroles (Dt 5), Marc commence la récitation des dix comparaisons à Pentecôte. Or ce Décalogue est contenu dans son premier mot « Écoute, Israël » (Dt 5:1). Premier commandement, selon Marc (12:29). Car l'écoute fait Israël : leur “Nous ferons et nous écouterons” (Ex 24:7) conclut l'alliance. Or le Christ, ici, vient de faire les Douze (3:14) et “une foule très nombreuse s'est assemblée auprès de lui” (4:1) ! On est au don de la nouvelle Torah. Et ce n'est plus le peuple « plus petit que toutes les nations » (Dn 3:37), c’est déjà l’image des 144 000 israélites réunis à la « foule immense » de toutes nations (Ap 7:4, 9).     “Voici” : Après l'écoute, le regard (étymologie de voici, selon le grec seulement). Le premier Voici (Gn 1:29) « donnait aux hommes toute herbe portant semence » ! A la deuxième création, il s'agira donc de la « semence incorruptible par la Parole de Dieu » (1P 1:23), du dernier Voici de l’Ecriture : « Voici, je fais toutes choses nouvelles » (Ap 21:5). Et entre les deux, à l'accomplissement du temps (Mc 1:15), il y a le premier Voici de Marc (1:2) : “Voici j'envoie mon annonciateur” (Mal 3:1), et sa “voix de crieur”. « Que criera-t-elle” ? « L'herbe se dessèche et la fleur tombe, mais la Parole de Dieu reste à jamais ». « Élève la voix et dis : Voici votre Dieu ! » (Is 40:3-9)   4:3b. “Est sorti” (suivons l'ordre du grec) : Essentielle sortie, encore faut-il deviner d'où. Le Théologien donnera la réponse : « Le Verbe (la Parole) qui était vers Dieu » (Jn 1:1) est « sorti du Père et venu dans le monde » (Jn 16:7). La parabole du semeur cache en elle le Prologue de Jean.     “Celui-qui-sème ” : C'est le “Logos spermatikos”, qui nous rappelle « la pluie et la neige qui descendent des cieux et n'y retournent pas sans avoir arrosé la terre, l'avoir fécondée et fait germer pour fournir semence au semeur et pain au mangeur : ainsi en est-il de la parole qui sort de ma bouche » (Is 55:10-11).     ”Pour semer“ : “Je suis sorti pour cela” (Mc 1:38), c’est-à-dire pour clamer (alors que les pharisiens, eux, sortaient pour tenir conseil en vue de le perdre (3:6). Mais le geste du semeur évoque une nature céleste qui pénètre la terre, par un processus de noce, qui doit produire un fruit de vie, une union de deux natures en une seule réalité (Cf, Is 45:8). Dans la première création, le Verbe « a dit, et ce fut » (Ps 32:9) ; dans la nouvelle, « à tous ceux qui l'ont reçu il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu » (Jn 1:12).     4. “Et il est advenu quand il semait qu'il en est tombé au bord de la route” (ou “le long ”, c’est-à-dire sur la route) : En Palestine, on sème avant le labour, donc il reste du grain sur ce qui deviendra le chemin, donc qui ne germera pas. Autrement dit, Dieu parle à tous sans faire acception de personnes (Dt 10:17), car « Son Fils soutient l'univers par sa parole toute-puissante » (Hé 1:3). La route est l’image de la progression vers la perfection, donc vers Dieu : « Abraham partit comme lui avait dit le Seigneur » (Gn 12:4). Mais la route n’est pas un lieu de germination. Il y a comme une inversion. Une route prise dans le mauvais sens. Ou, si l’on veut, deux voies (Cf. Dt 30:15-20), et ici ce serait plutôt la route qui fuit Dieu : « Jonas partit pour fuir vers Tarsis, loin du Seigneur » (Jon 1:3). Sur les deux voies on peut lire https://www.cairn.info/revue-pardes-2001-1-page-103.htm.     “Et les oiseaux sont venus et l'ont dévoré” : Voici l’aboutissement de la fausse route. « Le salaire du péché, c’est la mort » (Rm 6:23). Rendement zéro. « Le Seigneur connaît la voie des justes et la voie des impies va se perdre » (Ps 1:6). « Que des étrangers ravissent le fruit de ses travaux » (Ps 108:11). « Le fruit de ta terre et de ton travail, un peuple que tu ne connais pas les mangera » (Lv 28:33). « Ton cadavre sera la pâture de tous les oiseaux du ciel » (Dt 28:26). Telle est la malédiction promise à Israël s'il n'écoute pas la voix du Seigneur son Dieu (Dt 28:15). Alors… “Écoutez !”     Mois 3 jour 13 4:5. Et d’autre est tombé sur l’(endroit) pierreux * là où il n’avait pas beaucoup de terre et aussitôt il a levé * parce qu’il n’avait pas de profondeur de terre 6. Et quand s’est levé le soleil il a été brûlé * et parce qu’il n’avait pas de racines il a été desséché   4:5. ”Et d'autre est tombé” : D'autre quoi ? Le sujet, c’est la semence, mais il n'est pas nommé, la forme passive désignant ainsi l'action divine. Cf. par exemple “Tes péchés sont remis” (Mc 2:5). La semence divine de la Parole.     “Sur l'(endroit) pierreux” : La pierre est l’image de la solidité du bâti (Mt 7:24). Mais ici, comme pour la route, il y a inversion : rien n’est bâti et la solidité empêche la croissance. C'est plutôt l'image du cœur endurci, du refus d'apprendre.     “Là où il n'avait pas beaucoup de terre” : Plus il y a de cailloux, moins il y a de terre. Au bord (ou plutôt le long) de la route, la Parole ne pénètre pas ; sur un sol pierreux, elle pénètre, mais en surface. De même la Parole : certains lui refusent leur bouche (bord de route) ; d'autres (endroit pierreux) lui prêtent leurs lèvres, mais lui ferment leur cœur : « Ce peuple m'honore des lèvres, mais leur cœur s'est éloigné » (Is 29:13).     “Et aussitôt il a levé parce qu'il n'avait pas de profondeur de terre” : La semence doit commencer par descendre. Faire des racines. Mais ici, ne pouvant descendre, elle monte. Donc elle démarre fort, mais si la pierre bloque l’enracinement elle ne pourra monter bien haut… Il y a des blocages, comme ça, des obstacles, qui sont prohibitifs. Et souterrains : ainsi, avant d'accuser le ciel, creusons la terre. Cf. Jos 7. Cf. “Qui nous roulera la pierre ?” (Mc 16:3). Celle de l'endurcissement du cœur (Mc 3:5). Cf. Ez 36:26.     6. “Et quand s'est levé le soleil il a été brûlé” : Dans la terre la racine va chercher l'eau, sans qui les bienfaits du soleil se changent en méfaits. Car « Dieu fait lever son soleil sur les mauvais et les bons » (Mt 54:45), mais pour un résultat tout différent : la fournaise brûle les chaldéens, mais les trois Hébreux s'en sortent sans mal (Dn 3:22, 27). « Pour vous qui craignez mon Nom, le soleil de justice brillera avec la guérison dans ses ailes » (Ml 3:21).      “Et parce qu'il n'avait pas de racines il a été desséché” : Il y a donc des conditions pour profiter des bénédictions du ciel : la terre doit être épierrée avant que les racines puissent pousser, porter l’eau à la plante et nourrir sa croissance. Aussi, « Rejetons tout fardeau, et le péché qui nous assiège, courons avec persévérance » (Hé 12:1). Dans mes Causses, les pierres du sol sont devenues au fil du temps des murets entre les champs et ont servi à édifier les cazelles des bergers :-) De même dans le Christ « toute construction s’ajuste et grandit en un temple saint, dans le Seigneur en qui vous êtes intégrés à la construction pour devenir demeure de Dieu, dans l’Esprit » (Eph 2:21-22). Notons « s’ajuste et grandit », qui veut bien dire que « Rome ne s’est pas faite en un jour ». Ainsi la pierre, comme la route, peut donner deux résultats différents. Soit « la demeure de Dieu, dans l’Esprit », où pousse l’arbre de la Croix (cf. Jn 19:31), soit la cité d’Aï, qui avait vaincu Israël (Jos 7-8) : « Josué l’incendia et en fit pour toujours une ruine, un lieu désolé. Quant au roi de Aï, il le pendit à un arbre jusqu’au soir, puis on le jeta à l’entrée de la porte de la ville, et on amoncela sur lui un grand tas de pierres » (Jos 8:28-29). On retrouve ici la deuxième comparaison (Mc 3:27).     Mois 3 jour 14 4:7. Et d’autre est tombé dans les épines * et les épines ont monté et l’ont étouffé et il n’a pas donné de fruit   4:7. “Et d'autre est tombé dans les épines” : Troisième terrain, que nous connaissons depuis la chute puisqu'épines et chardons (des champs) ont remplacé le jardin (Gn 3:19).     “Et les épines ont monté et l'ont étouffé” : le grain cette fois a pu germer, c'est déjà mieux qu'au bord de la route, et il a pu faire des racines ; c'est déjà mieux que sur le sol pierreux, mais…     “Et il n'a pas donné de fruit” : Il y était presque ! Mais la tige s'est fait étouffer. Donc rendement zéro. La parole était 1° dans leur bouche, 2° dans leur cœur, mais pas 3° dans leurs mains, « pour la faire » (Dt 30:14). Avec bord de route, sol pierreux et épines, nous sommes une fois de plus face aux trois niveaux de la chute, que le Seigneur a déjà traités dans la première comparaison sous les images du royaume, de la maison et de Satan (Mc 3:24-26). On a vu que “les siens” représentaient son royaume et les scribes sa maison. Le Messie Fils de Dieu est venu pour les libérer et mettre en place un autre royaume, pour ses disciples, avec une autre maison pour ses apôtres, le tout sous sa houlette. C'est son Église. La troisième comparaison reprend ce jeu de construction, avec des images agrestes.     Mois 3 jour 15 4:8. Et d’autres sont tombés dans la belle terre * et ont donné du fruit en montant et en croissant et ils ont rapporté l’un trente et l’autre soixante * et l’autre cent 9. Et il disait Qui a des oreilles pour écouter * qu’il écoute   4:8. “Et d'autres sont tombés dans la belle terre” : Rappelons que la terre est celle où se trouve la foule, face au Seigneur qui est en mer (4:1). Et de là, « Le Seigneur a jeté une parole en Jacob, elle est tombée en Israël. Tout le peuple l'a su » (Is 9:7). Cette foule s'est alors divisée entre trois terrains stériles (les siens qui veulent le saisir, les scribes qui l'accusent de satanisme et Satan qui mène le bal) et une belle terre, qui a droit elle aussi à plusieurs jets de grain : notez le pluriel “d'autres”. Que va rapporter cette pluralité ?     “Et ils ont rapporté l'un 30, l'autre 60 et l'autre 100”. Et voilà nommés trois rendements différents. Seraient-ils miraculeux ? Non : après renseignement, j’apprends que semer à la volée ne donne qu’entre 4 et 10 pour un, mais qu’avec d'autres techniques et une main d'œuvre abondante et peu coûteuse on peut obtenir jusqu’à 150 pour un (https://lorexplor.istex.fr/mots-agronomie.fr/index.php/Signification_des_rendements). Deuxième remarque importante, c’est que ces trois rendements impliquent trois terrains différents, trois terrains fertiles, qui s’opposent donc aux trois terrains stériles. On est toujours sur l’exposé des deux voies spirituelles, chacune ayant trois étapes. Il nous faut donc mettre ces 2×3 terrains en relation avec d’autres triades déjà vues en Marc.     9. “Et il disait Si quelqu’un a des oreilles pour écouter, qu'il écoute” : Le Seigneur redit son invitation initiale “Écoutez” (4:3), mais tient compte de la division qu'il a constatée (ou fait naître !), entre ceux qui ont des oreilles mais n’écoutent pas, et ceux qui “ont des oreilles pour écouter”. Son midrash (explication) sera pour ceux-ci. « Ne reprends pas un moqueur, de peur qu’il te haïsse, reprends un sage, il t'aimera » (Pr 9:8). Il invite donc la foule à faire un choix, en osant se séparer des sourds volontaires pour faire partie de son « auditoire » (akoè, mot bâti sur « écoute » et traduit par « renommée » en 1:28), appelé à devenir non seulement sa main pour des œuvres nombreuses, mais son Sanctuaire, son Église, son Corps, en trois niveaux : Lui, les Envoyés et les Disciples). Il est facile de voir dans ceux qui n’écoutent pas les trois sols stériles, et dans ceux qui écoutent les trois sols fertiles.     Excursus : La récitation concomitante d’Isaïe En même temps (mois 3), Isaïe fait réciter (du moins sa première année) ses chap. 9-12, qui donnent la clé des champs du Semeur. Clé messianique : Dans le district (Galil) des nations (8:23b) est venu régner le fils de David (9:5-6), en Ephraïm (9:8), au nord [en Marc, Jésus à Capharnaüm]. Mais le peuple n'est pas revenu (v. 12). Aussi le Seigneur a retranché tête et queue (v. 13), le peuple se divise contre lui-même [!], sa méchanceté dévore ronces et épines (v. 17) et les païens vont piller le butin (10:6), avant d'être eux-mêmes vaincus (10:16-19) [en Marc, 3:27]. En effet, seul un petit reste de Jacob reviendra vers le Seigneur, car la destruction est bien décidée (10:20-23), et se fera par le rejeton de David (11:1) qui frappera la terre par la férule de sa bouche et du souffle de ses lèvres fera mourir le méchant (4) [en Marc, l'enseignement en comparaisons]. Mais alors la paix reviendra (1-9), et Israël, réunifié (13) et rassemblé  (12) à partir des nations (11) sera recherché par les nations (10), nouvel Israël (11) qui fondra sur l'Occident et pillera l'Orient [en Marc, les trois terrains fertiles et le départ en barque vers les Géraséniens à l’Orient (et les Douze envoyés clamer)].     Mois 3 jour 16 4:10. Et quand il s’est trouvé seul ceux qui étaient autour de lui avec les Douze * le questionnaient sur les comparaisons 11. et il leur disait A vous a été donné le mystère du Royaume de Dieu * or à ceux-là qui sont dehors tout advient en comparaisons   4:10. “Et quand il s'est trouvé seul” Litt. “Et quand il advint selon seuls” : mystérieuse expression… Monos (seul) n'est pas Eis (un, unique). Eis, c’est “Le Seigneur est un” (Dt 6:4, Mc 12:29). Et Monos, c’est « Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et le serviras lui seul » (Mt 4:10). “Ils n'ont plus vu personne que Jésus seul (Mc 9:8). Mais ici “seuls” est au pluriel. Comme après la Transfiguration, “ils ne voient plus personne que Jésus seul avec eux” (Mc 9:8)… Quelle est cette solitude ? J'y vois la solitude de celui qui « récapitule toute choses en Lui » (Eph 1:10), « glorifié dans le conseil des saints, redoutable plus que ceux qui l’entourent » (Ps 88:8), et j’y vois la solitude des soixante-dix anciens qui, après le don de la Torah, montent, voient le Dieu d’Israël, mangent et boivent (Ex 24:9-11). Le Seigneur vient de récapituler “le mystère du règne de Dieu” en une seule parabole : à “qui a des oreilles pour écouter” (4:9), il peut maintenant donner le déchiffrement (Mc 4:34), le midrash.     “Ceux qui étaient autour de lui avec les Douze” : Or c’est dans ce triple groupe que se trouve le midrash, ce sont eux les trois terrains fertiles : ceux autour (30 pour 1) de Lui (100 pour 1) avec les Douze (60 pour 1).  30, c'est l'âge du Christ « lorsqu'il commença son ministère » (Lc 3:23).  60, c'est le double, quand “il a fait les Douze” (Mc 3:6). « C'est lui qui a donné aux uns d'être Apôtres, organisant ainsi les saints pour l'œuvre du ministère, pour la construction du Corps du Christ (60), au terme de laquelle (c’est-à-dire au 100) nous devons parvenir tous ensemble à ne faire plus qu'un dans la foi et la connaissance du Fils de Dieu et à constituer cet homme parfait à la mesure de l'âge de la plénitude du Christ » (Eph 4:13).  Le 100 “récapitule” sous une seule tête. Elie, déjà, « dit “Doublez”, et ils doublèrent ; il dit “Triplez” et ils triplèrent » (1R 18:34). Mais il y a ici plus du triple, car le tout est plus que la somme des parties : en effet « Le feu du Seigneur tomba » (v. 36). Ezéchiel lui aussi mesure l’eau (47:4-5), et à la troisième mesure, l'eau avait grossi jusqu'à devenir une eau profonde, un torrent infranchissable (v. 5). 100, c'est « De son sein couleront des fleuves d'eau vive » (Jn 7:38), c'est l'Arbre de Vie d’où jaillissent les quatre fleuves (Gn 2:9-10). Pour le dire en bref, les disciples (30) passent par les Douze (60) pour aller au Christ (100).     “Le questionnaient sur les comparaisons” : Et la question, c'est l'outil de la montée. Car notre vie est une comparaison par laquelle l'Epoux fait signe, frappe à la porte (Ct 5:2, Ap 3:20). Ecouter, c'est bien, mais ça n'est rien sans questionner. Qui ne questionne pas laisse passer sa chance. BF m'avait raconté l'histoire de Perceval voyant le Graal dans le château du Roi-Pêcheur : Hélas, ne posant aucune question, restant muet (le mot est à la racine de « mystère »), il n'en prend pas conscience et du coup laisse passer le Graal qui aurait pu sauver le royaume d'Arthur ! La question permet de passer de l’autre côté du miroir (cf. 2Cor 3:18). Autant dire : au Royaume.     11. “Et il leur disait A vous a été donné le mystère du règne de Dieu” : Il ne dit pas “le règne”, il dit “le mystère du règne”, c'est-à-dire « une sagesse mystérieuse et cachée que Dieu avant les siècles avait destinée pour notre gloire » (1Cor 2:7). C'est « le mystère du Christ » (Eph 3:4), c'est-à-dire « du Christ et de l'Église » (Éph 5:32). Mystère dont les Apôtres sont les dispensateurs (1Cor 4:1). Le 100 passe par les 60 pour aller aux 30, et réciproquement ; c’est « la libéralité de notre Seigneur Jésus-Christ, qui pour vous s’est fait pauvre, pour vous enrichir de sa pauvreté » (2Cor 8:9) ; c'est l’échelle de Jacob (Gn 28:12), c’est-à-dire « la demeure de Dieu et la porte du ciel » (id. 17). C'est l'Église.     “Or à ceux-là qui sont dehors tout advient en comparaisons” : « Le mystère, c'est qu'une partie d'Israël est tombée dans l'endurcissement jusqu'à ce que la totalité des païens soit entrée » (Rm 11:25). “Sa mère et ses frères se tenaient dehors” : Ils étaient obligés d'envoyer quelqu'un pour l'appeler (Mc 3:31), car ils étaient dehors. Comme les païens : « Philippe dit à l'eunuque “Comprends-tu ce que tu lis ?” Il dit “Comment le pourrais-je si personne ne me guide ?” » (Ac 8:30-31) Et les voila « assis ensemble en frères » (Mc 3:34, Ac 8:31, Ps 67:7, 132:1) : les apôtres (les Envoyés) sont les dispensateurs. Comme dit S. Augustin, l'AT, c'est le NT voilé, et le NT, c'est l'AT dévoilé. Le voile doit se déchirer (Mc 15:38) pour nous ouvrir le Saint des saints (Hé 9:12) en dévoilant l'AT par la Croix du Christ, « afin que nous réfléchissions comme en un miroir la gloire du Seigneur » (lire 2Cor 3:14-4:6). Mais si on ne fait pas appel aux Douze, « si personne ne clame » (Rm 10:14), si on ne pose pas de question, un voile reste posé sur notre cœur, c’est comme si on n’avait pas écouté : on n'a que le mauvais côté de la comparaison, que la moitié du sumbolon, on est parti pour hériter de la malédiction et non de la bénédiction (Lv 26, Dt 28), des épines et des ronces au lieu du jardin d'Eden. Qui écoute questionne. Sinon, il garde ce cœur endurci qui n'a pas entendu la prédication, cette oreille qui n'a pas entendu, alors que « nous annonçons ce qui n'est pas monté au cœur de l'homme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment » (1Cor 2:9). Hé 6:7-8.     Mois 3 jour 17 4:12. “Afin qu’en regardant ils regardent * et ne voient pas et en écoutant ils écoutent * et ne comprennent pas de peur qu’ils se retournent * et qu’il leur soit-fait-rémission”   4:12. “Afin qu'en regardant ils regardent et ne voient  pas” : Le “afin que” ouvre une citation tellement connue que Marc n'en donne pas la source. Il veut dire “Afin que [s'accomplît l'Écriture selon laquelle]…” Il s'agit en effet d'Isaïe, la référence majeure de Marc, l'ancien qui le guide (Ap 5:5), dirait mon frère (cf. “Les 4 chevaux du Messie”, bod.com). Le verset en question se trouve au centre de la vision centrale d'Isaïe (6:9), il résume ce qu'il « va dire à ce peuple », en un refrain qui sera repris au milieu de chacune des étapes du livre d’Isaïe (cinq étapes de trois mois), qui est le mystère de l'endurcissement d'Israël (Rm 11:25) : tristesse et douleur incessante de Paul (Rm 9:2), cause des pleurs de Jean (Ap 5:4), impatience d'Isaïe (6:11), colère de Dieu (Ps 94:10), et facteur d'incompréhension pour les chrétiens, voire cause de scandale, de chute. Les chapitres 9 à 12 d'Isaïe, ai-je écrit (en fait je dirais plutôt 7 à 11) dévoilent l'économie divine qui palliera à cet endurcissement : la venue du Messie fils de David, pierre d'achoppement, qui retranchera les uns et permettra aux autres, le petit reste, de conquérir les nations. Et Marc clame son annonce heureuse exactement dans cette ligne.      “De peur qu'ils se retournent et qu'il leur soit fait rémission” : Ainsi, pendant que “vous est donné le mystère du Règne de Dieu”, par l'Évangile, “à ceux-là qui sont dehors tout advient en comparaisons” (4:11). Ne pas inverser l'accusation : comment croire que Dieu parle pour empêcher un peuple de voir et d'entendre, lui qui lui a ordonné d'écouter ? Comment croire qu'il a peur qu'ils se repentent et soient pardonnés ? Certes, « Dieu endurcit qui il veut » (Rm 9:18), mais que veut-il, sinon « que tous les hommes soient sauvés » (1Tim 2:4) ? Ayant ce désir, « il éclaire les méchants comme les bons et fait pleuvoir sur les justes comme les injustes » (Mt 5:45). Et il sème sur les sols stériles comme les fertiles ! Mais pour un rendement différent : plus « à ce peuple il parle de paix », plus « pour eux c'est la guerre » (Ps 119:6), plus il alourdit leur cœur, endurcit leur oreille, englue leurs yeux, comme il en prévient Isaïe (6:10). J’ai cité le sage qui dit : « Ne reprends pas un moqueur, de peur qu’il te haïsse, reprends un sage, il t'aimera » (Pr 9:8). N'empêche, Dieu parle, parce qu'il est têtu, comme on dit « les faits sont têtus ». Et par cet entêtement son Fils mourra sur la Croix, de la haine des moqueurs (Mc 15:31).      Mois 3 jour 18 4:13. Et il leur dit vous ne saisissez pas cette comparaison * et comment connaîtrez-vous toutes les comparaisons 14. celui qui sème * sème la Parole   4:13. “Et il leur dit Vous ne saisissez pas” : Saisir, en grec eido, voir, d'où savoir (cf. “Tu vois ce que je veux dire”, ou “Voyez ce que vous écoutez”, 4:24). C'est la vision par laquelle le Seigneur a vu la colombe de l’Esprit, les Quatre, leur foi, par laquelle la foule a “su” (eido) que le Fils de l'Homme avait l'autorité de remettre les péchés (2:10). C'est l'entrée dans le monde nouveau par la vision de foi qu’a l'Église. Alors que ceux du dehors, eux, “regardent et ne voient (eido) pas”. Ne saisissent pas. Pour acquérir cette vision et entrer dans l'Église, prenez conscience que vous ne voyez pas ; comme Socrate, sachez que vous ne savez pas et, par la question, devenez disciples, c’est-à-dire apprentis.     “Cette comparaison” : Première chose à (sa)voir, c'est qu'il y a quelque chose à voir derrière ce qui est dit. En hébreu, comparaison se dit mashal, énigme, devinette, sentence… En grec, Para-bolê, c’est plus précis : comme disait BF, c'est une trajectoire invisible jetée (bolê) le long (para) d'une autre visible. Le Seigneur dit : Commencez donc à apprendre à comparer avec une première parabole. Saint François d’Assise, on lui dit « Rebâtis mon Église », il commence par rebâtir son église, et devine ainsi comment rebâtir l'Église.     ”Et comment connaîtrez-vous toutes les comparaisons“ : Cette première parole contenait toutes les autres, et la première question qu'on pose permet d'entrer dans tout l'enseignement. Le Seigneur lui-même en est à son quatrième “comment”, répondant à une question par une question, de question en question vers une Question qui n'a pas de fin. Et si le Seigneur a dit cette par[ab]ole, c'est après avoir « construit » autour de lui les Douze et les disciples, et les avoir attirés au bord de la mer, d'où, d’une barque, il parle à d'autres encore sur la terre. Or la barque, ça dit quelque chose : la proposition d'un voyage. A travers ses voiles on devine l'autre rive… Bref, en actes, il a déjà commencé à dire quelque chose de précis : « Moi le Seigneur, je dis et je fais » (lire Ez 37:13-14).     14. “Celui qui sème sème la Parole” : Ce qu'il a dit est donc une semence jetée de la barque de l'Église sur la terre. « Il envoie son Verbe sur la terre » (Ps 147:4). Pour donner vie, Dieu dit (Gn 1). Mais « le Seigneur fait mourir et vivre » (1Sam 2:6) : Hélas l'amour de Juda étant vite dissipé, il les tue par les paroles de sa bouche, et ainsi son jugement surgit comme la lumière (Os 6:4-5), dessinant un désert stérile, et un jardin fertile. Pas seulement fertiles, tous les missionnaires le savent : même « le dixième sera dépouillé »… Mais « Le tronc est une semence sainte » (Is 6:13), car c'est « la racine (ou souche) de Jessé » (Is 11:1)… « Si le grain ne meurt » (Jn 12:24)… Nous sommes le 18 du mois 3 : dans trois mois, le 18 du mois 6, la semence sera un pain (8:6), dans six mois, le 18 du mois 9, il plantera une vigne (12:1), et dans neuf mois, le 18 du mois 12, la vigne donnera un vin amer sur la croix (15:23), cf. Is 5:2-4. Le tronc dont parle Isaïe, c’est la Croix.     Mois 3 jour 19 4:15. Or ceux-ci sont ceux du bord de la route là où la Parole est semée quand ils écoutent * aussitôt le Sâtan vient et enlève la Parole semée en eux   4:15. “Or ceux-ci” (outoi) : ≠ “ceux-là (ekeinoi), semés sur la belle terre” (4:20). Toujours penser par couples, et ici ce sont les deux voies, structure de base de l’enseignement.     “Sont ceux du bord (para) de la route” : “Ceux-ci” désigne donc apparemment les grains tombés sur la route. La route (héb. derek), c’est la voie spirituelle, l’enseignement. « Les chérubins et la flamme de l’épée tournoyante gardent la route de l’arbre de vie » (Gn 3:24), qui est le but ; or peu après « toute chair avait corrompu sa route sur la terre » (Gn 6:12) : ils avaient manqué le but. Ainsi, il y a un sens à la route, et il faut choisir le bon, la bénédiction, la réussite : « Evite le mal, fais le bien » (Ps 33:15). Ici c’est visiblement l’aboutissement de la corruption, du choix malheureux de la malédiction, où la Parole ne suscite plus aucun écho, comme nous l’avons vu plus haut.     “Là où la Parole est semée” : Cette précision montre bien que la route, c’est l’enseignement, et que le lieu où la Parole est semée, c’est l'oreille qui a reçu l'enseignement.     “Quand ils écoutent, aussitôt le Satan vient et enlève la Parole semée en eux” : Ainsi les oiseaux représentaient « les souffles du mal dans les lieux célestes » (Eph 6:12). Et là on retrouve le Satan, le prince du royaume de la première comparaison (3:24-26), aboutissement de la voie de la malédiction, où l'oreille du cœur n'entend même plus la voix divine, la voix de la conscience (1Tim 4:1-3, Eph 4:18-19, Rm 1:28-32, 2:21-24. Is 34, Ap 20:10,15). Dans son enseignement au bord de la mer, le Seigneur, qui veut nous emmener sur l’autre rive, enseigne les deux voies (ou ‘routes’), et précise d’abord la voie de la rive stérile où nous sommes, celle de la première création, qui a chu, celle de la première alliance, que leurs auditeurs ont annulée (Jr 31:32) : bonne au départ, mais dévoyée par le Satan : « Je leur donnai des préceptes qui n’étaient pas bons, et des ordonnances dont ils ne pouvaient vivre » (Ez 20:25, cf. Mc 10:5). Il montre d’abord où elle aboutit, l’endroit le plus bas où il est descendu nous chercher, chez ce Satan qu'il a rencontré dans le Jourdain, affronté au désert et muselé à la synagogue. Les scribes l'ont accusé de satanisme ? Eh bien il dévoile celui vers lequel ils descendent, et qui les dirige, comme disait déjà Isaïe : « Mon peuple est exilé, faute de connaissance [les siens] ; sa noblesse : des gens affamés [les scribes] ; c'est pourquoi le shéol dilate sa gorge et bée d'une gueule démesurée [Satan]. Ils y descendent, ses nobles, ses foules et ses criards, et ils y exultent » (Is 5:13-14). « Large est la porte et spacieuse la voie qui mène à la perdition » (Mt 7:13).   La semence de la Parole s’oppose à celle, dévoyée, de Satan : Quand Dieu dit « Que la terre produise herbe portant semence » (Zera) : il la donne à l'homme (Gn 1:11, 29), mais entre la semence (héb. ‘zera’) de la femme et celle du serpent Dieu établira une inimitié (Gn 3:15), de par la chute. D'où l'hostilité du Fils de Dieu, devenu semence de la femme, envers les « serpents, engendrés de vipères » : « Comment échapperez-vous à la condamnation de la géhenne ? » (Mt 23:33). « De votre père, du diable, vous êtes » (Jn 8:44), leur dit-il. Il les a pourtant dits “semence d'Abraham” (Jn 8:37, mais la vie de la Parole n’est plus en eux : « Vous cherchez à me tuer parce que ma parole ne pénètre pas en vous » (Jn 8:37). De même, Elymas, faux prophète juif et magicien, est appelé fils du Diable (Ac 13:10).  Donc, après avoir dans le premier sol dévoilé le terme, qui est le diable, le Seigneur va décrire les « fils du diable », comme Paul le fera aussi (Ac 13:10-11).      Mois 3 jour 20 4:16. Et de même sont ceux semés sur les (endroits) pierreux qui quand ils écoutent la Parole * aussitôt avec joie l’apprennent 17. Et ils n’ont pas de racines en eux-mêmes * mais ils sont (ceux) d’un moment après cela advienne une oppression * ou une persécution à cause de la Parole aussitôt cela les fait tomber   4:16. “Et de même sont ceux semés” : Le Seigneur a dit que “le semeur sème la Parole”, mais ici il dit que ce sont “ceux (qui sont) semés” qui “écoutent la Parole” !  Alors sont-ils la Parole ou ses auditeurs ? En fait, la Parole, le Dabar hébreu, est aussi le fait, la chose réalisée (cf. Lc 2:15), car « il dit, et c'est » (Ps 32:6). Comme la semence, elle crée une vie qui prend son autonomie, grandissant différemment selon le terrain où elle est ensemencée. La semence se fait plante, qui garde, pourrait-on dire, « l’image » de la semence, mais s’enrichit du terrain. Il y a noce. Non pour ceux du bord de la route, car “aussitôt le Satan vient”, mais pour les autres. Sauf que pour ceux (qui sont) semés sur les (endroits) pierreux et dans les épines, l’union ne donne pas de fruit, car la vie est partie dans la mauvaise direction. Comme diraient les Pères grecs, ils gardent l’image, mais ont perdu la ressemblance. La terre « qui porte épines et ronces, réprouvée, bien proche d’être maudite, finira par être brûlée » (Hé 6:8).     ”Sur les (endroits) pierreux“ : On peut lire ici ceux dont l‘intention était bonne, mais qui en font trop, ou trop vite. Ils croient pouvoir négliger les racines et se sauver par leurs œuvres. Ils tombent dans l’illusion du “Vous ne mourrez pas, mais vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal” (Gn 3:5). Or « Qui veut voyager loin ménage sa monture ». La trajectoire contraire sera exprimée plus loin : “Et qu’il dorme et qu’il soit réveillé, nuit et jour, la semence germe et grandit lui ne sait comment” (4:27).     “Qui quand ils écoutent la Parole” : Ceux du bord de route écoutaient seulement, ceux du sol pierreux écoutent la Parole. Ce qui correspond, je pense, à la différence que fait le français entre entendre et écouter. Car le premier sol, comme Satan, a refusé “dès le commencement” (Jn 8:44), mais le deuxième a eu un contact. Ils ont su qu'il y a une Parole, ils y ont cru.     “Aussitôt avec joie” : Avec ce qui précède il est intéressant de lire dans ce terrain la première alliance, mais bien sûr en élargissant à tous ceux qui, comme Adam et Ève, ont commencé par une adhésion pleine et entière. Tous ceux qui se lancent dans un beau projet d’inspiration divine.     “L'apprennent” : BF aimait la traduction joussienne “appreneur”, parce qu'on y entendait “preneur”. Or ici ce n'est pas “l'apprennent”, c'est “la prennent”, de lambano, qui veut d’ailleurs dire aussi bien prendre que recevoir : “Prenez, ceci est mon corps” (Mc 14:22). Ils ont donc reçu la Parole au commencement, sont devenus sa demeure, sa cité, son temple, son peuple.     “Et ils n'ont pas de racines en eux-mêmes” : Or il y a eu chute, ils ont voulu des ailes avant d’avoir des racines. Et “Tu as détruit leurs villes” (Ps 9:7). « Les pierres sacrées ont été semées au coin de toutes les rues » (Lm 4:1), empêchant la Parole de s'enraciner. Ils ne sont plus qu'une écorce vide. Ils ne veulent qu’un seul côté de la comparaison. Mais la Loi, sans l'Esprit, ne suffit pas, « absolument impuissante à rendre parfaits ceux qui s'approchent de Dieu » (Hé 10:1). “Qui nous fera rouler la pierre de devant la porte du tombeau ?” (Mc 16:3) Seul Dieu peut dire « J'ôterai de votre chair le cœur de pierre » (Ez 36:26), seul Lui peut “rebâtir Sion” (Ps 101:17) en temple de pierres vivantes (1P 2:5). Car les « fils du diable » (Ac 13:10) en sont rendus à l'endurcissement du cœur (Mc 3:5), c’est-à-dire au refus volontaire. Ils en restent à « l'extérieur de la coupe et du plat » (Mt 23:26).     “Mais ils sont (ceux) d'un moment” : Pour enlever le cœur de pierre, il faut la persévérance. Avant la tige, il faut à la graine germe, radicelles et racine. « Mais j’ai contre toi que tu as abandonné ton premier amour » (Ap 2:4). « Votre course partait bien : qui a entravé votre élan de soumission à la vérité ? Cette suggestion ne vient pas de Celui qui vous appelle » (Ga 5:7). Car les fils du diable, aveuglés, ne persévèrent pas dans l’élan initial du premier amour, mais partent au gré du vent, « comme la paille que disperse un souffle » (Ps 1:4).     ”Après cela advienne une oppression ou une persécution à cause de la Parole aussitôt cela les fait tomber“ : Comme les premiers parents qui ont chuté en Eden à la première “oppression” (on aurait pu traduire par “tribulation”). De même les Hébreux arrivant sans eau à Mara (Ex 15:21+), sans pain à Sîn (Ex 16) et de nouveau sans eau à Réphidim (Ex 17). Ces sols pierreux sont ceux du refus persévérant de la persévérance. Or “il faut beaucoup de tribulations pour entrer dans le royaume de Dieu” (Ac 14:22).     Mois 3 jour 21 4:18. Et d’autres sont ceux semés dans les épines ceux-ci sont ceux qui ont écouté la Parole * 19. et les soucis du monde présent et la tromperie de la richesse * et les désirs pour tout le reste entrant en eux * étouffent la Parole et elle devient sans-fruit   4:18. “Et d'autres” : Et non “de même”, comme les sols pierreux. On retrouve la même démarcation qu'entre “les siens” et “les scribes” : le blasphème des siens contre le Fils (“il est hors de lui) est rémissible, le blasphème des scribes contre l'Esprit Saint (“il a un souffle impur”) ne l'est pas (3:28-30). Les sols pierreux pavent l'enfer, les épines sont dites “autres”. Vénielles, en quelque sorte : “Tel péché ne conduit pas à la mort” (1Jn 5:16-17).     “Sont ceux semés dans les épines” : Si les épines poussent, c'est qu'il y a assez de terre. Point d'épines en sol pierreux, mais elles adviennent dans les jardins mal tenus. C'est un jardin inversé, comme le sol pierreux est l'inversion de la cité d’Eden, et le bord de route l'inverse du terme de la route, qui est l'Arbre de vie au milieu du jardin (Gn 3:24, 2:9). L'inversion démoniaque (cf. 2Cor 11:14).      “Ceux-ci sont ceux qui ont écouté la Parole” : 1° en bord de route, ils écoutent, mais sans la bouche, ça entre par une oreille et sort par l'autre ; 2° sur les sols pierreux, ils écoutent la Parole, mais sans le cœur ça flanche au premier coup de vent ; 3° dans les épines ils ont écouté la Parole, mais sans les mains, c’est-à-dire sans “faire”, ça s’étiole peu à peu : bref on progresse, mais il n'y a toujours aucun fruit. Qu’a-t-il manqué dans ce troisième sol ? La lutte contre les mauvaises herbes… des passions :      19. “Et les soucis du monde (présent)“ : C’est comme si Pierre et André avaient repris leurs filets, se disant : “On n’a rien sans rien”, ou ”Qui va faire bouillir la marmite ?”     “Et la tromperie (ou la séduction) de la richesse” : Comme si Lévy le collecteur était retourné à sa collecte, en disant : “On ne vit pas d'amour et d'eau fraîche !”     “Et les désirs pour tout le reste” : Comme si Jacques et Jean avaient retrouvé père et salariés, en disant : “Les miens, j'y tiens !” On peut objecter que le lien n'est pas très explicite pour le troisième, mais cette triade pouvoir-avoir-affections repérée par BF, qui commence avec les trois appels (1:17, 20 ; 2:14), se retrouve partout dans Marc, constituant le premier niveau de la voie large et spacieuse de la chute, ou, par le renoncement, le premier niveau de la voie spirituelle (le jardin).     “Entrant en eux étouffent la Parole et elle devient sans-fruit” : Et si ces trois détachements opérés lors des trois appels ne sont pas répétés régulièrement, les épines reprennent peu à peu la place, 1° entrant discrètement, 2° étouffant peu à peu la Parole, 3° empêchant la fructification. C'est le travail quotidien du jardinier. BF a eu l'intuition de chercher le non-dit des trois terrains, par le sens “sollicité” (darash), en inversant les termes, et a ainsi mis à jour un véritable traité de théologie ascétique : 1° Les épines demandent la lutte contre les trois passions, à la recherche de l'unique bien. 2° Les sols pierreux demandent la persévérance dans la tribulation. 3° Le bord de route demande de garder sans cesse la Parole pour rester sans cesse dans le dialogue avec Dieu. Et c'est cette ascension qui porte du fruit, comme nous verrons demain :-)     Mois 3 jour 22 4:20. Et ceux-là sont ceux ayant été semés dans la belle terre ceux qui écoutent la Parole * et la reçoivent-au-dedans-d’eux et portent du fruit † l’un trente * et l’autre soixante et l’autre cent   4:20. “Et ceux-là” : ≠ “Ceux-ci” (les trois sols précédents).     “Sont ceux ayant été semés” : c'est la semence d'Abraham (Lc 1:55), celle qui a eu foi (Rm 4:3, Ga 3:6), qui a été réengendrée par la Parole 1P 1:23-25).     “Dans la belle terre” : Belle et bonne, la terre promise est réputée pour son rendement (Nb 13:23) ; aux temps messianiques, “son fruit s'élèvera plus haut que le Liban” (Ps 71:16). Les doux en hériteront (Ps 36:11). Aussi, “Je veux plaire au Seigneur dans la terre des vivants” (Ps 114:9). Elle ne figure pas seulement le nouveau peuple de Dieu (sens ecclésiologique) mais le monde à venir (sens eschatologique). “Je vais créer cieux nouveaux et terre nouvelle” (Is 65:17). C’est le monde que le Messie, revêtu de l'Esprit, doit instaurer (Is 11), temple de pierres vivantes, montagne sainte, échelle de Jacob :     “Ceux qui écoutent la Parole” : L’inverse du bord de route.      “Et la reçoivent-au-dedans-d'eux” : L’inverse des sols pierreux.     “Et portent du fruit” : L’inverse des épines. On peut compter dans le Shéma Israël (Écoute Israël) sept verbes qui sont les sept fruits de l'écoute (Dt 6:4-9) et qui sont suivis des sept dons de la Providence (v. 10-11).     “L'un trente, et l'autre soixante et l'autre cent” (litt. “en 30 et en 60 et en 100”) : Ce monde à venir déjà présent dans l'Église, nous l’avons vu, est une montée perpétuelle, une échelle sainte, non seulement celle de la hiérarchie de l’Eglise, mais celle de la vie spirituelle, car Dieu reste toujours plus grand, on découvre toujours du neuf sur Lui, de sorte qu’il n'y a jamais d'ennui dans la vie spirituelle ou la vie éternelle. Les trois rendements désignent selon Irénée ces « plusieurs demeures dans la maison de mon Père » (Jn 14:2), donc disposées non pas horizontalement mais verticalement, dans cette ascension perpétuelle vers la perfection qui constitue l'union à Dieu (cf. Ph 3:13-16). Ascension jamais terminée puisque Dieu est infini. On retrouvera ces trois niveaux dans tout Marc, ce que BF appelle jardin, cité et trône. Et chez les pères, c'est aussi la triple voie de purification, illumination et union. Les prochaines comparaisons vont la détailler.     Mois 3 jour 23 4:21. Et il leur disait La lampe vient-elle pour être posée sous le boisseau ou sous le lit * n’est-ce pas pour être posée sur le lampadaire 22. car rien n’est caché sinon pour être manifesté * et rien n’advient en cachette sinon pour devenir manifeste 23. Si quelqu’un a des oreilles (pour) écouter * qu’il écoute   4:21. ”Et il leur disait La lampe vient-elle” : Question : Où est l'obscurité ? Évidemment dans l'esprit de “ceux autour de lui avec les Douze qui le questionnaient sur les comparaisons”, à qui va être “donné le mystère du Règne” (4:10). Quand vient la nuit (Qo 12:2), “la lampe éclaire tous ceux qui sont dans la maison” (Mt 5:15). C’est-à-dire ceux qui sont dedans, séparés de ceux du dehors comme à la nuit pascale (Ex 12:22b, Sg 18:9-10), à qui “tout advient en comparaisons”, et qui “regardant ne voient pas, de peur qu'il ne leur soit fait rémission” (4:11-12). Ceux qui ne veulent pas voir, scribes et pharisiens des épisodes précédents, “qui font des ténèbres la lumière et de la lumière les ténèbres” (Is 5:20).      “Pour être posée sous le boisseau ou sous le lit” : Quel mobilier dans la maison palestinienne ? Un coffre, d’abord pour le grain (boisseau = seah ≈ 15 l). Retourné, il sert de table, où l'on pose la lampe. Autour, les lits, ou grabats (2:9) sur lesquels, “couché à table” (2:15), on plonge sa bouchée de pain dans le plat (14:20). Et bien sûr où l’on dort. Qui pose la lampe sous le boisseau cache la lumière ; qui la pose sous le lit met le feu : encore une fois le Seigneur distingue deux niveaux de gravité, comme il distingue les siens qui disent qu'il est hors de lui, pardonnables, et les scribes qui disent qu'il a un souffle impur, impardonnables (3:21, 28-30). Ou comme les épines qui empêchent le fruit, et les sols pierreux endurcis qui empêchent la racine. Ou ceux qui ne voient pas parce qu'ils font confiance à de mauvais guides, et les guides qui ne veulent ni voir ni laisser voir (cf. Mt 15:14).     “N'est-ce pas pour être posée sur le lampadaire” : Il est clair, que la lampe est ici la Parole (118:105, Pr 6:23) qui était tout à l'heure semence. Et que le lampadaire est ici belle terre. Car la comparaison 3 (le semeur) relit le jour 3 (Gn 1:9-13, terre et semence), et la 4 relit le jour 4 (id. 14-19, luminaires). Située au milieu, elle est comme la ménorah dans la Maison… de Dieu, invitant à passer de la ténèbre des trois sols stériles précédents (semence de Satan le dévorateur de 4:15) à la lumière des trois sols fertiles (semence incorruptible qui rapporte 30, 60 et 100). De la figure AT à la réalité NT, où en Christ tombe le voile du visage de Moïse (2Cor 3:15-16), où les paraboles sont déchiffrées (Mc 4:34) et où les disciples passent des trois niveaux de la Synagogue, qui, comme « le monde entier, gît au pouvoir du Mauvais » (1Jn 5:19), aux trois niveaux de l'Eglise, nouvelle arche (Gn 6:16) prête à appareiller vers le nouveau monde (Mc 4:35).   22. “Car rien n'est caché” : Qu'est-ce qui est caché, sinon le sens des comparaisons ? Sinon le sens de semence, de bord de route, de pierreux et d’épines ? “Ce qu'il a d'invisible depuis la création du monde se laisse voir à l'intelligence, mais ils ont perdu le sens” (Rm 1:20-21). Le Seigneur, dans le don de sa nouvelle loi dite en comparaisons, ne parle pas pour les juifs seulement : il parle le langage de la création, que tous les païens peuvent comprendre. C’est une Torah pour tous (cf. Jb 12:7-9). Mais pour ceux qui écoutent. Certains, suite au premier énoncé de la parabole, l'ont laissé seul, mais d'autres l'ont questionné, et il a répondu qu'à eux était donné le Royaume, et que qui saisirait cette comparaison les connaîtrait toutes (4:13). Puis, pour “qui a des oreilles”, il a répondu.     “Sinon pour être manifesté” : Ce qui est caché doit être manifesté… grâce à la question. Le Seigneur rit de ceux qui posent la lampe sous le boisseau ou sous le lit, et incite à la poser sur le lampadaire. Les “siens” (qui veulent le saisir car, disent-ils, il est hors de lui), sont ceux qui le cachent sous le boisseau, et les “scribes” (qui disent qu'il a un souffle impur) sont ceux qui le cachent sous le lit. Ce sont ceux-là qui l'ont laissé seul ; ce sont les autorités d'Israël, cette « partie d'Israël qui s'est endurcie » (Rm 11:25). Et “ceux qui se sont assis autour de lui avec les Douze” sont ceux qui le posent sur le lampadaire ; et eux sont appelés a être « la totalité des païens » (Rm 11:25), rassemblés dans l'Église. « Les princes se sont ligués contre le Seigneur ; celui qui règne dans les cieux s'en rit : “Moi j'ai été établi par lui comme roi. Le Seigneur me donnera les nations en héritage” » (Ps 2:1-8). « J'ai fait de toi la lumière des nations pour que mon salut atteigne aux bouts de la terre » (Is 49:6). Lumière de la lampe… Ainsi  le sens a été caché, « mystère enveloppé de silence aux siècles éternels, mais aujourd'hui manifesté et porté à la connaissance de toutes les nations » (Rm 16:2-26). C'est le mystère de l'Église, temple saint (Eph 2:21) : « Christ en nous, l'espérance de la gloire » (Col 1:27), pierre d'angle (Eph 3:20), 100 pour 1. Et, intégrés à son Corps, ce sont les apôtres (60 pour 1) et les disciples (30 pour 1). Pourquoi les apôtres ont-ils le double ? Non par supériorité de mérite, mais juste parce que par leur prédication ils multiplient la vie qu'ils reçoivent (“A qui a il sera donné”). Tous ne reçoivent pas la même coupe, mais toutes les coupes sont pleines.     “Et rien n'advient en cachette sinon pour devenir manifeste” : Il est certain que le redoublement de cette sentence a un sens. Pourquoi le Seigneur différencie-t-il “être caché” et “advenir en cachette”, “être manifesté” et “devenir manifeste” ? J'espère que de plus pieux que moi auront la lumière et sauront expliquer ce mystère.      23. “Si quelqu’un a des oreilles pour écouter, qu'il écoute” : Redire ce refrain après la comparaison de la lampe, et non avant, montre que celle-ci a vocation d'expliquer celle qui précède, c’est-à-dire le semeur. La différence entre “qui a” (v. 9) et “si quelqu'un a” est peut-être le signe qu'un seul peut y arriver, c’est-à-dire le Christ. Ce qui nous est donné d'écouter est en effet colossal : c'est la structure satanique du temple déchu (les trois branches gauches du chandelier), et donc le fonctionnement de la chute ; c'est aussi le passage des figures de l'AT à la réalité du NT, de la comparaison au déchiffrement, de la lettre à l'Esprit ; et c'est enfin la structure trine du temple nouveau (les trois branches droites du chandelier), donc la structure de l'Église d'ici-bas et celle du monde à venir; et donc la montée vers le Père (jardin, cité, trône), et donc les trois dernières comparaisons, qui, en inversant les sols stériles du Semeur, dévoilent le mystère des 30, 60 et 100 pour 1 (semailles, croissance et fruit). Excusez du peu.     Mois 3 jour 24 4:24. Et il leur disait Voyez * ce que vous entendez Avec la mesure dont vous mesurez il vous sera mesuré * et il vous sera rajouté 25. Car qui a il lui sera donné * et qui n’a pas même ce qu’il a lui sera enlevé   4:24. “Et il leur disait Voyez” : Quel problème, ce “voyez”, pour les traducteurs ! Pourtant ils le traduisaient sans problème par “saisissez”, ou “comprenez”, au v. 13. Moi, je le lis dans la suite de son emploi précédent, “ils regardent et ne voient pas” (4:12) : ceux qui regardent et ne voient pas sont ceux des trois sols stériles du Semeur, où le Seigneur vient chercher l’homme déchu, à qui le salut jusque là était caché. Inversement, ceux à qui il ordonne de voir sont ceux de la belle terre, la terre promise. Mais que faut-il qu’ils voient ?     “Ce que vous entendez” : Ceux qui entendent (ou plutôt écoutent) ont la clé de la belle terre : la clé, c’est de rester avec les Douze autour du Seigneur et de l’interroger (4:10), alors ils verront ; ils auront la vision. « Ce que nous avions entendu, nous l’avons vu » (Ps 47:8). “A vous est donné le mystère” (4:11), car vous “posez la lampe sur le lampadaire” et pouvez ainsi “déchiffrer” (4:34) et “connaître toutes les comparaisons” (4:13). A vous le regard au-delà des apparences, qui saisit la comparaison (4:13). Pour vous qui êtes “autour de Lui avec les Douze”. Car « Je te donnerai l’intelligence, je t’apprendrai la route à suivre, j’arrêterai mes yeux sur toi » (Ps 31:8).       “Avec la mesure dont vous mesurez il vous sera mesuré” : De quelle mesure s’agit-il ? Si “celui qui sème sème la Parole”, alors la mesure c'est l'écoute. Si la Parole c'est la lampe, la mesure c'est le boisseau. Le boisseau est creux (comme une oreille !) pour recevoir la semence ; retourné, on pose la lampe dessus et il devient lampadaire pour “ceux qui sont assis en cercle autour de lui” (3:34), c’est-à-dire les disciples. La comparaison de la mesure désigne ainsi le niveau des disciples, ceux qui rapportent 30 pour 1. Plus ils écouteront et questionneront, plus ils seront écoutés. Et plus il leur sera donné. De la petite cuillerée au boisseau de 15 litres. Les voici en route pour le 100 pour 1.     25. “Car qui a il lui sera donné” : Le disciple qui a écouté, qui choisit de rester autour de lui et de l’interroger sur ses comparaisons a déjà récolté en quelque sorte le bon grain, en espérance (“A vous est donné le mystère”), mais on lui donne ici les conditions d’un rendement maximum ; il est encouragé à s’investir à fond, pour faire grandir ce qu’il a. Bienvenue sur la voie spirituelle. Tu as fait le bon choix, ne le fais pas à moitié : fonce !     “Et qui n'a pas, même ce qu'il a lui sera enlevé” : Inversement, s’il se croit arrivé, il va vite reculer. S’il est dans la belle terre, eh bien qu’il fréquente assidûment l’enseignement, avec “ceux qui sont autour de lui avec les Douze”, c’est-à-dire l’assemblée des disciples réunie en son nom. Cf. Mt 18:20, Hé 10:25, 13:1, Ac 2:42. Sinon les épines auront tôt fait de revenir. A lui, qui est revenu au jardin, de le garder, comme Adam. A lui donc de déraciner les épines des passions. Car qui a le Seigneur a tout. Et “Le Seigneur est un Dieu jaloux” (Ex 34:14). “Vous ne pouvez être l'esclave de Dieu et de Mamôna” (Mt 6:24). “Qui ne hait pas père, mère, enfant, frère, sœur et même sa propre vie ne peut être mon disciple” (Lc 14:26). Mais “Qui fait le vouloir de Dieu, celui-là est mon frère et ma sœur et ma mère” (Mc 3:35). Tel est le disciple, jardin du Seigneur dans lequel Dieu se promène au souffle du jour (Gn 3:8).     Mois 3 jour 25 4:26. Et il disait Il en est du Règne de Dieu * comme d’un homme qui jetterait la semence sur la terre 27. et qu’il dorme * et qu’il soit réveillé nuit * et jour la semence germe * et grandit lui ne sait comment   Mc 4:26. “Et il disait” : Jusque là c'était “il leur disait”. Pourquoi être plus général aux paraboles 6 et 7, les deux dernières, je ne sais, mais je note. Si quelqu’un a une idée… En tous cas ce sont les seules où l’on mentionne le règne de Dieu.     “Il en est du Règne de Dieu” : Règne ou royaume (ou royauté), il n'est pas facile de choisir, car le grec, contrairement à l'hébreu, n'a qu'un mot. En tous cas c’est celui “de Dieu”, il s'oppose au royaume divisé de Satan de la comparaison 1 (3:24), donc il faudrait la même traduction. Les trois dernières comparaisons dessinent les trois niveaux du temple : la 7 (4:30-32) le Saint des saints (Débir), la 6 (4:26-29) le Saint (Hékal), la 5 (4:24-25) le Vestibule (cf. 2Chr 3:4-8). Notons que le Nom de Dieu surgit aux comparaisons 6 et 7 comme aux sixième et septième Béatitudes (Mt 5:8-9). Inversement, les comparaisons 1, 2 et 3, elles, dessinent le temple déchu. Et au centre, la lampe de la comparaison 4, du haut de son chandelier (à sept branches !), jette sa lumière sur les deux. La comparaison 1 nomme Satan, entouré de sa maison et de son royaume, mais divisé et fini (3:23-26), la 2 montre sa maison pillée (3:27), et la 3 (4:3-20) son royaume devenu champ stérile. Les trois sols de la belle terre, seulement évoqués, échappent à Satan : ils sont réservés à ceux qui ont des oreilles pour écouter, c’est-à-dire les auditeurs des comparaisons 5, 6 et 7, restés pour questionner. Ces trois sols sont la montagne 1° sur laquelle le Christ a appelé ses disciples (3:13), 2° où “il en a fait Douze” (3:14), 3° et au sommet duquel il s’est posé comme lampe sur le lampadaire. De ce trône le roi nourrit sa maison d’un pain nouveau (3:20), moissonné dans le jardin de son royaume à partir de la semence de sa Parole (4:14).     “Comme d'un homme qui jetterait la semence sur la terre” : La terre est ici la belle terre (4:8), et “jeter la semence” résume la comparaison 5. A la mesure dont il mesure il lui sera mesuré (4:24) : il s’agit de l'élan initial, du choix, de l'investissement. C’est la voie purgative, le premier niveau du temple, le 30 pour 1. Qui ne sème pas perdra même sa semence. Il faut la jeter pour la retrouver multipliée, et ce qui n'est pas donné est perdu, comme disait le père Ceyrac. Devenir disciple, c'est tout investir dans le maître, tout vendre pour acheter le champ qui contient  le trésor caché (Mt 13:44).     “Et qu'il dorme et qu'il soit réveillé” : Ici, on est au niveau 2 du temple, l'inverse du terrain pierreux et de la plante qui monte sans racine. Ici on prend le temps de persévérer dans le choix initial, joug aisé (Mt 11:20) : à partir du moment où l’on a choisi la belle terre, la semence travaille toute seule et laisse le temps du repos.     “Nuit et jour” : cf. Ps 41:9. La nuit on ne voit pas, mais la foi sauve ; le jour, le soleil de l'oppression et de la persécution frappe dur, mais on a lumière et profondeur de terre et ainsi le soleil devient un atout. Et la persécution aussi ! “Sanguis martyrum semen Christianorum”.     “La semence germe et grandit” : Semailles, germination et croissance constituent les trois points de la première étape d'une croissance que saint Pierre détaillera (2P 1:5-8, lire 3-11) et qui constitue la voie illuminative.     “Lui ne sait comment” : L'important du deuxième niveau du temple nouveau, c'est de persévérer, mais dans le choix initial, celui de tout perdre pour tout gagner. Les prêtres entraient tous les jours dans le Saint pour entretenir les sept flammes du lampadaire, poser les douze nouveaux pains sur la table et offrir l’encens sur l’autel.      Mois 3 jour 26 4:28. D’elle-même la terre porte-du-fruit d’abord l’herbe * puis l’épi puis plein de blé dans l’épi 29. or quand se livre le fruit * il envoie la faucille aussitôt parce que la moisson est là   4:28. “D'elle-même (automaté)” : Parallélisme avec “Lui ne sait comment”. Il n'a donc pas à se soucier du comment, mais à laisser la terre libre (en épierrant, par exemple). Car “Mes pensées sont au-dessus de vos pensées”, et “La Parole qui sort de ma bouche ne revient pas sans effet” (Is 55:9-10). Sur la belle terre du jardin d'Eden, “une vapeur monte de terre et arrose toute la surface du sol” (Gn 2:6) : c'est l'économie de l'Esprit Saint, qui “opère en nous le vouloir et l'agir” (Ph 2:13).     “La terre porte du fruit” : “L'arbre planté près des canaux d'eau donne du fruit en son temps” (Ps 1:3), temps où la voie illuminative doublera le rendement en rapportant 60 pour 1. “Il lui sera rajouté” (4:24).   Marc précise les trois étapes de cette voie : semence, fruit et moisson. Il subdivise chaque étape en trois. Les voici sous forme de tableau :   1° La SEMENCE (v. 27).     a, semailles (“un homme qui jetterait la semence”).   b, germination (“la semence germe”).   c, croissance (“et grandit”).   La semence, c'est l'AT, le temps des préparations, quand “L'Esprit-Saint a parlé à nos pères” (Ac 28:25).     2° Le FRUIT (“La terre porte-du-fruit”, v. 28) qui sort de terre, de la belle terre (4:8).     a. “D'abord (protôn, premièrement) l'herbe” : Qui “porte semence” (Gn 1:11). “Ils fleuriront comme l'herbe sur la terre” (Ps 71:16). Et Dieu vêt l’herbe des champs plus glorieusement que Salomon (Mt 6:29).     b. “Puis l'épi” : C'est la Vierge, “comme un lys parmi les chardons” (Ct 2:2).     c. “Puis plein de blé dans l'épi” (sitos = grain, spéc. le blé, cf. 1 Cor 15:37). C'est le fruit, le Seigneur lui-même : « Mes petits-enfants que j’enfante dans la douleur jusqu’’à ce que le Christ soit formé en vous » (Ga 4:19).    Le fruit, c'est la venue du Fils. “La Vérité de terre s'est levée et notre terre a donné son fruit” (Ps 84:12)… par l'opération du Saint-Esprit (Lc 1:35).   3° La MOISSON.     a. “Or quand se livre le fruit” : La moisson commence par la Passion. Le Seigneur est livré (c’est-à-dire transmis) par “Judas Iscariot, qui l'a livré” (3:19). “Livré pour nos fautes et ressuscité pour notre justification” (Rm 4:25).     b. “Il envoie (apostellei) la faucille aussitôt” : C'est lui la première gerbe (Lv 23:10, Ap 14:14) mais il enverra les apôtres moissonner la terre (Ap 14:15).     “Parce que la moisson est là” : D'elle-même elle aussi, c’est-à-dire par l'Esprit-Saint. Il avait conduit les Hébreux aux vignes et oliviers qu'ils n'avaient pas plantés (Dt 6:11) : désormais par la Pentecôte des derniers jours (Ac 2:17) advient une moisson toute faite (Jn 4:35-38).   La moisson, c’est les derniers temps, inaugurés par la Passion du Christ.     Mois 3 jour 27 4:30. Et il disait  Comment dirons-nous la ressemblance du royaume de Dieu * ou en quelle comparaison le poserons-nous 31. Il est comme un grain de moutarde qui quand il est semé sur la terre * est la plus petite de toutes les semences de la terre 32. et quand il est semé il monte * et devient la plus grande de toutes les herbes vertes et il fait de grandes branches * si bien que le oiseaux du ciel peuvent faire-leur-nid sous son ombre   4:30. “Et il disait” : 2ème enseignement sans destinataire précis.      “A quoi comparerons-nous le Règne de Dieu” : La 7ème comparaison, comme la 1ère (3:23), commence par une question. Le Seigneur semble se sentir à l'étroit dans ce genre littéraire adapté à “ceux qui sont dehors” (4:11) : même en déployant en sept “le mystère du Règne de D”, il ne l'épuise pas. C'est peut-être pour ça qu’il est dit “il disait” et non plus “il leur disait” : “Car pour vous est la promesse ainsi que pour vos enfants et pour tous ceux qui sont au loin, en aussi grand nombre que le Seigneur les appellera” (Ac 2:39), et qu'il ajoutera au v. suivant “beaucoup de comparaisons semblables”, comme Pierre à Pentecôte les exhortera « par beaucoup d'autres paroles » (id. 40). La Parole de Dieu est une semence (comparaison 6) de vie éternelle, et donc cette semence est appelée à une croissance infinie. Pentecôte, c’est la moisson. La première comparaison se plante dans le cœur de Satan comme une flèche. A la deuxième il fracasse les portes de sa maison. A la troisième il abandonne son royaume stérile à lui-même. A la quatrième il éclaire les deux temples opposés. A la cinquième il investit toute sa semence dans la belle terre. A la sixième il la laisse grandir d’elle-même jusqu'à la moisson. Et à la septième il contemple son œuvre (cf. Gn 1:31).      “Ou en quelle comparaison le poserons-nous” : Après la comparaison 6, comme après le jour 6, l’œuvre est achevée (cf. Gn 1:1-2). Mais avant de sortir du cadre des comparaisons, il va en faire le résumé, d’un œil contemplatif, comme au jour 7, en appuyant le contraste entre début et fin, en s’attardant sur l’état final, jusqu’à entrouvrir les portes du 8.   31. “Il est comme un grain” : Semence au v. 26, blé au 28, grain au 30 : trois mots voisins disant l’humilité des commencements, et principalement la kénose du Verbe, de Celui qui emplit ciel et terre, et s’abîme néanmoins dans le sein de la Vierge. Mais la graine, comme chacun sait, contient l’arbre. Comme la semence d’Abraham à qui Dieu dit : « De toi je ferai une grande nation. Seront bénis en toi tous les clans de la terre » (Gn 12:2,3).     “De moutarde” : Synonyme de sénevé. Les grains que nous voyons par exemple dans la moutarde dite « à l’ancienne » sont bien gros, alors que Bernard et Anne Frinking nous avaient rapporté de terre sainte un grain à peine visible.     “Qui quand il est semé sur la terre” : La nature divine est semée pour s’unir à la nature humaine.     “Est la plus petite de toutes les semences de la terre” : « La plus petite de toutes les doctrines philosophiques », dit Irénée. Mais c’est la doctrine qui parle le langage des fleurs et des fruits (cf. Jb 12:7-9). « Non point Parole dont la voix ne se puisse entendre » (Ps 18:4). Le langage de la création, qui épouse la structure du cœur humain et le comble. « Notre cœur est fait pour toi, Seigneur » (S. Augustin).     “Et quand il est semé il monte” : La formule résume ici les comparaisons 5 et 6. “Herbe portant semence” (Gn1:11). Il est semé dans la foi et monte par l’espérance, dirait Estelle Lafon.     “Et devient la plus grande de toutes les herbes vertes” : Et là on est à l’achèvement, au 7, au 100 pour 1. L’arbrisseau peut atteindre 2 m, dit l’un, 3,50 m, dit l’autre. Que les grands se fassent petits Afin d’être grandis par lui Qui ressemble au plus haut que tout Devenu plus petit que tout Afin de faire tout grandir    (S. Ephrem, Madrassa pour le baptême, III, 12)     “Et il fait de grandes branches” : La tige se démultiplie : Grecs, latins, arméniens, égyptiens, russes, arabes… Les 70 nations (Gn 10).     “Si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire-leur-nid sous son ombre” : La charité éclate. La vie engendre la vie. De part et d’autre du chandelier de la comparaison 4, la comparaison 5 répondait aux épines (au lieu de tolérer les épines, “regardez ce que vous écoutez” !), la 6 à l’endroit pierreux (la tortue vainquant le lièvre) et la 7 au bord de route (les oiseaux du ciel faisant leur nid au lieu des oiseaux sataniques qui dévorent). Non seulement il grandit, mais il fait grandir, comme dit le Syrien. Une vie céleste est permise sur terre (cf. Mt 6:10). “Vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l’Homme” (Jn 1:51). Les comparaisons disaient le parcours du Christ exalté sur la croix, les oiseaux sous son ombre disent celui de l'Eglise née de son côté ouvert.      Trois terrains fertiles et trois terrains stériles   A. Lecture ascétique.   - La parabole de la mesure représente le début de la montée sur la montagne sainte, le 30 pour 1, la purification, qui est le fruit d'un choix clair et d'un investissement réel. Le contraire de la semence qui cohabite avec les épines.  - La parabole dite de la semence (ou plutôt de la croissance) représente la progression de la montée sur la montagne sainte, le 60 pour 1, l'illumination, qui est le fruit de la persévérance malgré oppression et persécution. Le contraire de la semence en terrain pierreux. - La parabole du grain de sénevé (ou de moutarde) représente l'aboutissement de la montée sur la montagne sainte, le 100 pour 1, l'union, qui est le fruit de la non-compromission. Le contraire de la semence dévorée par l'oiseau satanique.     B. Lecture ecclésiologique.   Cette triple montée se reflète dans la structure de l'Église, échelle sainte dressée en face de la Synagogue qui, pas moins que le monde païen, appartient au monde déchu que le Messie est venu sauver.   - Ainsi la filiation charnelle est appelée à céder devant la filiation spirituelle de “ceux assis en cercle autour de lui”, c’est-à-dire les disciples. Par un choix clair et sans bavures. - Ainsi “les scribes de Jérusalem” qui transmettaient les traditions des hommes font place aux douze envoyés “enracinés dans le Christ” (Col 2:7) par la persévérance pour “transmettre ce qu'ils ont reçu du Seigneur” (1Cor 11:23). - Ainsi Satan, qui s'entourait de sa contre-Eglise pour singer le Corps du Christ (mais en “enlevant sa Parole”), fait place au Christ, qui, sous ses grandes branches, donne un fruit de vie céleste.     C. Lecture eschatologique.   La triple montée reflète aussi le monde à venir, en opposition au monde présent : jardin, Éden, arbre de vie.   - Le jardin sans épines est “la bienheureuse apatheia” (« absence de passions », victoire sur les passions), qui récompense la lutte contre les trois passions à la mesure dont les combattants ont mesuré. - La cité d'Eden où les pierres ne sont plus occasions de chute, mais, ciselées par la persévérance, ont été peu à peu “rassemblées dans l'unité” (Ps 121:3) en pierres vivantes, cité des bienheureux, moisson des élus. - L'arbre de vie est le trône du Roi, et ce troisième ciel où l'Apôtre fut ravi (2Cor 12:2), où les élus, comme des oiseaux trouvent un gîte pour leurs petits (Ps 83:4), contemplant sans cesse la face de Dieu sans que Satan jamais plus n'enlève la Parole semée en eux et devenue fruit de vie incorruptible.     Mois 3 jour 28 4:33. Et par beaucoup de comparaisons semblables * il leur disait la Parole selon qu’ils pouvaient entendre 34. or sans comparaison * il ne leur disait rien mais à l’écart * à ses appreneurs à lui il déchiffrait tout   4:33. “Et par beaucoup de comparaisons semblables il leur disait la Parole” : Voici le résumé final de l’enseignement au bord de la mer, avec le descriptif de la pédagogie des comparaisons. “Quand Israël était petit, je me penchais vers lui et lui donnais à manger” (Os 11:1, 4). La comparaison est le lait qui convient aux enfants (Hé 5:12, 1P 2:2). Mais le Maître compense la limite de l’image par le nombre d’images. Il frappe à la porte du cœur avec persévérance jusqu’à ce qu’elle s’ouvre. Beaucoup de comparaisons, une seule Parole. « A maintes reprises et de maintes manières », dit l’Apôtre en parlant des prophéties (Hé 1,1). Mais ce que le Verbe a dit aux Pères par la révélation mosaïque (jeu de mots involontaire, mais intéressant), en intervenant dans l’histoire, il le dit aux nations par ces comparaisons tirées de la nature : « Ce qu’il a d’invisible depuis la création du monde se laisse voir à l’intelligence à travers ses œuvres » (Rm 1:20). Dieu, accessible à tous, « ne fait pas acception de personnes » (Dt 10:17). Aux Pères, il dit « Vous avez vu ce que j’ai fait aux Egyptiens et comment je vous ai emportés sur des ailes d’aigle et amenés vers moi » (Ex 19:4).  Et aux nations il dit “Le semeur est sorti pour semer” et “le grain de moutarde devient la plus grande de toutes les herbes vertes si bien que les oiseaux du ciel viennent faire leur nid sous son ombre” (4:3, 32).     “Selon qu’ils pouvaient entendre” : Le Seigneur se donne à tous, sans différencier “ceux du dehors” qui n’écoutent pas (le bord de route) et “ceux du dedans” qui écoutent (la belle terre), mais le rendement n’est pas le même, donc le Seigneur détaille trois niveaux différents en chacun des deux sols, comme nous l’avons vu. « Qui avait beaucoup recueilli n’en avait pas trop, qui avait peu recueilli en avait assez“ (Ex 16:16)     34. ”Or sans comparaison il ne leur disait rien“ : S’il ne parle pas sans comparaison, c’est pour être mieux compris. Pour nous faire passer du dehors au-dedans, de l’humain au divin, de la Synagogue à l’Eglise, de ce monde au Royaume. Mais « ne jetez pas vos perles aux cochons de peur qu’ils ne les piétinent puis se retournent contre vous pour vous déchirer » (Mt 7:6). En revanche, « c’est un devoir, écrit le traducteur du Siracide, non seulement d’acquérir la science, mais encore, une fois instruit, de se mettre au service de ceux du dehors », « comme Jésus (ben Sira) a acquis une grande maîtrise de la Loi et des Prophètes et en est venu, lui aussi, à écrire quelque chose, afin que les hommes soucieux d’instruction apprissent d’autant mieux à vivre selon la Loi » (Si, prologue, 4-13). Donc ceux du dehors c’est un devoir que de les instruire, mais par paraboles, pour les respecter, et les aider à passer au-dedans.     ”Mais à l’écart“ : Quand il se trouvait seul (4:10) et que les auditeurs peuvent poser leurs questions. Il faut leur laisser l’espace pour une démarche personnelle. Ainsi « Moïse s’écarta pour voir cette grande vision » (Ex 3:3). Et “à l’écart” le Fils fut transfiguré (Mc 9:2). « Sortez du milieu de ces gens-là et tenez-vous à l’écart » (je cite 2Cor 6:17, mais allez lire v. 11-18). On est toujours dans la suite de Pentecôte, donc au rassemblement des élus, donc à la séparation avec la foule, avec les réprouvés : « Sauvez-vous de cette génération déviante », conclura Pierre et 3000 seront baptisés (Ac 2:40-41). Comme « emportés sur les nuées » (1 Th 4:16). Quelle est cette démarche personnelle, cette question ? C’est quand quelqu’un a vu la « grande vision » de Moïse, ce buisson qui brûle sans se consumer, c’est-à-dire un éclair du royaume, un sujet d’étonnement, qui va le pousser à ôter ses sandales pour marcher sur la terre sacrée (la bonne terre). Et là Dieu, dans le feu (de l’Esprit), va lui révéler son projet de descendre au milieu de son peuple (sans le consumer) pour le faire passer d’Egypte à une terre plantureuse et vaste, pour qu’il lui rende un culte sur la montagne (Ex 3:3, 5, 8,12). Ici, c’est la même chose : il nous fait passer au culte « non sur cette montagne, mais en esprit et en vérité » (Jn 4:21-24), sur la bonne terre de l’Eglise du Christ, « la terre des vivants » (Ps 114:9).     ”A ses appreneurs à lui“ : A “ceux qui sont autour de lui ave les Douze”, il dit : “Prenez, ceci est mon Corps” (14:22) : « Par la chair de la comparaison prenez l’esprit de la Parole ». Ainsi, « Nul ne vient au Père sinon par moi » (Jn 14:6). « Si quelqu’un m’aime il gardera ma Parole et mon Père l’aimera et nous viendrons vers lui et ferons notre demeure chez lui. Qui ne m’aime pas ne garde pas mes paroles… Mais l’Esprit Saint vous enseignera tout » (Jn 14:23).     ”Il déchiffrait tout“ : Et dans l’Esprit Saint tout s’éclaire, « jusqu’aux profondeurs de Dieu » (1Cor 2:10). Sous les pavés de la comparaison, la plage des réalités spirituelles. Le don de la Torah, c’est aussi la grande vision que Moïse a vue sur la montagne, celle du Tabernacle (Ex 25-40), et qu’il fut chargé traduire en un sanctuaire exécuté « selon le modèle montré sur la montagne » (Ex 25:8,40). Le reste de la Torah vise en fait à faire accéder le peuple au modèle céleste. Le divin Maître, qui est en fait le sanctuaire véritable « en qui réside corporellement toute la plénitude de la Divinité » (Col 2:9), fait de même en édictant ses paraboles et en les déchiffrant à ses disciples.   Les sept comparaisons sont d’un côté trois comparaisons de l’ancienne économie, décrivant trois strates d’un royaume qui a été soumis au pouvoir de Satan jusqu’à vouloir perdre le Messie ; et de l’autre côté, trois comparaisons de la nouvelle économie décrivant les trois strates du royaume de Dieu (30, 60 ou 100), autrement dit l’Église, “assise autour de Lui avec les Douze”, et au milieu la comparaison de la lampe. Le tout dessine un chandelier à sept branches, qui, tel le buisson sur la montagne (Ex 3:2) ou plutôt le feu sur le Sinaï (Ex 19,18), nous éclaire sur la route (Ps 118:105) et nous aide à choisir la vie (Dt 30:19) et à grandir. En effet la confrontation avec la comparaison pousse l’auditeur à poser la lampe de la Parole soit sous le boisseau (ignorance choisie), soit sous le lit (opposition assumée), soit, par ses questions et sa proximité, sur le lampadaire (foi éclairée). Ainsi il se manifestera comme disciple (“appreneur”), en se mettant “à l’écart” de l’ancienne économie (par la purification du baptême), et en se laissant instruire par les anciens, les Apôtres (par l’illumination de l’onction), entrant ainsi dans le Corps du Christ (par l’union de l’eucharistie), « en qui toute construction s’ajuste et grandit en un temple saint, dans le Seigneur » (Éph 2:21). Ces trois niveaux, qui sont en même temps ascétiques, ecclésiologiques, sacramentaux et eschatologiques, sont constitutifs de la vie divine elle-même, trinitaire.     Mois 3 jour 29 4:35. Et il leur disait en ce jour-là * le soir étant advenu Traversons vers l’autre rive 36. Et laissant la foule * ils le prennent avec eux comme il était, dans la barque * et d’autres barques étaient avec lui   4:35. ”Et il leur disait“ : Reprise de parole pour “ceux qui étaient autour de lui avec les 12”.     “En ce jour-là” : “Ces jours-là” désignent la semaine, donc le monde présent, “ce jour-là” désigne le premier jour d’une nouvelle semaine, donc le monde à venir, le jour qui ne passe pas, l’éternité (cf. Za 14:7). Or en ce jour 29 du mois 3, on s’approche du solstice d’été, qui en est une belle image. En Isaïe, c’est le ch. 13 (cf. v. 6-10…)     ”Le soir étant advenu“ : Le soir est l’entrée dans le nouveau jour (Gn 1:5), donc une figure du passage dans l’éternité. Or nous venons de conclure sept comparaisons, liées aux sept jours (on en a vu quelques parallèles), et de le conclure par un aveu d’impuissance du langage humain, et spécialement les limites des comparaisons pour dire le Règne de Dieu (4:30). Le soleil s’est couché sans donner cette lumière totale ; l’intelligence a été illuminée, certes, mais seulement l’intelligence. Le jour est venu de toucher la réalité de ce Règne. On passe du 7 au 8.      ”Traversons vers l’autre rive“ : L’étymologie grecque de “parabole” (jeté le long) montre en quelque sorte les deux rives. Ici on laisse la rive des comparaisons, et on passe à celle de leur déchiffrement. Enfin… On a déjà eu des déchiffrements (4:13-20, 34), et ce qui suit ne sera toujours qu’une image du monde à venir, mais des paroles on passe aux gestes. Ou bien on peut dire : le Seigneur reprend la comparaison en gestes qu’il avait initiée avant de parler (4:1) : “Vous étiez au bord de mer, moi en barque, je vous ai décrit l’autre rive, maintenant on y va. Qui m’aime me suive.” Par la foi. La traversée vers l’autre rive résume la geste chrétienne : celle de la mer Rouge en fut l’image la plus parlante, le baptême est son début de réalité. Pour les croyants, qui sont « étrangers et voyageurs sur la terre » (Hé 11:13), « la figure de ce monde passe » (1Cor 7:31). Aussi, « Comme s’ils voyaient l’invisible, ils tiennent ferme » (Hé 11:27), « exempts de soucis » (1Cor 7:32).      36. ”Et laissant la foule“ : Toujours ce détachement, cette coupure, qui est nécessaire, spécialement aux Envoyés : qui pourra “aller dans le monde entier clamer l’annonce heureuse à toute la création” (Mc 16:15) s’il n’a pas été lui-même immergé dans la nouvelle création ? Il y eut les trois appels personnels de la première étape  entraînant trois détachements (1:16,19, 2:14) : ici l’appel collectif de la deuxième, celui des 12 (3:13), est suivi de leur détachement de la foule. D’ailleurs saint Matthieu, avant l’embarquement (8:18-22), mentionnera deux personnages : le scribe qui veut suivre, auquel le Seigneur répond que le Fils de l’Homme n’a pas de pierre où reposer la tête, et le disciple qui veut d’abord enterrer son père, auquel le Seigneur demande de laisser les morts enterrer leurs morts…      ”Ils le prennent avec eux“ : Paralambano, c’est prendre (ou recevoir) un maître (Col 2:6, Jn 1:11), ou sa parole, son enseignement, son royaume (1Cor 11:23, 15:1, 3, Ga 1:9,12, Ph 4:9, Hé 12:28…).     ”Comme il était“ : “Comme” (os) ne veut pas dire “où”, mais “à l’image” (« sur terre comme au ciel ») ; il souligne le para de paralambano et de parabolê : les disciples veulent être la comparaison du maître, la pure image du modèle. A leurs risques et périls, comme nous le verrons.     ”Dans la barque“ : Or il était dans la barque, c’est-à-dire sur un bois flottant entre deux rives conçu pour la pêche en équipe. Le type de l’Eglise apostolique. Les Quatre retrouvent leur métier de pêcheurs, mais avec un autre capitaine et une autre pêche, comme le Seigneur le leur avait prédit (1:17). Sauf que la pêche à l’homme n’est pas encore ouverte : les Douze doivent d’abord laisser la foule. Nous sommes plutôt ici à l’embarquement de Noé et de sa famille (« huit personnes en tout, antitype du baptême », 1P 3:20) dans l’arche (Gn 7:7). Car « Dieu vit la terre pervertie, car toute chair avait une conduite perverse sur la terre » (Gn 6:12), c’est-à-dire ici sur les trois terrains stériles.     ”Et d’autres barques étaient avec lui“ : Détail négligé, mais précieux sur la structure de l’Eglise. Nous avons différencié siens et scribes, tous deux sous la férule de Satan, en opposition à disciples et apôtres tous deux sous la férule du Seigneur : de même ici il y a la barque des Douze, et dans ces autres barques les disciples “assis autour de lui avec les Douze”. Ceux qui « laissent les morts enterrer leurs morts » (Mt 8:22), qui laissent les trois terres stériles pour voguer vers le port du Royaume de Dieu, fait de trois terrains fertiles.      Mois 3 jour 30 4:37. Et advient un grand tourbillon de vent et les vagues se jetaient dans la barque * au point que la barque se remplissait déjà 38a. et lui était dans la poupe * dormant sur le coussin   4:37. ”Et advient un grand tourbillon de vent“ : La Mer de Galilée est réputée pour ses tempêtes violentes dues aux différences de température avec les hauteurs environnantes. Le mot tourbillon (lailaps) désigne des vents dévastateurs allant en tous sens. De quoi ébranler la foi des marins : garderont-ils le cap dans ces ténèbres ? Parce qu’en plus, c’est la nuit. La nuit… de la foi. Ce vent (anemos) n’est en tous cas pas le “souffle” (pnevma), mot réservé à l’Esprit Saint, c’est un esprit démoniaque. Chemin semé d’embûches que celui qui passe de la figure de ce monde à la réalité du Royaume. « Quand on se convertit au Seigneur le voile est enlevé » (2Cor 3:16), alors le prince de ce monde se dresse contre ceux qui ont l’audace d’échapper à son emprise. Certes, quand on s’éloigne du Seigneur, le Seigneur réagit : « Le Seigneur leva un satan contre Salomon » (1R 11:14). « Le Seigneur souleva un grand souffle sur la mer » (Jon 1:4). Mais quand on retourne à Dieu, Satan réagit aussi : Quand le Christ ouvre le ciel, il doit affronter Satan au désert (Mc 1:10,13). Et, à la suite du Christ, l’Eglise affronte Satan dans les eaux de la mer. Venant d’être formée (3:13+) en trois étages à l’image de l’arche de Noé (Gn 6:16), et de recevoir le grand enseignement de son Exode vers la belle terre promise (4:1+), elle laisse la foule (4:36) qui la refuse. « L’espoir du monde se réfugie sur un radeau et, piloté par ta main, laisse aux siècles futurs le germe d’une génération nouvelle » (Sg 10:4). Satan veut forcément ébranler cette belle espérance.     ”Et les vagues se jetaient dans la barque“ : Le bois permet de traverser l’eau en nous séparant d’elle. Or Matthieu (8:24) précise que la barque était couverte par les vagues, donc ce ne sont pas quelques vaguelettes : on est tout près de couler. Au jour 3, la terre avait surgi de la mer (Gn 1:9), et ici la nouvelle terre, l’Eglise, est près de retourner au fond de la mer d’où le Seigneur avait tiré les Quatre. Comme les hébreux qui voulaient retourner en Egypte (Ex 16:3). Oui, l’Eglise a suivi le Christ, et s’est séparée de ceux du dehors, des trois terrains stériles, mais il y a loin de la bouche au cœur et du cœur aux mains. C’est du moins ce qu’affirme Pierre (2P 1:5-10), ce que condamne Paul (1Cor 5:1-5), et ce que relève Marc : “Advienne une oppression ou une persécution, aussitôt cela les fait tomber” (4:17). Quant à Jean, il voit plus loin : « L’Esprit n’avait pas encore été donné » (Jn 7:39). Oui, “à vous a été donné le mystère du règne”, mais sachez qu’« il faut passer par bien des tribulations pour y entrer” (Ac 14:22).     “Au point que la barque se remplissait déjà” : L’Eglise se remplit de la rumeur du monde (“les soucis du monde présent et la tromperie de la richesse et les désirs pour tout le reste”), alors que Paul dit : “Qu’elles ne soient même pas nommées parmi vous” (Eph 5:3). Déjà que le vent démoniaque fait aller la barque en tous sens, voilà qu’en plus, à l’intérieur de l’Eglise, on se met à vivre comme dans le monde !     38a. “Et lui était dans la poupe” : La barque de pêcheur comprend une cale pour entreposer le poisson. Jésus laisse faire le timonier : “Comme un homme en voyage qui a donné autorité à ses esclaves” (Mc 13:34), il passe la nuit comme un passager, dans la cale à l’arrière du bateau, pendant que les disciples rament ou pêchent. BF a traduit “dans la poupe” (et non “à”) à la suite de la découverte sensationnelle d’une barque dans le lac de Galilée en 1986 (http://www.interbible.org/interBible/decouverte/archeologie/2003/arc_031121.htm) : Un article dans une revue proposait cette traduction, pour faire comprendre les deux niveaux du bateau, le pont et la cale où le Seigneur était descendu “pour ne pas gêner la manœuvre”. Mais, comme disait Thierry Montluçon, c’est comme si on disait “dans la façade”. En tous cas, ce niveau inférieur représente “la maison du fort” (3:27), la mort, les enfers. C’est en même temps le fond de cale où était Jonas et le ventre du poisson où il resta trois jours et trois nuits, c’est le sein du shéol décrit par son cantique (Jon 2).     “Dormant sur le coussin” : C’est sûrement les Apôtres qui l’ont installé au mieux pour lui offrir une bonne nuit.  Quant au coussin, on le retrouvera dans la chambre haute pour signifier « le dessein bienveillant (du Père) qu’il avait formé en lui par avance » (Eph 1:9). Et qui implique que « toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu » (Rm 8:28). Cette nuit dans la barque est image de la nuit pascale, « ravin de ténèbres et d’ombre de mort » (Ps 22:4) pour ceux qui n’ont pas encore foi (Mc 4:40), mais « eaux du repos » pour l’agneau de Dieu qui « ne craint aucun mal » (Ps 22:4,2). « Il comble son bien-aimé dans le sommeil » (Ps 126:2). “Et qu’il dorme et qu’il soit réveillé, la semence germe” (4:27).     TAMMUZ   Mois 4 jour 1 4:38b. Et ils le réveillent * et ils lui disent Maître tu ne te soucies pas que nous sommes perdus 39. Et s’étant relevé il a rabroué le vent * et a dit à la mer Tais-toi * Sois muselée Et le vent s’est apaisé * et il est advenu un grand calme   4:38b. “Et ils le réveillent” : Après le sommeil image de la mort (5:39, 1Th 4:14) au dernier jour du trimestre,  le réveil image de la résurrection (Ps 3:6) au premier jour de la nouvelle lune d’été. Le Seigneur rejoue Jonas, embarqué dans la tempête, endormi au fond du bateau et réveillé par le capitaine (Jon 1:3-6, Mt 12:40), qui crie comme le Psalmiste vers Dieu : “Pourquoi dors-tu, Seigneur ?” (Ps 43:2)     “Et ils lui disent Maître tu ne te soucies pas que nous sommes perdus” : “Vous m’appelez maître, et vous dites bien, car je le suis” (Jn 13:13). Mais quel chemin ne reste-t-il pas à faire pour que je sois le vôtre en vérité ? L’enseignement ne suffit pas, ou plutôt les épreuves sont le meilleur enseignement (j’ai déjà cité Ac 14:22). Le cœur du néophyte montre ici que persistent sa dureté et sa non-foi : survient une épreuve, aussitôt se manifeste le vieil homme, selon qui Dieu se désintéresserait des affaires humaines. Dans le tourbillon on a vu Satan, dans les vagues on a vu les trois passions des épines, mais dans l’accusation des Douze on voit la dureté du sol pierreux. Blasphème ? Apparemment le Seigneur le considérera plutôt comme un blasphème pardonnable, comme celui des siens (3:21, 28), imputable à la faiblesse humaine.     39. “Et s’étant réveillé” : “Et s’est réveillé comme un endormi le Seigneur” (Ps 77:65). Il y aurait de quoi fulminer l’anathème. Mais lui n'a pas le cœur dur et il répond miséricordieusement à la prière en préfigurant pour ses disciples sa résurrection.     “Il a rabroué le vent” : C’est le vent qui agite la mer, qui n’y est pour rien. Comme il rabroua le souffle impur (1:25), il s’adresse au vent, et, à travers lui, à l’esprit démoniaque.     “Et a dit à la mer Tais-toi” : Comme quoi elle a quand même son mot à dire (!). Mais « à ta menace elles prennent la fuite » (Ps 103:7). On retrouve ici le Créateur limitant la mer par le surgissement de la terre (Gn 1:9, Ps 103:7) comme il le dit à Job (38:8-11). La genèse du monde est un combat contre la mer (Is 51:9-10, Jb 7:12), le tohu et bohu qu’il a créé tout d’abord étant en fait les eaux (Gn 1:2) dont il extraira le ciel au jour 2 et la terre au jour 3.      “Sois muselée” : La mer comme l’esprit impur est muselée (1:25). C’est plus que se taire, que faire silence : c’est être maîtrisé, pour ne plus mordre et ne plus avaler ses proies. La mer muselée ne pourra plus « béer d’une gueule démesurée pour faire descendre au shéol sa splendeur et son tumulte et sa rumeur » (Is 5:14). Il faut dire ici quelque chose : c’est que la terre (Eretz), c’est la terre d’Israël, et que la mer, ce sont les païens (vers lesquels d’ailleurs vogue le Seigneur). Si le Seigneur, après avoir muni son peuple de sa Loi nouvelle, lui fait traverser la mer, c’est pour la porter aux païens. Et là il vient en quelque sorte d’en museler l’opposition, qui manifestait sa soumission aux démons par ce grand tourbillon.     “Et le vent s’est arrêté” : La prédication du Seigneur, une réussite comme celle de Jonas aux païens (cf. Jon 3:3-10, Lc 11:30), stoppe l’action démoniaque et donc ouvre les cœurs à l’annonce heureuse.     “Et il est advenu un grand calme” : « Paix à qui est loin (le païen) et à qui est proche (le juif), dit le Seigneur, et je le guérirai (Eph 2:17). Mais les méchants sont comme la mer agitée qui ne peut se calmer, dont les eaux soulèvent boue et fange. Point de paix, dit le Seigneur, pour les méchants » (Is 57:19-21). Comme l’immersion du Christ au Jourdain inaugure l’annonce heureuse aux juifs, ainsi le baptême de l’Eglise dans une mer déchaînée puis calmée inaugure l’annonce aux païens. Cette traversée est bien un nouvel Exode, mais un exode de conquête des païens. La barque est l’arche qui se posa en Arménie après que les eaux eurent désenflé (Gn 8:1). Et en ce jour, 1er tammuz (jour 1 du mois 4), Isaïe commence ses oracles sur les nations.     Mois 4 jour 2 4:40. Et il leur a dit Pourquoi êtes-vous aussi peureux * N’avez-vous pas de foi encore 41. Et ils l’ont craint d’une grande crainte * et ils se disaient les uns aux autres Qui donc est celui-ci que lui obéissent et le vent * et la mer     4:40. “Et il leur a dit Pourquoi êtes-vous aussi peureux N’avez-vous pas de foi encore” : Cf. Isaïe 13:6-8. Le Seigneur sait qu’il faut laisser du temps au temps, mais il presse quand même ses marins. C’est que le croyant néophyte doit apprendre à naviguer en donnant le gouvernail au Père, mais il ne voit que le Fils, et celui-ci dort sur le coussin ! Quand les vents tourbillonnent, comment « entrer dans son repos » ? (Ps 94:11, Hé 4:3) Comment chanter In labore requies, In æstu temperies ? Le tourbillon pénètre son âme. En plus, si l’on voit dans cette traversée mouvementée la parabole de l’ouverture aux païens, on imagine le bouleversement : que va-t-il advenir d’Israël ? Ne va-t-il pas se diviser ? Se retourner contre les dissidents que nous sommes ? Quelles persécutions ne vont pas nous atteindre (Mc 13) ? Le Seigneur en s’étonnant de cette non-foi (cf. 6:6) amène le peureux à se questionner : “La foi n’est-elle pas la nouvelle attitude qui remplace les recettes de jadis ? Ces recettes ne sont-elles inadaptées dans l’inconnu de cette traversée vers le nouveau monde, et pour ces païens « qui ne distinguent pas leur droite de leur gauche » (Jon 4:11) ? Toutes nos certitudes ne sont-elles pas à jeter à la mer comme la cargaison du bateau de Jonas ? (Jon 1:5). Le Seigneur répond : « Oui, vous craignez de périr, mais n’est-ce pas le destin de ce grain de blé dont je vous parlais tout à l’heure ? Regardez comme je dors tranquille : un enfant dans les bras du Père ! Mais mon cœur veille (Ct 5:2). Je révèle l’économie du Père, sa Providence. Laissez hurler les vents et la mer. N’ayez pas peur : ce n’est pas vous qui allez périr, c’est cette cargaison périmée des préceptes mosaïques, qui ne peuvent sauver. Les marins de Jonas surent les jeter. Ma résurrection ouvrira le chemin d’une nouvelle économie, celle de la grâce, et ainsi “ma Voie sera connue sur la terre, et mon salut parmi toutes les nations” » (Ps 66:3).     41. ”Et ils l’ont craint d’une grande crainte“ : Il demandait la foi, il a eu la crainte… Bon, c’est le premier pas (Pr 9:10). Ne boudons pas, et laissons du temps au temps : “Qu’il dorme et qu’il soit réveillé la semence germe et grandit” (4:27). Surtout que c’est une « grande crainte”. Expression qui vient encore de Jonas (1:10,16). Et aussi de Samuel qui obtint que Dieu fît tonner et pleuvoir en pleine moisson des blés, ce qui n’arrive jamais et provoqua grande crainte du peuple (1Sam 12:18). Or en Marc, l’orage précède aussi la moisson… des païens.     “Et ils se disaient les uns aux autres Qui donc est celui-ci que lui obéissent et le vent et la mer” : Au moins le Seigneur aura obtenu le début d’un questionnement. On n’avait pas encore vu chez lui pareille maîtrise des éléments. Plus qu’à Samuel il y a de quoi lui chanter comme à Dieu lui-même le chant d’Amos (5:8-9) ou le psaume 106:23-32, et lui offrir un sacrifice comme les marins de Jonas (1:16).     Mois 4 jour 3 5:1. Et ils sont venus vers l’autre rive de la mer dans le pays des Géraséniens 2. et comme il sortait hors de la barque * est venu aussitôt à-sa-rencontre hors des tombeaux un homme en souffle impur  * 3a. et qui avait-sa-demeure dans les tombeaux   5:1. “Et ils sont venus” : Le pluriel désigne l’Eglise, ou, mieux, la préfiguration de l’Eglise investissant le monde païen (Ac 11:20+), qui est le grand paradigme qui bouleversera la Synagogue et la transfigurera en Eglise. Et Marc le place pile au solstice, qui tombe le 3 : en effet, quand on cale le premier jour du premier mois lunaire sur l’équinoxe de printemps (en fait ce n’est pas souvent le cas), le solstice d’été ne tombe pas le premier jour du quatrième mois, mais le troisième, car l’année solaire est plus longue que l’année lunaire (354 jours contre 365), donc les trimestres aussi. Le soleil est à son zénith, mais c’est le commencement de sa chute. Isaïe en fait symbole de la chute des nations idolâtres, en débutant au jour 1 du mois 4 les oracles contre les nations, à commencer par Babylone (13:1). De cette « dévastation de Shaddaï » « les hommes sont bouleversés » (13:6, 8). Le tourbillon de vent (Marc 4:37) est une relecture du « bruit de foule, d’un vacarme de royaumes et de nations rassemblées » (Is 13:4), et les Apôtres peureux sont « les mains débiles, les hommes qui perdent cœur, bouleversés, pris de convulsions et de douleurs, se tordant comme femme qui accouche » (v. 7-8). Et aujourd’hui Isaïe doit en être à « Voici que vient le Jour du Seigneur, implacable », où « le soleil s’est obscurci » (13:9, 10). Mais au solstice d’été suivant, le livre d'Isaïe se conclura au même solstice par une lecture positive, « l’accouchement d’un pays en un Jour » : « Sion va enfanter des fils », « car le Seigneur vient par le feu » pour « rassembler de toute nation et langue », « J’enverrai de leurs survivants vers les nations » (66:15, 19+, cf. Mc 5:19). « De certains d’entre eux je me ferai prêtres et lévites », et « on sortira pour voir les cadavres des hommes révoltés contre moi » (66:7, 8, 15, 18, 19, 21, 24). Toutes choses qu’on va voir s’accomplir quand ils sortiront de la barque (Mc 5:2).     “Vers l’autre-rive de la mer” : Marc appelle ce bouleversement “l’autre rive”, allusion à l’autre rive de la mer Rouge, rive de la terre promise, de la belle terre de la comparaison du semeur, du royaume des cieux. Les jours de cette création commencent à baisser, voici un autre soleil, le Seigneur de la nouvelle création (Ap 22:5). « Pour vous qui craignez mon Nom, le soleil de justice se lèvera, avec la guérison dans ses rayons » (Mal 3:20). Isaïe, lui, faisait réciter hier « Proche est le jour du Seigneur », aujourd’hui, c’est « Il vient le Jour du Seigneur », et, demain, « Je ferai frémir les cieux le Jour où s’allumera sa colère » (le soleil à son zénith commence à redescendre, image de la chute de Babylone).     “Dans le pays des Géraséniens” : S’il subsiste aujourd’hui l’église des Géraséniens, souvenir de la rencontre du premier païen, on ne sait rien de cette Gérasa, à laquelle Matthieu a préféré Gadara, au sud-est du lac. Cela donne l’image de l’inconnu, de l’étranger : “Un peuple que je ne connaissais pas m’est asservi” (Ps 17:45), comme ces gabaonites intégrés au peuple (Jos 9).     2. “Et comme ils sortaient hors de la barque” : Sortie qui annonce « la dispersion lors de la tribulation survenue à l’occasion d’Etienne », où certains s’adressèrent aux Grecs, avec le succès que l’on sait (Ac 11:19-21).     “Est venu aussitôt à sa rencontre” : « La main du Seigneur les secondait » (Ac 11:21). Cf. Dt 6:10-11, Jn 4:35. Cette fécondité de la belle terre des païens vient de l’attente millénaire du “désiré de toutes les nations” (Ag 2:7 selon la Vulgate), « espoir des confins de la terre et de ceux qui sont au loin sur la mer » (Ps 64:6).     “Un homme en souffle impur” : Ce qui ne veut pas dire que c’est du tout cuit. L’homme païen est sous la coupe du souffle impur, « car tous les dieux des nations sont des démons » (Ps 95:5 LXX). Et de même qu’il fallait commencer par exorciser le démon de la synagogue, il faut dans cette deuxième étape commencer par exorciser le démon des nations. Et ce n’est pas un petit démon : on verra qu’Isaïe (ch. 14), par une belle relecture du solstice, le décrit comme l’étoile du matin (en latin Lucifer) qui a voulu escalader les cieux, mais qui a été précipitée au shéol (Is 14:12-15). Il s’agit donc bien de Satan lui-même, “le prince des démons” (Mc 3:22).     3a : “Et qui avait sa demeure dans les tombeaux” : Chute dans la mort comme son maître précipité au shéol (cf. Ap 20:10). L’homme est à l’image de Lucifer : plus il veut s’exalter sans Dieu, plus il creuse sa tombe et s’abîme en elle, entraînant dans sa chute toute la création. Mais précisément ici débute son relèvement. Ce qu'il faut savoir, c'est que cet homme en souffle impur initie par son exorcisme la deuxième partie des guérisons : après le groupe des cinq premières il y a les 7+1, celles du disciple qui gravit la montagne sainte, en trois degrés qui sont ceux de la belle terre et sont décrits dans les paraboles de l’étape II. Le premier degré est l’investissement initial où il faut donner toute sa mesure (4:24) pour déraciner les épines, qui sont “souci du monde présent, tromperie de la richesse et désir pour tout le reste” (4:18-19). Ce premier degré, simplement décrit dans les paraboles, va être mis en pratique plus concrètement dans cette deuxième étape de Marc en trois guérisons qui correspondent à ces trois passions (il le sera encore plus profondément au long de l’étape IV). L'homme en souffle impur, lui, va être guéri de ce que la parabole appelle le souci du monde présent : il a voulu dominer le monde, ce qui est légitime en soi (Gn 1:26), mais, sans souci du monde à venir, il en a fait un tombeau où Dieu est mort en l’Homme mort. Séduit par le fruit, le voici sous la coupe du serpent séducteur.     Mois 4 jour 4 5:3b. Et personne ne peut plus le lier même avec une chaîne * 4. parce que souvent il avait été lié avec des entraves * et des chaînes et les chaînes avaient été cassées par lui * et les entraves brisées et personne n’avait-la-force de le dompter   5:3b. “Et personne ne peut plus le lier” : Le mot “lien” a donné, dit-on, “religion”. Il s’agit non seulement des liens carcéraux, mais des « liens d’amour » (Osée 11:4), affectifs, sociaux, spirituels, et spécialement la Torah, que ce païen n’a pas reçue. Les sages conçoivent l’éducation comme un lien, une discipline, un joug, un fardeau (Si 6:23-25…). On dit des enfants sans éducation qu’on ne leur a pas mis de limite, et qu’ils deviennent des sauvageons indomptables. Ainsi faut-il lier leur « vieil homme » pour faire naître le nouveau, capable, lui, de « tisser des liens ».     “Même avec une chaîne” : Dans le NT, les chaînes vont toujours par deux, une à chaque main, sauf ici et à la fin des temps, quand un ange liera le Dragon avec une énorme chaîne et l’enchaînera pour mille ans… (Ap 20:1). Cet homme, à force de liberté, ou plutôt à force de “faire de la liberté un voile pour sa malice” (1P 2:16), s’est  fait avoir, tombant dans la possession démoniaque. Noter que le mot “lier” est employé pour l’homme fort de la deuxième comparaison (3:27), qui figure Satan. Car, singeant Dieu, Satan modèle l’homme à son image. Les exorcistes connaissent bien cette force surhumaine qui peut saisir nombre de possédés.     4. “Parce que souvent il avait été lié avec des entraves et des chaînes” : Les entraves sont les ceps qui entravaient les pieds des prisonniers (Ac 16:24), les chaînes quant à elles liaient les mains (Ac 12:6). Dieu a éduqué l’homme par les entraves des lois, par les chaînes des différentes alliances (Adam, Noé, Abraham, Moïse…), afin de le faire progresser et de l’unir à lui.     “Et les chaînes avaient été cassées par lui et les entraves brisées” : On pense au slogan “Jouir sans entraves” : aujourd’hui, pour dominer “le monde présent”, l’homme déchu, avec une force surhumaine, démoniaque, voudrait briser même les lois naturelles. Face à ce désir de domination, la Loi, naturelle ou non (Rm 2:14-16), ne peut que donner connaissance du péché, non justifier (Rm 3:20). Ainsi le péché d’Adam continue d’agir en tout fils d’Adam, et la mort de faire son œuvre (Rm 5:12).     “Et personne n’avait la force de le dompter” : Mais “Il vient, le plus fort que moi”, annonçait le Précurseur (1:7). Et, lui, plus fort que le fort de la maison du fort (Lc 11:22), aura, la force de le dompter. La demeure dans les tombeaux nous ramène à Ba’alZévoul (3:22, “maître de la demeure”) et à la maison du fort (3:27, deuxième comparaison) : en muselant le vent et la mer, le Seigneur “liait le fort” qui s’acharne sur l’Eglise (4:36). Maintenant il n’a plus qu’à “piller sa maison”.       Mois 4 jour 5 5:5. Et à travers tout * nuit et jour dans les tombeaux * et dans les montagnes il se trouvait à crier * et à se frapper avec des pierres   5:5. “Et à travers tout” : Cette exagération évoque à travers cet homme la geste luciférienne qui à partir du jardin des origines a contaminé l’univers : « Tu disais dans ton cœur : “J’escaladerai les cieux (…), je m’égalerai au Très-Haut”, mais tu as été précipité au shéol » (Is 14:13-15). « Tu étais en Eden, au jardin de Dieu, je t’ai précipité de la montagne de Dieu et t’ai fait périr ; ton cœur s’est enorgueilli, je t’ai jeté à terre » (Ez 28:13, 16, 17). Les hommes à la suite de Satan reproduisent sans cesse cette exaltation du péché suivie de la chute dans la fange : « Toute chair avait une conduite perverse sur la terre » (Gn 6:12). « Aucun qui agisse avec bonté, pas même un seul » (Ps 13:1). Aussi « Dieu les a livrés selon les convoitises de leur cœur à une impureté où ils avilissent eux-mêmes leurs propres corps, Dieu les as livrés à des passions avilissantes, Dieu les a livrés à leur esprit sans jugement » (Rm 1:24, 26, 28). « Je vais amener le déluge des eaux sur la terre pour exterminer toute chair » (Gn 6:17). Et ainsi « La mort a passé en tous les hommes, du fait que tous ont péché » (Rm 5:12).     “Nuit et jour” : Marc insiste : non seulement l’espace, mais le temps. Il y a persévérance dans le mal. « La convoitise l’attire et le leurre, puis la convoitise, ayant conçu, enfante le péché, mais le péché, à terme, engendre la mort » (Jc 1:15). On peut voir aussi dans la nuit le pécheur « à l’affût, dans l’ombre » (Ps 9:30) : « Qui fait le mal hait la lumière et ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient démontrées coupables » (Jn 3:20), et dans le jour on peut voir ceux qui « prennent plaisir à se livrer à la débauche en plein jour » (2P 2:13), justifiant insolemment ce que d’abord ils cachaient honteusement : le mal devient nor/mal.     “Dans les tombeaux et dans les montagnes” : Troisième opposition dont l’ensemble peut évoquer les 2×3 dimensions du cosmos : “à travers tout” serait gauche-droite ; “nuit et jour” serait avant-arrière ; “tombeaux-montagnes” serait bas-haut (6+6+6). Le cosmos est empli par « les cosmocrates de ces ténèbres » (Eph 6:12), au service du prince de ce monde, poussant vers l’éclatement quiconque qui a perdu son centre. Tombeaux et montagnes évoquent plus spécifiquement l’alliance du bien et du mal, du trivial et du spirituel, la schizophrénie du geai paré des plumes du paon, l’auteur des turpitudes les plus odieuses se réclamant de la plus haute spiritualité.     “Il se trouvait à crier” : En Marc on crie soit pour confesser la vérité, soit pour vociférer avec les démons. Le dernier cri en Marc est : “Crucifie-le” : haine destructrice inspirée par les chefs-des-prêtres, eux-mêmes inspirés du démon (les trois étages du temple déchu). Ici, le malheureux ne sait pas ce qu’il crie. La perte de son centre (le 7, le repos du shabbat, que n’observent pas les païens) suscite une souffrance, d’où cette violence d’abord verbale dans un langage inarticulé, sans logos, clamant son besoin de paix.     “Et à se frapper avec des pierres” : Sa violence ne trouvant pas d’exutoire se retourne contre lui-même. Je me suis toujours dit que la fin de Satan sera son suicide, qu’il préférera se jeter dans l’étang de feu et de soufre (Ap 20:10) plutôt que de reconnaître sa défaite. Et il y rejoindra, dit l’Apocalypse, la bête et le faux-prophète, qui sont ses hiérarques, et donc toute sa tour de Babel, et par là il rejoindra tous ces hommes qui, dès cette terre, anticipent l’enfer en se frappant avec des pierres. Le temple du monde déchu, préfiguration de l’enfer, est fait lui aussi de pierres vivantes, mais coupantes, qui nous blessent : nous le construisons en nous faisant mal les uns aux autres et à nous-mêmes, c’est une cote mal taillée. « Leur supplice durera jour et nuit » (Ap 20:10).     Mois 4 jour 6 5:6. Et voyant Yéshoua de loin il a couru * et s’est prosterné devant lui 7. et criant d’une grande voix il dit Qu’y a-t-il entre moi * et toi Yéshoua Fils du Dieu Très-Haut Je t’adjure par Dieu * ne me torture pas 8. Car il lui disait Sors souffle impur * hors-de l’homme   5:6. “Et voyant Yéshoua de loin” : C’est-à-dire du tombeau où il demeure. Les patriarches « sont morts sans avoir reçu les (choses) promises, mais les ont vues de loin » (Hé 11:13). Abraham, « en qui seront bénies toutes les nations » (Gn 18:18, Ga 3:8), « a vu mon Jour » (Jn 8:56). Le soleil est en ces jours au plus haut, image du Jour du Seigneur tout lumineux (Is 30:26), qu’a vu Abraham, où « ce que D a d’invisible se laisse voir à l’intelligence » (Rm 1:20), où « nous comprenons que ce que l’on voit provient de ce qui n’est pas apparent » (Hé 11:3), on voit toutes choses dans la clarté du Principe, et le Principe, c’est le Christ (Col 1:18). A croire que l’homme le plus abîmé dans la dissemblance reste toujours créé à l’image de Dieu (Gn 1:27), en laquelle il est apte à reconnaître « l’image du Dieu invisible » (Col 1:15), qui est le Christ. Les païens, donc, tous démoniaques qu’ils soient, gardent donc le désir d’entrer dans l’alliance d’Abraham. Par la foi.     “Il a couru et s’est prosterné devant lui” : Le voir de loin, courir et se prosterner devant lui résume la triple montée sur la montagne sainte : choix, persévérance et aboutissement dans l’adoration. Trois verbes donnés comme le programme de ce qui va suivre. On retrouvera cette triade sur la route de Jérusalem, à l’envers : couper la main qui a saisi, couper le pied qui a couru, et jeter l’œil qui a regardé (Mc 9:43-47).     7. “Et criant d’une grande voix” : Du coup le serpent qui est en lui se souvient que « le lignage de la femme t’écrasera la tête » (Gn 3:15). Et il la relève, sa tête. Une dernière fois. Sa grande voix a déjà résonné dans la synagogue (1:26), maintenant elle résonne aussi chez les nations. Dans un manuscrit de Marc (entre 16:14 et 16:15), les disciples disent : « Ce siècle d’iniquité et d’incrédulité est sous la domination de Satan, qui ne permet pas que ce qui est sous le joug des esprits impurs conçoive la vérité et la puissance de Dieu : révèle donc dès maintenant ta justice ». Autrement dit le manipulateur sent que sa marionnette lui échappe, que « le cave se rebiffe » : le démon doit réagir. Schizophrénie du possédé, tantôt maître de ses voies, tantôt voix de son maître.     “Il dit Qu’il y a-t-il entre moi et toi” : Litt. “Quoi de mien et tien ?” Le premier cri était désarticulé, accompagné de rituels d’autodestruction. Le second a le mérite de dire quelque chose de précis : le démon reprend le contrôle et confesse son refus viscéral d’avoir quelque chose en commun avec Christ. Refus de dialogue… mais qui est déjà un dialogue : il y a un moi et un toi. Il a mis le doigt dans l’engrenage. De quoi perturber la paix des cimetières…     “Yéshoua Fils du Dieu Très-Haut” : On est toujours étonné que le démon connaisse le Christ. Mais les exorcistes ne le sont pas. Le premier démon le connaissait comme “le Saint de Dieu”, qui sera la confession de Pierre (Jn 6:69), celui-ci le connaît comme “Fils du Dieu Très-Haut”, qui sera celle du centurion (Mc 15:39). Ils comprennent plus vite que l’homme. Sauf que « Si je sais tous les mystères et n’ai point la charité je ne suis rien » (1Cor 13:2). Aussi le Seigneur n’y prête-t-il aucune attention. Et puis, se référer au “Très-Haut”, n’est-ce déjà l’aveu de la défaite de celui qui disait : « Je m’égalerai au Très-Haut » (Is 14:14) ?     “Je t’adjure par Dieu Ne me torture pas” : On a eu la réaction humaine (vision, course, prosternation), on a la reprise en main par la réaction démoniaque : 1° « Qu’il y a-t-il ? », choix du refus, 2° « Yéshoua Fils », en toute connaissance de cause, 3° « Ne me torture pas », relation conçue comme une torture : donc, évite-moi. En effet, il n’est pas sûr que ce soit le fait de sortir du possédé qui lui soit une torture. Je pencherai plutôt pour la proximité du Christ. « Qui fait le mal hait la lumière » (Jn 3:20).     8. “Car il lui disait” : Le Christ a donc initié le dialogue. Ou plutôt le combat. « Le Fils de Dieu a paru pour défaire les œuvres du diable » (1Jn 3:8). Le Seigneur a donc parlé juste avant « Qu’y a-t-il entre nous et toi ? »     “Sors souffle impur “ : Le Seigneur énonce d’entrée le but : faire sortir le souffle impur. Ce qui revient à faire entrer le Souffle Saint (Mc 1:8) : « Se lève Dieu et se dispersent ses ennemis » (Ps 67:2).     ”Hors de l’homme” : On voit bien là qu’à travers cet homme, le Christ vise la délivrance de tout homme, et, à travers ce démon, vise la chute du chef des légions démoniaques. « Le cheval de Pharaon vint avec ses chars et ses cavaliers dans la mer, mais le Seigneur retourna sur eux les eaux de la mer » (Ex 1 15:19).     Mois 4 jour 7 5:9. Et il l’interrogeait * Quel est ton nom Et il lui dit * Légion est mon nom parce que nous sommes nombreux 10. et il le suppliait beaucoup * pour qu’il ne les envoie pas hors-du pays   5:9. “Et il l’interrogeait Quel est ton nom” : Le nom contenant la personne, se nommer ouvre le dialogue. Et nommer l’autre vous donne prise sur lui. Une maladie nommée est à moitié guérie, alors que, disait Camus, « mal nommer les choses ajoute au malheur du monde ». Demander le nom est une coutume des exorcistes. Même si le Seigneur qui fait taire les vents le connaît déjà. Car le dialogue fait là un pas important : l'homme a nommé Jésus, à lui maintenant de se nommer. L'amour ne peut naître qu'à deux. Mais parle-t-il au souffle impur ou à l’homme ? A « l’homme en souffle impur ». L’homme dans le souffle impur. Difficile à séparer, mais… il va falloir le faire. En fait le Seigneur vient de mettre le doigt où ça fait mal.     “Et il lui dit Légion est mon nom parce que nous sommes nombreux” : Les légions romaines ont conquis le monde par leur nombre et leur efficacité. Au temps d’Auguste elles pouvaient compter jusqu’à 6000 hommes. Que plusieurs démons puissent infester un homme étonne notre science débutante et encore dans l’enfance, mais le Seigneur évoque la possibilité de sept démons en Mt 12:45, et la Madeleine en est un exemple pratique (Lc 8:2). Aujourd’hui le trouble dissociatif de l’identité (T. D. I.) est une pathologie reconnue et on sait que, suite à des traumatismes répétés, des dizaines de personnalités peuvent cohabiter dans le même sujet. Il semble que nombre de cultes païens provoquaient par la torture ces dissociations dans leurs adeptes pour arriver à ce qu’ils croyaient être le Divin. Et qui était plutôt le satanique… Légion le dissocié est une parabole du monde païen idolâtre sous la coupe de ce pseudo-dieu.     10. “Et il le suppliait beaucoup pour qu’il ne les envoie pas hors du pays” : C’est quand même bien parallèle à son “Je t’adjure par Dieu, ne me torture pas”. Hier j’écrivais que c’était la présence du Christ qui lui était une torture, mais il semble bien dire ici que la torture serait de quitter le pays (chora, étendue de terre). En fait, c’est la même chose… Marc va décrire, à travers cet exorcisme, en parallèle avec Is 14, le jugement du prince de ce monde. Certes, c’est par la croix qu’il va être jeté dehors (Jn 12:31), mais « c’est dès maintenant le jour du salut » (2Cor 6:2). Il va lui falloir quitter le pays, le champ de ce monde (Mt 13:38) qui est son domaine (Gn 3:1), car « en ce jour le Seigneur va transpercer le serpent fuyard » (Is 27:1), et par la venue du Messie « le pays sera rempli de la connaissance de Dieu comme les eaux couvrent le fond de la mer » (Is 11:9). Le souffle impur doit sortir de l’homme, mais il redoute par-dessus tout la présence de Dieu. D’où sa torture : « Où m’enfuir loin de ta face ? » (Ps 138:7).     Mois 4 jour 8 5:11. Or il se trouvait là sur la montagne * un grand troupeau de porcs paissant 12. Et ils l’ont supplié en disant Fais nous aller dans les porcs * afin que nous entrions en eux Et il leur a permis   5:11. “Or il se trouvait là sur la montagne : La montagne, lieu où l’on s’élève pour avoir une vue globale, est synonyme de connaissance.     “Un grand troupeau de porcs “ : Les porcs quant à eux, corne fendue et pied fourchu, non ruminants, sont impurs et ne doivent pas être mangés (Lv 11:7) et l’on ne doit pas toucher leurs cadavres (Dt 14:8). C’est la nourriture de ces païens, qui ont une vraie connaissance, très élevée (“montagne”), en prestigieuses écoles (“grands troupeaux”), mais qui mangent de tout (“porcs”). C’est-à-dire qu’ils sont « toujours à s’instruire, mais jamais capables de parvenir à la connaissance de la vérité » (2 Tim 3:7), tournés vers la terre et le ventre, donc incapables de se réformer et d’accéder au mystère divin, qui pourtant « se laisse voir à l’intelligence à travers ses  œuvres, en sorte qu’ils sont inexcusables » (Rm 1:20). Sur la montagne, ils sont comme avec un anneau d’or au groin (Pr 11:22) : pas la peine d’accumuler la connaissance, si c’est pour se vautrer juste après dans le bourbier (2P 2:22). Isaïe lie d’ailleurs le porc à des pratiques religieuses païennes (65:4 ; 66:3, 17), où l’homme élève son esprit, mais vit selon la chair. C’est ce mélange qui constitue l’impureté, la pseudo-gnose, la connaissance du bien et du mal, le fruit qui tue. « Partie fer et partie argile : partie fort et partie fragile » (Dn 2:42), “royaume contre lui-même divisé” (Mc 3:24). Telle est la statue composite : il suffira d’une Pierre pour la briser et instaurer le Royaume qui ne passe pas (Dn 2:42-45).     “Paissant” : Que de richesses. Mais « A cause de l’abondance de leur blé, de leur vin et de leur huile ils sont devenus multitude » (Ps 4:8), “un grand troupeau”.     12. ”Et ils l’ont supplié en disant : Troisième supplique pour fuir loin de sa face. Mais la première au pluriel. La multiplicité de Babel (Gn 11:9) est démasquée face à Celui qui dans la barque priait ainsi : « En un seul je me couche et m’endors car toi, Seigneur, seul, dans l’espérance tu me fais habiter » (Ps 4:9). Adonaï ehad (Dt 6:4). Et, à son réveil : « Point ne craindrai des multitudes d’un peuple, qui, autour, se met contre moi » (Ps 3:7).     ”Fais-nous aller dans les porcs afin que nous entrions en eux” : On voit la soumission des esprits : « En tremblant ils quittent leurs bastions » (Ps 17:46). Dans ces esprits impurs, il faut voir les anges protecteurs des nations (Dt 32:8), qui les ont conduites vers l’idolâtrie, de sorte qu’elles ont rendu un culte à l’armée des cieux (Dt 4:19). Or, le Christ « a dépouillé ces principautés et puissances, les traînant dans son cortège triomphal » (Col 2:15). Dans le “grand troupeau de porcs”, on voit leur nombre et leur impureté : qui se ressemble s’assemble. Mais pourquoi réclament-ils cette visibilité ridicule, ersatz de leur gloire passée ? La psychologie démoniaque n’est pas mon fort, mais on voit là leur refus obstiné du salut, leur désir de continuer malgré tout leur œuvre d’opposition, dans le peu de place qui leur reste après le salut. Car après la croix « il manque encore (quelque chose) aux souffrances du Christ pour son Corps qui est l’Eglise » (Col 1:24). Ce qui permet aux saints de « se fatiguer à lutter, avec son énergie qui agit en eux avec puissance » (Col 1:29). « Qui croit en moi fera les œuvres que je fais, il en fera même de plus grandes » (Jn 14:12). Toutefois, même si « le Dragon s’en alla guerroyer contre eux » (12:17), ce n’est pas en eux que peuvent encore aller les souffles impurs, mais en ces “grands troupeaux de porcs paissant sur la montagne”, que nous avons identifiés comme la viande dont se nourrissent les païens. Voici mon hypothèse : infester ces troupeaux, c’est infester leurs doctrines mêlées d’erreur et de vérité, de manière à rester maîtres des païens qui ne croiront pas. De manière à mettre un voile sur ces doctrines, comme ils la mettent sur la Torah (2Cor 3:14), afin qu’elles ne puissent conduire à Dieu. Leur but, c’est que « les princes des peuples s’unissent contre le Seigneur et contre son Christ » (Ps 2:7) : les démons rêveront toujours de réunir les grandes idéologies païennes (“grands troupeaux de porcs”) dans un grand tout, un mondialisme païen, mené par l’Antichrist (2 Th 2:3-12).     “Et il leur a permis” : Pourquoi ? Je lis ceci : « Vous risqueriez, en ramassant l’ivraie d’arracher en même temps le blé. Laissez l’un et l’autre croître ensemble jusqu’à la moisson » (Mt 13:29-30). « Que le souillé se souille encore, et que le saint se sanctifie encore » (Ap 22:11). « Il vous faut encore quelques temps être affligés par diverses épreuves, afin que votre foi devienne sujet de louange » (1P 1:6-7). Et « Afin qu'en elles je parle ouvertement, comme il me faut en parler » (Eph 6:20). Pour faire triompher « le grand mystère de la piété » (1Tim 3:16), il accepte « le mystère de l’impiété » (2Th 2:7). Dans une sueur de sang il dit au Père “Non pas ma volonté, mais ce que toi tu veux” (Mc 14:36), il accepte Judas et nous dit de « ne pas tenir tête au méchant » (Mt 5:39). De même « Nous souffrons avec lui pour être aussi glorifiés avec lui. Car les souffrances du temps présent ne sont rien par rapport au poids de gloire qui doit se révéler en nous » (Rm 8:17-18).     Mois 4 jour 9 5:13. Et étant sortis les souffles les impurs sont entrés dans les porcs et le troupeau s’est lancé du haut du précipice dans la mer * et deux mille environ se sont étouffés dans la mer 14. Et se sont enfuis ceux qui les faisaient-paître et l’ont annoncé à la ville * et dans les champs   5:13. “Et étant sortis les souffles les impurs sont entrés dans les porcs” : « Maintenant a lieu le jugement de ce monde, maintenant le prince de ce monde sera jeté dehors » (Jn 12:31) : sur la rive de la belle terre l’homme est sauvé, sur la terre stérile les porcs, infestés de démons, sont perdus. “L’autre rive de la mer” (5:1) était la seule chose qu’on savait de ces géraséniens. Mais pour nous, hébreux, qui avons traversé la mer avec le Christ, l’autre rive, c’est forcément l’Egypte. De plus, l’Ecriture évoque déjà un démon « entravé et enchaîné en Egypte », Asmodée (Tobie 8:3). Or on sait aujourd’hui que le livre de Tobie circulait en hébreu. On voit d’ailleurs des parallèles entre les sept maris de Sara et la femme aux sept maris de Mc 12:20-22). “L’autre rive”, libérée du démon, est donc devenue celle du Royaume, par l’évangélisation : “A toutes les nations l’Evangile doit être clamé d’abord” (Mc 13:10). Israël y passera en dernier (Rm 11:25).     “Et le troupeau s’est lancé du haut du précipice dans la mer” : « L’homme quand il était dans l’honneur n’a pas compris, il s’est mis au rang des animaux sans raison, et il leur est devenu semblable » (Ps 48:13). « Qui s’élève sera abaissé ». « Il a jeté à la mer cheval et cavalier » (Ex 15:1). « J’ai vu l’impie triomphant, il se dressait comme les cèdres du Liban ; quand je suis repassé, voici qu’il n’était plus » (Ps 36:34). Lire tout le psaume pour comprendre la victoire de la douceur. La permission donnée d’entrer dans les porcs reprend la “tactique” divine du sommeil dans la barque, qui annonce l’impuissance de la croix et le sommeil du tombeau. Si l’on poursuit l’interprétation d’hier, on peut lire ici les cultures humaines qui, infestées par les démons, rejettent les “semences du Verbe” qui les font tenir, et tombent rapidement (voire “se lancent” d’elles-mêmes !) de la montagne dans l’abîme, où elles s’étouffent avec leurs démons. Le pari qu’avait fait le Christ de « ne pas résister au mal (ou au malin) » (Mt 5:39) était risqué, mais il l’a gagné : la ligue des princes réunie en haut de la montagne en une puissante armée pour un ultime Harmaggédon (Ap 16:15) n’était plus unie que par les démons du rejet, de la haine et du morbide, et ne pouvait donc que s’écrouler, se lancer même, dans le précipice. Ainsi s’écroule la maison du fort (3:27).     “Et deux mille environ se sont étouffés dans la mer” : Sur les 2000, on peut lire Qo 6:4-6 et Is 36:8 : en Isaïe l’envahisseur s’engage à donner 2000 chevaux si Ezéchias trouve des cavaliers pour les monter ! Ici Jésus les trouve ! Sinon, est surtout dépeinte la défaite de Pharaon dans la mer Rouge (Ex 15:19), dans une relecture baptismale où le croyant, dans un choix ferme et définitif, laisse au fond de la piscine « Satan, ses œuvres et ses pompes ». Les chrétiens, morts et ressuscités avec le Christ, rejettent de leur culture humaine tout pourrissement démoniaque, les « baptisent » et les feront revivre, à partir des semences du Verbe qui sont en elle, tels ces grains de moutarde appelés à devenir de grands arbres (Mc 4:31-32). Quand le Seigneur “lie l’homme fort” (3:27), jette Pharaon à la mer (Ex15:1), entrave et enchaîne Asmodée en Egypte (Tobie 8:3) et y établit le règne de Dieu (Is 19:16-24), naît le nouvel Israël. On comprend que les légions démoniaques “suppliaient beaucoup” de conserver leur antique pouvoir… Mais en ces jours où le soleil arrivé au zénith commence son inexorable déclin est annoncée la chute du tyran : « Comment es-tu tombé du ciel, Lucifer, fils de l’aurore ? » (Isaïe 14:12).     14. “Et se sont enfuis ceux qui les faisaient paître” : Description des faux pasteurs qui rappelle celle de Jean : « Le mercenaire voit-il venir le loup, il laisse les brebis et s’enfuit » (Jn 10:12). Celle aussi d’Ezéchiel (34). De tels pasteurs évoquent la fragilité d’une culture fondée sur l’impureté porcine “du souci du monde présent, de la tromperie de la richesse et des désirs au sujet du reste” : ils peuvent bien proclamer très haut de très hautes vertus mais leur loi, comme celle des juifs, ne peut sauver l'homme, et les pasteurs sont incapables de protéger leurs troupeaux des influences mauvaises, et, sauf à renaître des eaux du baptême, au jour du danger ils ne songent plus qu’à sauver leur peau. Marc prophétise la déroute des païens sous la poussée de l’Eglise. Lire par exemple Is 11:10-16.     “Et l’ont annoncé” : Mieux, les pasteurs vont se faire eux-mêmes, sans le vouloir, les annonciateurs de ceux qui sont appelés à les remplacer.     “A la ville et dans les champs” : Le pasteur est la figure du roi de la cité (cf. Ps 77:68-72), et les champs constituent le royaume. Un roi des cochons privé de ses sujets : “Voici le monde parti derrière lui !” (Jn 12:19). Se faire baptiser. Ceci rappelle le royaume divisé, la maison divisée et Satan fini. Et la maison pillée (3:24-27).     Mois 4 jour 10 5:15. Et on est venu voir ce qui était advenu * et ils viennent auprès de Yéshoua et ils ont aperçu le démoniaque assis * habillé et dans-son-bon-sens * lui qui avait eu la Légion et ils ont craint   5:15. “Et on est venu” : C’est l’appel “Venez derrière moi” (1:17), big bang qui continue de résonner. Les païens de l’autre rive entendent la même annonce heureuse du règne des cieux que Simon et André au bord de la mer.     “Voir” : On reconnaît l’expression « Venez et voyez » (Jn 1:39). Si vous venez, c’est pour acquérir le regard divin de contemplation des œuvres divines (Gn 1:31, Si 39:16).      “Ce qui était advenu” : Les trois guérisons sont la mise en œuvre de l’enseignement des comparaisons. Ce qui en advient. Le fruit. La parole qui ne revient pas sans effet (Is 55:11). Comme conclura l’étape (6:2), il y a “la sagesse qui lui est donnée” (mois 3) et “ces puissances qui adviennent par ses mains” (mois 4). « Il dit, et cela advint » (Ps 32:9).     “Et ils viennent auprès de Yéshoua” : Et c’est déjà ça le fruit, la moisson, c’est Isaïe : « Les nations marcheront vers ta lumière ; tous rassemblés ils viennent auprès de toi » (60:3,4).     “Et ils ont aperçu” : Il a déjà dit “voir”, il prend dans la riche panoplie grecque des verbes de vision un autre verbe, theoreo, qui sert pour les souffles impurs, le Seigneur lui-même, ou encore les femmes au tombeau, et qui est traduit par percevoir ou observer. C’est regarder avec un intérêt et un but précis.     “Le démoniaque” : On peut regretter qu’ils se fixent sur le démoniaque et non sur le Seigneur, mais il y a un temps pour tout. C‘est par la contemplation des œuvres qu’on arrive à l’Ouvrier (Rm 1:20, Sg 13:3-5). En observant le démoniaque, ils ont déjà levé le regard, parce que l’objet de leur venue c’étaient les cochons ! C’est-à-dire ce qu’on met dans l’assiette… Ainsi l’épreuve du manque force-t-elle à ouvrir les yeux. Et ce qu’il faut voir ici, c’est la description du baptême et des différents rites qui l’accompagnent.     “Assis” : Un homme qui était cul par-dessus tête. Que personne n’avait la force de dompter. Assis, peut-être, mais « sur le siège des rieurs » (Ps 1:1) - selon les LXX, « de pestilence » -, ou, ce qui revient au même, “avec les scribes qui étaient assis et qui ruminaient dans leurs cœurs” (Mc 2:6). Le voici maintenant assis avec “ceux qui sont assis en cercle autour de lui” (3:34). Autant dire introduit à l’Eglise. Parmi les frères, sœurs et mères du Seigneur.     “Habillé” : Quel est cet habit ? « Le Seigneur leur fit des tuniques de peau » (Gn 3:21), déjà figures du salut : « Il m’a vêtu des vêtements du salut » (Is 63:10) Car « Vous tous baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ » (Gal 3,27). Comme au grand-prêtre Josué on enleva ses habits sales et le revêtit d’habits somptueux (Za 3:4), préfigurant ceux du Christ transfiguré (Mc 9:3).     “Et dans-son-bon-sens” : Sophroneo, qu’on peut traduire aussi modéré, modeste, sobre, pondéré, raisonnable, équilibré. « Si je suis hors de sens, c’est pour Dieu, si je suis de bon sens, c’est pour vous » (2Cor 5:13). Cf. Rm 12:3, Tt 2:6, 1P 4:7. Capable de communiquer son expérience spirituelle à son entourage incroyant.     “Lui qui avait eu la Légion” : Celui qui courait tombeaux et montagnes est assis, celui qui était nu (Lc 8:27) est habillé, celui qui criait et se frappait est dans son bon sens. Avant et après, les deux voies. Ainsi commence le témoignage du disciple. Après s’être égaré dans le multiple (“Légion”), il retrouve son unité.     “Et ils ont craint” : Ce changement de voie provoque la crainte de Dieu, comme les signes et prodiges des Apôtres (Ac 2:43, 5:11). C’est le  premier don de l’Esprit (Is 11:2-3), commencement de la sagesse (Ps 111:10).     Mois 4 jour 11 5:16. Et ceux qui avaient vu * leur ont raconté comment c’était advenu au démoniaque * et au sujet des porcs 17. Et ils ont commencé à le supplier de s’en aller de leur région   5:16. “Et ceux qui avaient vu” : Ceux qui sont venus voir ont aperçu le croyant “enseveli avec Lui par le baptême dans la mort, afin que, comme est ressuscité Christ dans la gloire du Père, il marche lui aussi en nouveauté de vie. Car s’il est devenu planté-ensemble par une mort semblable à la sienne, il le sera aussi par une résurrection semblable” (Rm 6:4-5). Mais si ces “spectateurs” qui connaissaient l’« avant » ont vu l’« après », ils n’ont pas vu les faits, le « pendant ». Et ceux qui les avaient vus, ce ne sont point les pasteurs, qui n’ont vu que les effets sur les troupeaux. Ce sont donc les Douze et ceux des “autres barques [qui] étaient avec lui” (Mc 4:36). En effet, si le Seigneur a traversé la mer et vaincu la tempête en dormant (du sommeil de sa mort), c’est pour que ses disciples annoncent le salut aux nations.     “Leur ont raconté” : « Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons » (1 Jn 1:3). « Nous ne pouvons pas, quant à nous, ne pas publier ce que nous avons vu et entendu » (Ac 4:20). “Raconter”, quant à lui, s’emploie dans le NT au sujet du Christ, mais aussi de ses apôtres ou de ses prophètes, sa « semence incorruptible » « plantée-ensemble ». Car « sa postérité, qui la racontera ? Car sa vie est retranchée de la terre » (Ac 8:33). Ceux qui la raconteront sont ceux qui comme lui « marchent en nouveauté de vie » (Rm 6:4).     “Comment c’était advenu” : Il faut le comment, qui permet de suivre la même voie. Le conteur, en racontant ce qu’il a vu, doit donner les moyens de salut. Comment en bénéficier et se retrouver “assis” (disciple), “habillé” (revêtu du Christ) “et dans son bon sens” (équilibré). L’évangélisateur, le témoin, ne raconte pas que la vie du Christ, mais aussi celle de ses témoins, ceux qui sont venus à lui, ses saints.     “Au démoniaque et au sujet des porcs” : Au démoniaque la voie du salut et au sujet des porcs la voie de perdition. C’est en opposant les deux voies qu’on aide le mieux à choisir sa voie, monter sur la montagne ou se précipiter dans la mer.     17. “Et ils ont commencé à le supplier de s’en aller de leur région” : Abraham séjourna en terre sainte, mais ne l’eut pas en possession (à part le tombeau de Makpéla), « car l’iniquité de l’Amorite n’était pas parvenue à son comble » (Gn 15:16). Mais « à ta postérité je donne ce pays » (id. 18). Le plan divin a ses « économies », et la crainte de Dieu a été semée, « principe de la sagesse ». Comme le juste, elle donnera du fruit en son temps (Ps 1:3). Il faut la mort et la résurrection de la plante pour que le païen puisse être greffé sur le cep de la Vie.     Mois 4 jour 12 5:18. Et comme il montait dans la barque* celui qui avait été démoniaque le suppliait d’être avec lui 19. Et il ne l’a pas laissé (aller) mais il lui dit Pars dans ta maison * auprès des tiens et annonce-leur tout ce que le Seigneur a fait pour toi * et comment il a eu pitié de toi   5:18. “Et comme il montait dans la barque” : Le Seigneur “secoue la poussière de ses pieds” (6:11), mais en permettant aux démons d’aller dans les porcs, il leur a joué un « tour de cochon » : les porcs, richesse  du pays et image de sa culture, sont investis par des démons qui, par définition, refusent le Christ ; aussi, faute de garder la moindre « semence du Verbe », ils n’ont plus que la pulsion de mort et se lancent dans la mer ! De même ici pour leurs habitants : voulant rester « sans Christ, sans espérance ni Dieu en ce monde » (Eph 2,12), ils se condamnent eux-mêmes. Ils n’ont pas faim de la Parole de Dieu. « Que mangerons-nous, avec quoi nous habillerons-nous, toutes ces choses les nations les cherchent » (Mt 6:31-32).Or « tout est bon dans le cochon ». « Voyant disparaître leurs espoirs de gain, ils dirent : Ces gens sèment le trouble » (Ac 16,19-20). Donc haro sur le baudet. Ils sont encore dans « la passion de la convoitise comme les nations qui ne connaissent pas Dieu » (1Th 4:5). Il n’est pas encore temps : “Si le Christ n’est pas ressuscité, vous êtes encore dans vos péchés” (1Cor 15:17). La barque de l’Eglise ne peut encore jeter l’ancre. Le Christ « donne un exemple afin que vous fassiez de même » (Jn 13:15) : il attend que sa Résurrection ouvre les valves du don de l’Esprit et que la barque revienne chargée d’argent et d’or.     “Celui qui-avait-été-démoniaque le suppliait d’être avec lui” : Belle supplique que celle de vouloir être avec lui, à l’égal des envoyés (cf. Mc 3:14) : elle sera la pierre de la foi sur laquelle le Seigneur fondera l’Eglise (Mt 16:18)… de la Décapole.     19. “Mais il ne l’a pas laissé aller” : C’est le deuxième bon tour que joue le Seigneur aux Géraséniens. Il s’en va mais laisse son représentant, comme un poil à gratter. Sa guérison fut d’ailleurs une formation accélérée : “Lui qui avait eu la Légion”, il a expérimenté ô combien que « Dieu nous a arrachés à l’autorité des ténèbres pour nous transporter dans le royaume de son Fils bien-aimé en qui nous avons la rédemption » (Col 1:13). Il a traversé la mer comme Israël en laissant au fond Pharaon et ses cavaliers à dos de cochon, et a eu le temps “d’être avec lui” sur la montagne sainte, “assis, habillé et dans son bon sens”. Il est déjà prêt pour la deuxième partie de l’identité apostolique, “être envoyé clamer” (Mc 3:14).     “Mais il lui dit Pars dans ta maison auprès des tiens” : Le Seigneur forme des ambassadeurs  locaux. Comme la samaritaine qui évangélise Sychar (Jn 4:28-42). Tous ceux qui sont guéris sont renvoyés dans leurs pénates. Il faut attendre la treizième guérison pour qu’un Bartimée le suive sur la route (10:52). Autrement dit : il faut des Louis et Zélie Martin avant Thérèse de Lisieux. Il faut un terreau chrétien. Et puis il faut que Légion retisse les liens qu’il a coupés, il doit mettre en œuvre sa guérison. En n'accédant pas à sa demande, il discerne mieux que lui, sans compter qu’il déracine chez lui la volonté propre, le mal originel qui l’a coupé de tous, et plante l’amour des siens, qui le reliera à tous. Certes, « Qui ne hait pas son père et sa mère ne peut être mon disciple » (Lc 14:26), mais d’abord « Honore ton père et ta mère » (Ex 20:12), et ensuite tu pourras « quitter ton père et ta mère » (Gn 2:24).      “Et annonce-leur tout ce que le Seigneur a fait pour toi et comment il a eu pitié de toi” : Et chez les siens qui ont refusé le Seigneur, l’ex-Légion doit planter l’amour du Seigneur. La semence d’Abraham doit supplanter les épines, la pierre de la foi doit bâtir une cité au lieu du terrain pierreux, les oiseaux du ciel doivent faire leur nid là où Satan enlevait la Parole. Par ce précepte, Légion est envoyé annoncer la théologie monothéiste (“le Seigneur”), l’économie du salut (“a fait pour toi”) et l’expérience de la miséricorde (“comment il a eu pitié de toi”). Autrement dit le Père, le Fils et le Saint-Esprit.      Mois 4 jour 13 5:20. Et il s’en est allé et a commencé à clamer dans la Décapole * tout ce que Yéshoua avait fait pour lui et tous s’étonnaient   5:20. “Et il s’en est allé” : L’obéissance au “Pars” vainc la volonté propre, elle parachève la guérison du démoniaque et son intégration à la semence d’Abraham : “Abraham partit comme le Seigneur lui avait dit” (Gn 12:4). Ce qui promet que la légion des 2000 démons sera remplacée par une descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel (Gn 22:17).     “Et a commencé à clamer dans la Décapole” : Voilà déjà la maison et les siens multipliés par 10. « Fidèle en peu de choses, reçois autorité sur dix villes » (Lc 19:17). Et selon Marc ce n’est qu’un commencement :-) Le commencement de l’annonce heureuse chez les païens.     “Tout ce que Yéshoua : On aura noté le subtil changement de “Seigneur” en “Yéshoua”, qui, en proclamant l’égalité du Père et du Fils, ouvre à la théologie trinitaire : « Il est l’image du Dieu invisible » (Col 1:15). Ajoutons l’abaissement du Fils, qui ne se nomme pas, mais s’efface devant la seigneurie du Père, suivi de son exaltation à sa droite, qui est révélée par l’Esprit. Et la liberté de l’Eglise dans l’Esprit, qui se permet une formulation différente du précepte qu’elle a reçu. On peut y voir les prémices de l’omoiousios (consubstantiel), mot du symbole de Nicée choisi pour dire l’égalité du Père et fit du Fils, et qui débat, car non scripturaire.     ”Avait fait pour lui“ : La catéchèse des mirabilia Dei en pays païen se concentre sur l’œuvre du Messie. Cf. Ac 10:34+ et symboles de foi.     ”Et tous s’étonnaient“ : La crainte des géraséniens fait place à l’étonnement des décapolites. Ce ne sont que des pierres d’attente : Marc ouvre le ban, mais réserve le grand démarrage de la foi à une autre pentecôte : « Il n’y avait pas encore d’Esprit, parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié » (Jn 7:39). Que Légion « prépare pour le Seigneur un peuple prêt » (Mal 3:25), et les Apôtres viendront leur apporter le Seigneur. On peut noter enfin comme « le Diable porte pierre » : il suscite une tempête, mais celle-ci jette l’Eglise sur le rivage des païens, ce qui sauve Légion. Ses démons vaincus obtiennent de rester au pays, mais en poussant les cochons au suicide font disparaître toute l’impureté du pays. Les païens refusent le Christ, mais son départ entraîne l’apostolat de l’un d’entre eux. Bref, l’abandon du Fils à la Providence révèle l’économie du Père, que voici: « Dieu [le Père] veut que tous les hommes [Israël et goïm] soient sauvés [par le Fils] et parviennent à la connaissance de la vérité »[dans l’Esprit] (2 Tim 2,4).     Mois 4 jour 14 5:21. Et comme Yéshoua avait fait de nouveau la traversée vers l’autre rive une foule nombreuse s’est assemblée auprès de lui * et il se trouvait au bord de la mer. 22a : Et vient un des chefs de synagogue du nom de Yaïr.   5 :21. ”Et comme Yéshoua“ : Pour mémoire, Yéshoua veut dire Sauveur, et c’est aussi le nom du Josué qui après Moïse fit entrer le peuple sur la terre promise et du Josué qui après l’exil bâtit le nouveau temple.     “Avait fait de nouveau la traversée vers l’autre rive” : En revenant vers la mère patrie, les disciples ont dû se demander pourquoi avoir fait ce voyage éclair, et, malgré le prodige accompli, avoir un sentiment d’échec devant le refus des géraséniens : « Tout ça pour ça ? ». Mais il est des gestes prophétiques dont la portée ne se révèle qu’a posteriori. En fait, la tempête prophétisait la mort du Christ, et les barques des Douze et des disciples prophétisaient l’Eglise chassée d’Israël par ceux qui “tenaient conseil en vue de le perdre” (Mc 3:6, cf. Ac 4:27) et qui débarquera chez les païens après le “réveil” (4:39) du Christ, inaugurant « le temps des nations ». Or la prophétie continue : la traversée vers l’autre rive prophétise l’Eglise retournant en Israël à la fin des temps, comme le prédit l’Apôtre : « Une partie du monde juif s’est endurcie jusqu’à ce que soit entrée la totalité des païens, et ainsi tout Israël sera sauvé » (Rm 11:25). Et Marc, qui, comme Paul, « ne veut pas nous laisser ignorer ce mystère » (id.), s’en va nous conter les deux guérisons suivantes.     “Une foule nombreuse (polus)“ : L’expression désigne en Ap 7:9 les élus issus de la gentilité, « que nul ne pouvait dénombrer » alors qu’au début de la proclamation du semeur au bord de la mer, Marc dit “très nombreuse” (pléistos étant le superlatif de polus). La nuance pourrait distinguer foule avant et après proclamation de l’Annonce  heureuse. Avant, elle est très nombreuse car elle cumule terres fertiles et stériles, « ceux qui se sauvent et ceux qui se perdent” (1Cor 1:18), les incroyants et les incroyants ; alors qu’après, elle est seulement nombreuse, car elle ne comprend plus que « ceux qui se sauvent ».     ”S’est assemblée auprès de lui” : Là on a la référence au psaume : « Assemblez devant lui ses consacrés » (Ps 49:5), où, après une tempête (!), Dieu parle pour « juger son peuple ». A sa droite un peuple délivré de l’obligation d’offrir des sacrifices au profit du seul sacrifice d’action de grâce, en hébreu, ou de louange, en grec (v. 15 et 23), liberté qui annonce l’Eglise. A sa gauche le pécheur qui récite ses commandements et a son alliance à la bouche, mais rejette ses paroles. On peut y voir la préfiguration du jugement dernier (Mt 25:31+) mais il faut y voir d’abord la Synagogue telle que fustigée par le Seigneur (Mc 7) ou par l’Apôtre (Rm 2).     “Et il se trouvait au bord de la mer” : C’est là qu’il a appelé les Quatre, c’est là qu’il a jugé entre terres stériles et fertiles, c’est de là qu’il emmène les fertiles disciples vers les rives du monde à venir, à travers la conquête des nations païennes ; son retour est donc l’image du jour où « Il reviendra juger les vivants et les morts ». « Devant lui seront rassemblées les nations » (Mt 25:32). Noter que sans indication de date, on est présumé être toujours en “ce jour-là” (4:35), image du monde à venir, inauguré par l’embarquement à la suite du Christ.     22a. “Et vient” : Dans ce contexte, celui qui vient est un candidat pour le monde à venir. Sera-t-il accepté ? En quoi consiste l’examen ?     “Un” : Le grec eis, selon Bernard Gineste, aurait souvent dans l’AT ou le NT le sens ordinal de premier, à l’image de « jour un » (Gn 1:5), ce qui en l’occurrence peut éclairer notablement la péricope.     “Des chefs-de-synagogue” (archisynagogon) : Il s’agit évidemment de la synagogue de Capharnaüm, le port d’attache de la barque de Pierre, l’endroit où l’équipée a commencé dès la fin du shabbat, et où elle rentre dès le lendemain, pour le travail de la semaine qui commence. Ils ont d’ailleurs probablement profité du retour pour remplir leurs filets. Les chefs-de-synagogue sont le collège des anciens, comme les grands-prêtres au temple, et comme le presbyterium dans les églises. Et comme un grand-prêtre préside le sanhédrin, un des chefs-de-synagogue préside au collège synagogal, et à Capharnaüm, le président est “le premier des archisynagogôn”. On n’a pas pris assez en considération le fait que Jaïre soit chef de la synagogue (et probablement le premier).     “Du nom de Ya’ir” : Son nom, « l’illuminé », nous ramène à la lumière du jour un (eis), jour qu’évoquait déjà le “un des chefs”. “A qui veut régénérer une Société en décadence, on prescrit avec raison de la ramener à ses origines.” (Léon XIII, Rerum Novarum). Ainsi, dans la lumière des origines, la Synagogue est belle et bonne. Et Ya'ir, prêt à être régénéré, se tient dans cette lumière de Dieu, “Lui qui envoie la lumière et elle part, qui la rappelle et elle obéit en tremblant” (Bar 3:33). A lui, la lumière du dernier jour, donc à nous la lumière sur la Synagogue dont il est le premier des chefs.     Mois 4 jour 15 5:22b. Et le voyant il tombe à ses pieds 23. et il le  supplie beaucoup * en disant : Ma fillette est à la fin * Viens pour imposer les mains sur elle pour qu’elle soit sauvée * et qu’elle vive 24. Et il est s’en est allé avec lui et une foule nombreuse le suivait * et on l’enserrait.   5:22b. “Et le voyant” : “En ta lumière nous verrons la lumière” (Ps 35:10).Ya’ir est illuminé. “Et Dieu vit la lumière : cela est beau” (Gn 1:4).Et cette bouchée se récite à la lumière de la pleine lune. Le Christ fait disparaître le voile sur le visage de Moïse : de la gloire passagère de l’AT à la gloire éternelle du NT, Ya’ir réfléchit désormais la gloire du Seigneur (2Cor 3:8).     “Il tombe à ses pieds” : Comme un ennemi frappé qui ne pourra plus se relever (Ps 17:39). Il faut se rappeler qu’il y a peu, en sortant de la synagogue, les adversaires du Seigneur tenaient conseil contre lui en vue de le perdre (3:6). Mais pour l’amour de sa fille on est prêt à tout ! A réviser son avis, à opérer des révisions déchirantes, et même à perdre sa bonne place, voire à être exclu de sa tribu (cf. Jn 9:22). Quant au Seigneur, de son côté, même s’il “traverse vers l’autre rive” (4:35), il n’abandonne pas son peuple et sa Parole a encore du fruit à donner en Israël (Is 55:11) ; son glaive (Eph 6:17) doit encore frapper (Is 5:22). “Jusqu’à ce que j’aie posé tes ennemis sous tes pieds, domine au milieu de tes ennemis” (Ps 109:1-2).     23 “Et il le supplie beaucoup” : C'est la même prière instante de l’Apôtre pour son peuple (Rm 9:1-3, 10:1-4), « génération déviante » (Ac 2:40). Oui, Jaïre, comme Paul tu as hurlé avec les loups (Ac 9:1), mais maintenant comme lui tu supplies « celui qui sauvera son peuple de ses péchés » (Mt 1:21).     “En disant Ma fillette est à la fin (eschatos)“ : Quand l’ennemi est à tes pieds, c’est sa fin. Or l’Apôtre écrit : “Le dernier ennemi détruit, c’est la mort, car « il a tout mis sous ses pieds »” (1Cor 15:26-27, citant Ps 8:7)… Le mot “dernier” (eschatos), traduit par “à la fin”, est le même qui qualifie la fillette. Il écrit aussi qu’”à la fin (outos pas) tout Israël sera sauvé” (Rm 11:26)… Or il est le premier des chefs-de-synagogue, et sa fille est la dernière (eschatos) ! Il y a analogie entre sa synagogue et sa fillette : en tant que Ya’ir, illuminé, il se doit de la conduire à l’illumination : “Eveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts et t’illuminera… le Christ !” (Eph 5:14) Autrement dit, l’évangéliste lit dans cette guérison (bien réelle par ailleurs !) une comparaison sur la place de l'appel d'Israël par rapport à l'appel des nations dans l’Eglise. Jaïre comme Paul éprouve « grande tristesse et douleur incessante pour ses frères » (Rm 9:2-3) « qui ont buté sur la pierre d’achoppement » (v. 33), alors comme lui il prie pour qu'ils soient sauvés, car il a compris que sans Christ la Synagogue est à sa fin, mais que « la fin (telos) de la Loi, c’est le Christ, pour la justification de tout croyant » (Rm 10:4).      “Viens” : “Maranatha” (1Cor 16:22), « Viens, Seigneur Jésus » (Ap 22:20), le cri des convertis qui leur obtiendra « le temps du répit » et cette « apocatastase » (Ac 3:20-21) qui est la restauration de l’état initial, dans l’amitié divine.     “Pour imposer les mains sur elle” : Imposer les mains est censé transmettre la puissance divine et s’accompagner d’une parole qui transmet la bénédiction divine. Il faut dire que l’homme fut modelé (Gn 2:7) par les deux mains de Dieu, exprimées par la célèbre faute d’orthographe biblique qui met deux yoddim au lieu d’un au verbe modeler. Or yod veut dire main. Les talmudistes y ont lu bizarrement le bon et le mauvais penchant de l’homme ; saint Irénée, lui, plus rationnel, y a lu le Verbe et le Souffle de Celui qui a dit : « Faisons l’homme à notre image » (Gn 1:26). Et donc, si le Verbe fait chair, il est capable de donner la vie (cf. Jn 5:21).     “Pour qu’elle soit sauvée et qu’elle vive” : Par sa foi Ya’ir mérite son nom d’illuminé : ce que Dieu a créé par ses mains, nous dit-il, le Verbe fait chair peut le recréer, en transmettant le Souffle de vie.     24. “Et il s’en est allé avec lui” : Remarquez la différence avec le centurion romain dont l‘enfant fut guéri sur l’heure et sans déplacement. Le Christ, n’ayant pas trouvé une telle foi en Israël, a porté le salut aux nations illico, même sans se déplacer (Mt 8:10-13), en respectant l’usage de ne pas entrer chez les païens (Jn 18:28 ; 11:2). Ce sont ses Apôtres qui feront le pas et franchiront le seuil interdit (Ac 11:1-18). Mais pour l’enfant qui représente Israël, même si son père a foi dans le Messie, il faut un chemin, une longue attente pour le père qui espère sa guérison. Un long chemin qui doit voir passer un autre avant lui…     “Et une foule nombreuse le suivait” : La foule, celle des élus, l’Eglise, parcourt le monde à la suite du Christ pour chercher comme lui la brebis égarée dans la montagne (Mt 18:12). Chacun son tour d’être perdu : autrefois, Israël, tu étais la seule brebis, et les nations étaient les 99 égarées : aujourd’hui c’est l’inverse ! (Rm 11:7, 30-32) « Car Dieu a enfermé tous les hommes dans la désobéissance pour leur faire à tous miséricorde » (Rm 11:32).     “Et on l’enserrait” : A part préparer à l’épisode qui suit, mais je n’ai pas trouvé d’autre sens à cette précision.     Mois 4 jour 16 5:25. Et une femme qui était en écoulement de sang (depuis) douze ans 26. et avait beaucoup souffert de beaucoup de médecins * et avait dépensé tout ce (qu’elle avait) chez elle et n’en avait retiré aucun profit * mais qui allait plutôt de mal en pis 27. ayant entendu parler de Yéshoua * venant dans la foule par derrière a touché son vêtement 28. car elle se disait * Si je touche au moins ses vêtements je serai sauvée   5:25. “Et une femme” : 1° Selon le comput de BF c’est la 2ème femme d’un ensemble de 12, où la belle-mère de Pierre est le début, et Marie-Madeleine « de laquelle il avait jeté dehors 7 démons » (16:9) le sommet, 2° Elle forme aussi un ensemble avec l’homme Jaïre, qui la précède, et sa fille, qui la suit. 3° Elle forme aussi une triade de guérisons avec l’homme Légion et l’enfant, 4° Cette triade fait elle-même pendant aux sept comparaisons (cf. 6:2), 5° La même triade est également le premier des trois niveaux de la guérison du disciple (7 guérisons +1), en un septénaire qui fait suite aux cinq guérisons d’avant l’appel des Douze. 6° Enfin la femme est la septième guérison du groupe des 12+1 guérisons… Bref, six lectures possibles ! En tradition orale, et dans le Souffle Saint, tout est construit comme construit Dieu : “Tu as tout réglé avec nombre, mesure et poids” (Sg 11:20).     “Qui était en écoulement de sang “ : Sang, (héb dam) Adam. “L’âme (la vie) de la chair est dans le sang”, qui ne doit couler que « pour faire sur l’autel le rite d’expiation pour vos vies » (Lv 17:11). Sinon on est impur donc exclu. La femme qui a ses règles est impure sept jours, elle rend impur jusqu’au soir celui qui touche elle, son lit ou son siège, et pendant sept jours l’homme qui couche avec elle. Interdite d’accès au temple, elle doit passer, comme le lépreux, par une purification de huit jours (Lv 15:19-32).     ”Depuis douze ans” : C’est là une exclusion terrible, où l’on voit les limites d’une Loi, qui ne peut tout prévoir et prête le flan à des interprétations abusives et aliénantes, en réduisant cette pauvre femme au statut de païenne. Mais il faut en voir aussi le sens : la vie coule hors de l’homme depuis sa chute, sans être versée sur l’autel du sacrifice de sa chair, et ainsi c’est à tous les impurs que la Loi interdit l’accès à Dieu : « Vous avertirez les israélites afin qu’à cause de leurs impuretés ils ne meurent pas en souillant ma Demeure qui se trouve au milieu d’eux » (Lv 15:31). Or « tout homme est menteur » (Ps 115:2) ; « Corrompus, abominables en toute leur conduite, il n’est aucun qui agisse avec bonté, pas même seul » (Ps 13:1). « Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu » (Rm 3:23). Cette femme exclue du culte représente donc les païens. Mais douze ans, c’est le temps pour l’enfant de devenir pubère, il est sous le pédagogue de la Loi (Ga 3:24), sous le régime des tuteurs et des intendants (Ga 4:1-3), jusqu’au passage à l’âge adulte, comme dans la guérison suivante, qui fera passer la fille du chef de synagogue de l’état de petite-enfant à l’état de jeune-fille.     26. “Et avait beaucoup souffert de beaucoup de médecins” : Il faut lire plus que la satire des Diafoirus de l’époque : en attendant sa renaissance, l’humanité souffre des conséquences du péché, et les thérapies humaines n’ont pu qu’aggraver ses maux et souffrances. Vient enfin le Christ, vrai médecin (Mc 2:17), disant : « Tous ceux qui sont venus avant moi sont des voleurs et des brigands » (Jn 10:8), ceux du moins qui prétendent rendre à l’homme la vie éternelle perdue. “Beaucoup de médecins”, cela signifie comme les pasteurs de Gérasa, l’abondance inefficace, voire dangereuse, des solutions humaines face à l’impureté fondamentale de l’homme, cause de sa mort et de ses maux. Du reste, le médecin ne peut que soigner, c’est Dieu qui guérit, et un bon médecin demandera toujours son aide. On notera que les médecins étaient le plus souvent païens, car un juif ne peut rester pur au contact du sang. Le malade consultait les prophètes (2R 5:3 ; 8:8 ; 20…), quoique le Christ  ait reconnu qu’ils étaient sans honneur dans leur pays (Mc 6:4)…     “Et avait dépensé tout ce qu’elle avait chez elle et n’en avait retiré aucun profit” : La femme quant à elle a essayé les médecins, mettant sa foi en eux au point de se ruiner. Mais la blessure est trop profonde : le sang, c’est la vie, et sa vie s’écoule. Or “Que donnerait un homme en échange de sa vie ?” (Mc 9:37) « Malheur à qui met sa foi en l’homme » (Jr 17:5). L’homme de Gérasa nous montrait les ravages de la volonté propre, la femme quant à elle montre ceux de l’attachement aux biens. Non l’avarice, mais la confiance dans l’argent. Or sa blessure est une besace percée, que nul ne peut combler. En cette femme pleurent tous ceux qui marchent vers la tombe, comme l’Ecclésiaste écrivant son douzième chapitre. Mais son manque est trop profond pour que l’argent le comble : son désir est infini, sa vraie nature est désir de renaissance. « Cherchez d’abord le Royaume et ces choses vous seront ajoutées » (Mt 6:33). Mais l’Homo capax Dei s’est éparpillé dans la multiplicité. « Tu te soucies et t’agites pour bien des choses (beaucoup de médecins), une seule est nécessaire » (Lc 10:41-42). Seule l’union au Dieu un peut unifier. « Béni soit l’homme qui se confie dans le Seigneur, dont le Seigneur est la foi » (Jr 17:7).     “Mais qui allait plutôt de mal en pis” : Plus la bête prise au filet se débat, plus elle s’enserre, et ainsi la vie sans Dieu s’écoule vers la mort. « Rien de nouveau sous le soleil » (Qo 1:9), dit l’ecclésiaste, sous-entendu : le nouveau vient de plus haut que le soleil : « A moins de naître d’en haut (ou : à nouveau) nul ne peut voir le Royaume de Dieu » (Jn 3:3). Je note que demain le calendrier juif ramène la mémoire du veau d’or, intéressant rapprochement.     27. “Ayant entendu (parler) de Yéshoua” : « La foi vient de l’écoute, et l’écoute par une parole du Messie » (Rm 10:17). Et le messie Yéshoua vient du plus haut des cieux. Un mouvement de remontée peut alors s’amorcer : « Du plus haut des cieux il est sorti, et le terme de sa course est au plus haut des cieux : rien ne se dérobe à sa chaleur » (Ps 18:7). C’est-à-dire : « La parole qui sort de ma bouche ne revient pas sans effet » (Is 55:11). Ainsi l’écouter est déjà un choix. Et le choix est le premier niveau du chemin spirituel.      “Venant dans la foule par derrière “ : Deuxième niveau : dans un mouvement persévérant on s’approche et on se mêle au groupe, quelque part on accepte déjà de faire partie d’une nouvelle cité : « J’irai vers le lieu du tabernacle admirable et jusqu’à la maison de Dieu, parmi les chants d’allégresse et d’action de grâce, comme dans la rumeur d’un festin » (Ps 41:5).     ”A touché son vêtement” : Troisième niveau. Elle touche au but car elle a confessé Jésus dans son cœur, et « la foi du cœur obtient le salut » (Rm 10:10).     28. “Car elle se disait Si je touche au moins ses vêtements je serai sauvée” : Elle sait que le toucher de sa main traduit celui de son cœur et que le vêtement dit la personne qui le porte. « Dieu est au-delà de tout », mais c’est par son Grand-Prêtre que tout passe : « La souveraineté est sur son épaule » (Is 9:5), autrement dit son humanité est le vêtement de sa divinité.     Mois  4 Jour 17      Révolte au Sinaï - le veau d’or (Ex 32) 5:29. Et aussitôt s’est desséchée la source de son sang et elle a connu dans son corps * qu’elle était guérie de son tourment 30. Et aussitôt Yéshoua ayant perçu en lui-même la puissance qui était sortie de lui *  s’étant retourné dans la foule disait Qui a touché mes vêtements   5:29. “Et aussitôt s’est desséchée la source de son sang” : Elle a fait le saut de passer d’un médecin de plus (“Je serai guérie”) au Médecin des âmes et des corps (“Je serai sauvée”). Et aussitôt s’est desséchée la source de… l’idolâtrie. Non, Marc ne prend pas parti pour la foi contre la science, et son collège Luc était d’ailleurs médecin (Col 4:14). Mais ici les médecins (et peut-être surtout l’argent) sont l’image des « citernes crevassées qui ne retiennent pas l’eau » (Jr 13:13), des cautères sur jambes de bois, des faux espoirs humains, des veaux d’or (Ex 32) que rappelle ce jour (le 17 du mois 4). Cette guérison est visiblement aussi une relecture d’Ez 16 (sur l’idolâtrie de Jérusalem), dont les parallèles sont saisissants (Ez 16:6, 9, 36, 40). On peut voir dans les médecins « ceux qui s’introduisent dans les maisons et envoûtent des femmelettes chargées de péchés, entraînées par toutes sortes de passions et qui, toujours à s’instruire, ne sont jamais capables de parvenir à la connaissance de la vérité » (2 Tim 3:7). A contrario, le Seigneur combat le mal à la source. Comme Moïse réduisit le veau en poudre, jeta la poudre à l’eau et fit boire le peuple (Ex 32:20, Dt 9:21). Comme Pierre confessera la foi aux sources du Jourdain où était édifié un temple païen (Mc 8:29), « apportant le remède où l’ennemi avait blessé » (Venance).     “Et elle a connu (egno) dans son corps qu’elle était guérie de son tourment” : “Connu” remplace “entendu”. Après ses souffrances, Job confessera : « Je ne te connaissais que par ouï-dire, mais maintenant mes yeux t’ont vu » (Jb 42:33). Une connaissance expérimentale inversement proportionnelle aux souffrances de l’absence, et qui, comme on va le voir, est appelée à grandir.     30. “Et aussitôt Yéshoua” : Le même “aussitôt” que la femme au v. précédent. Celui de la découverte mutuelle dans une rencontre cœur à cœur. « Parce que c’était lui, parce que c’était moi » (Montaigne).     “Ayant perçu (epignous) en lui-même la puissance qui était sortie de lui” : Les deux nouveaux amis n’ont pas tout à fait la même connaissance mutuelle : au lieu de egno, le Seigneur a epignous, une connaissance exhaustive. Elle connaît le résultat, il connaît la cause, en lui-même. C’est la même Puissance (dunamin) du Saint-Esprit que le Seigneur promet aux Apôtres (Ac 1:8). L’exorcisme du gérasénien était un cours sur le baptême, la guérison de la femme décrit la chrismation, avant que la résurrection de la jeune fille nous initie à la communion. Tels sont les trois actes de puissance. Ils répondent aux sept paroles de sagesse pour ceux qui ont suivi le Seigneur dans la barque de l’Eglise. Ici la créature “connaît (egno) dans son corps” le don de l’Esprit, elle fait l’expérience du salut. Le Christ, lui, “perçoit (epigno) en lui-même la Puissance” du Saint-Esprit, dont il va suivre les motions :     “S’étant retourné dans la foule “ : Il continue en se retournant (epistrepho), même mot que se convertir. En quoi le Christ peut-il se convertir ? En ce qu’il suit les motions imprévisibles de l’Esprit qui « scrute les profondeurs de Dieu » (1Cor 2:0) et qui repose sur le Fils (Is 11:2, 61:1) depuis son baptême (1:10) : “Aussitôt le Souffle le jette dehors” (1:12). L’Esprit Saint dicte au Fils la volonté du Père, qui est plus grand que le Fils (Jn 14:28), lequel Fils obéit “aussitôt” : il “reconnaît” (ou perçoit) la Puissance de l’Esprit Saint, et se retourne en disant : “Maintenant je commence : la droite du Très-Haut a changé” (Ps 76:11). “Qui suis-je, moi, pour faire obstacle à Dieu ?” dira de même Pierre (Ac 11:17), ce qui ouvrira aux nations la porte de l’Eglise… sans passer par la Synagogue. Ici même processus : la fillette que le Seigneur était en train d’aller guérir, c’est la Synagogue. Mais voilà : “La droite du Très-Haut a changé”, c’est pourquoi il se retourne. Il se jette vers les impurs qui le réclament, lui le médecin qui n’est pas venu pour les justes, mais pour les pécheurs (2:17). Il laisse les 99 sur la montagne (Mt 18:12).     ”Disait Qui a touché mes vêtements” : Il sait tout mais ayant compris par la motion de l’Esprit la volonté du Père, il réclame désormais la confession de foi de celle qui a « obscurci ses plans » (Jb 38:2). Ainsi le même qui dit à Job « Qui est celui-ci qui obscurcit mes plans par des propos dénués de sens » est le même qui juste après dit le contraire à ses amis : « Vous n’avez pas parlé de moi avec droiture comme mon serviteur Job » (42:7). Qui, soit dit en passant, n’est pas un juif… La femme, elle, est probablement juive, mais, étant impure, elle est « hors du camp », donc réduite au statut d’étrangère. Et le Seigneur en la rendant pure l’a réintégrée à Israël en remplaçant ses multiples médecins par le seul Dieu. Mais c’est à un Israël plus pur qu’il veut l’intégrer et c’est une connaissance de Dieu plus pure qu’il veut lui révéler : c’est dans l’Eglise qu’il veut l’intégrer et c’est dans la Trinité qu’il veut qu’elle progresse intérieurement par une confession extérieure. Du cœur aux lèvres, de l’âme au corps,  sa renaissance est en route, par le don de l’Esprit. « Mon cœur s’est échauffé au-dedans de moi, dans ma méditation brûla un feu, j’ai parlé avec ma langue » (Ps 38:4). Ainsi la Divinité se communique aux hommes et son expérience devient transmissible. Et quelle est-elle ? Eh bien, la source d’impureté s’est tarie, et de la source du Père a jailli l’Esprit par la médiation du Fils (1Tim 2:5) : le fleuve de l’Esprit a coulé du sein du Fils (Jn 7:38) dans le sein de la femme et maintenant il remonte vers la source (Ps 113:5) qui est le Père, ramenant avec lui la brebis égarée (Mt 18:12-14).     Mois 4 jour 18 5:31.Et ses appreneurs lui disaient Tu regardes la foule qui t’entoure * et tu dis Qui m’a touché Et il regardait autour de lui * pour voir celle qui avait fait cela   5:31. “Et ses appreneurs lui disaient Tu regardes la foule qui t’enserre et tu dis Qui m’a touché” : « Lui qui connaît toutes choses a connaissance de chaque voix » (Sg 1:7). Derrière l’humour évangélique, l’invitation à entrer dans le mystère trinitaire, où d’un côté le Fils agrège en son Corps la foule qui l’entoure, et, de l’autre, la puissance  de l’Esprit qui sort de lui donne un nom et une place irremplaçable à chacun. Le Fils est le Corps de Dieu où l’homme entre par le baptême, et l’Esprit est la puissance sacramentelle invisible aux hommes, onction pénétrante se révélant uniquement par la foi à ceux qui ont foi (cf. 1Sam 16:7). Ce corps visible, c’est le vêtement qui enveloppe la nature invisible et inscrutable de Dieu, et celui qui le touche avec foi montre sa foi par ses œuvres (Jc 2:18) et en fait sortir la puissance de l’Esprit : « Le Seigneur se revêt de puissance » (Ps 92,1), “Le règne de Dieu vient avec puissance” (Mc 9:1), et “ses vêtement deviennent étincelants” (9:3). Mais qui le verra, sinon « les témoins choisis d’avance » (Ac 10:41) ? « Qui a cru ce que nous entendions dire, et le bras du Seigneur, à qui s’est-il révélé ? » (Is 53:1) L’Eglise doit apprendre à distinguer, ses yeux doivent s’habituer à la lumière du Thabor. On ne voit qu’un pauvre homme « sans beauté ni éclat » (Is 53:2) et on se demande : « Qui est-il celui-là qui va jusqu’à remettre les péchés ? » (Lc 7:49) C’est le mystère de l’Eglise, Corps du Christ qui contient la Puissance, c’est-à-dire la grâce incréée de l'Esprit.     32. “Et il regardait autour de lui pour voir celle qui avait fait cela” : Il regardait pour voir. Et pour montrer. Après son œuvre, il veut encore poser le regard sur elle, ce regard qui confère la beauté (« Et Dieu vit : cela était beau » (Gn 1:4). « Je te vis te débattant dans ton sang, et je te dis “Vis” » (Ez 16:6, lire 7-14). C’est le regard de l’Esprit-Saint qui veut faire monter la nature humaine jusqu'à l’asseoir “à la droite de la Puissance” (Mc 14:62). Et puis son regard veut restaurer le dialogue avec sa créature, Quand il souffla son haleine et qu’elle devint âme vivante (Gn 2:7), c’est-à-dire gorge confessante.   Mois 4 jour 19 5:33. Or la femme craignant * et tremblant sachant ce qui lui était advenu est venue * et est tombée-devant lui et lui a dit toute la vérité 34. Celui-ci lui a dit * Fille ta foi t’a sauvé pars en paix * et sois-assainie de ton tourment   5:33. “Or la femme craignant et tremblant” : La femme qui “a connu dans son corps qu’elle était guérie”, en même temps que le Seigneur a connu « le désir de l’Esprit, vie et paix » (Rm 8:6), c’était l’économie de l’Esprit Saint. Place maintenant à l’économie du Fils, dont la mission est d’intégrer dans la bonne terre de son Corps les semences de l’Esprit. C’est ce désir qui L’a fait manifester sa recherche par sa volte-face et sa question à voix haute dans l’assemblée des disciples (cf. Si 15:5), afin qu'un nouveau membre y soit admis à son tour, en présence de tous. Cet interrogatoire aussi suscite en la femme crainte et tremblement, car cette question signe la fin de douze ans d’exclusion et inaugure une nouvelle vie “dans son corps”, corps non seulement physique, mais social. Reconnaître l’action de Dieu en soi est comme un baptême, et suscite déjà crainte et tremblement, mais être appelé à le confesser devant les autres est un nouveau pas, un « amen » qui est la confirmation du baptême (2Cor 1:20-22).     “Sachant ce qui lui était advenu” : En fait, c’est “voyant” qui est écrit (cf. 4:24), au sens peut-être ici de “réalisant” (cf. “Voyez ce que vous écoutez”, 4:24) : elle arrive grâce à la question du Seigneur à comprendre, à comparer l’avant et l’après, à le formuler et donc à transmettre son expérience, ce qui est important dans une thérapie qui se conclut par une initiation à l'apostolat (cf. Ps 77:6).     “Est venue” : « Qui fait la vérité vient à la lumière pour que soit manifesté que ses œuvres sont faites en Dieu » (Jn 3:21). Elle qui était derrière passe devant. Il faut dire que le Seigneur l’a déjà aidée en se retournant ! « Il nous a aimés le premier » (1Jn 4:19).     “Et est tombée-devant lui” : Le fait de tomber-devant lui marque un progrès dans la (re)connaissance : « Ce que j’ai connu dans ma chair est dû à ton action qui me dépasse ». Tomber devant lui marque comme pour Jaïre la défaite, la fin de l’inimitié, donc l’entrée de la femme dans le Sanctuaire, entrée qui lui était fermée depuis douze ans. Et en même temps cela marque l’unité retrouvée entre la Synagogue et les « exclus de la cité d’Israël » (Eph 2:12) « Paix pour vous qui étiez loin et paix pour ceux qui étaient proches », prophétise Isaïe (57:19), commenté par Paul : « Par lui nous avons, tous deux en un seul Esprit, libre accès auprès du Père » (Eph 2:18). Relire Eph 2:11-18.    “Et lui a dit toute la vérité” : C’est “devant lui”, et non devant les autres qu’elle tombe, mais en même temps elle se dévoile aux autres. Sans respect humain, elle “dit”. Or la vérité, c’est le dit qui colle à la réalité, mais c’est aussi le Verbe, le Christ lui-même (Jn 14:6), « Mon témoignage est vrai » (Jn 5:31). C’est celui du Seigneur, « Car c’est toi qui agissais » (Ps 38:10). Cf. Ph 2:13. Aussi « Je te confesserai dans l’assemblée » (Ps 110:1), « J’acquitterai mes vœux au Seigneur devant tout son peuple » (Ps 115:9). Et par là elle devient partie prenante de la foule nombreuse qui le suivait et l’entourait. Du nouveau sanctuaire. Elle qui était dernière dans la Synagogue, qui était venue par derrière, elle est première dans l’Eglise, et repartira par devant, tête haute, avec le tambourin comme Myriam (Ex 15:20). Elle accomplit le Shéma Israël : elle a entendu le Seigneur, l’a aimé, a gardé Sa Parole, et l’a transmise (Dt 6:4-8).      34. “Celui-ci lui a dit Fille ta foi t’a sauvée” : De fait, il l'appelle fille : fille d'Abraham dans le Corps du Christ, fille du Père céleste, renée non par la chair, non par les œuvres, mais par la foi, et sœur des disciples frères du Christ (3:35). Perdue pour la synagogue, elle est sauvée dans l’Eglise, pauvresse possédant le Royaume, douce héritant la terre, endeuillée consolée, affamée et assoiffée rassasiée, pure de cœur et pacificatrice… (Mt 5:3-9)     “Pars” : S'ouvre devant elle la voie spirituelle de l’Eglise, le temple d’où elle était exclue, d’abord la purification du vestibule, puis l'illumination du saint, enfin l'union du Saint des saints.     “En paix” : La paix que je t’apporte est celle du Messie (Ps 71), « plénitude de paix jusqu’à ce que disparaisse la lune » (Ps 71:7). « Le lieu où il réside, c’est la paix, et sa demeure est en Sion ; là il a brisé la force de l’arc, l’épée, le bouclier, la guerre » (Ps 75:3-4). « Il fera cesser les combats jusqu’au bout de la terre. » (Ps 45:10). « Ma paix, non comme le monde la donne, je te la donne » (Jn 14:27).     “Et sois-assainie” : La source de son sang (5:29), source du tourment, devient source de bénédiction, « par un sang purificateur plus éloquent que celui d'Abel » (Hé 12:22-24). 'Assainir' me rappelle l'eau du sanctuaire qui se déverse dans la mer Morte « dont elle assainit les eaux » (Ez 47:8). Lire tout le chapitre donnera une idée de cette bénédiction : c'est la vie selon l'Esprit, source d'eau vive (Jn 7:37-39).      “De ton tourment” : Le sens premier de mastix (tourment), c'est fouet (Ac 22:24, Hé 11:36), fléau à battre, d'où fléau, plaie, mal, calamité (Mc 3:10)… Plus de tourment. On tourne la page. Une voie de salut s'ouvre, donc la voie de perdition se ferme. La vie selon la Loi de l'ancien temple entraînait tourment, plaie, pour les impurs, c'était l'eau du Nil changée en sang, imbuvable (Ex 7:14-25). La loi du temple nouveau, fondée sur le sacrifice du Christ, assure la purification, moyennant la foi. Comme l'eau de Mara assainie par le bois figure de la Croix (Ex 15:23-25). “Ceci est mon sang de l'alliance, versé pour beaucoup” (14:24).     Mois 4 jour 20 5:35. Et comme il parlait encore * on vient de chez le chef de synagogue en disant Ta fille est morte * pourquoi fatigues-tu encore le maître ? 36. Or Yéshoua ignorant la parole qui est dite * dit au chef de synagogue Ne crains pas * aie foi seulement   5:35. “Et comme il parlait encore on vient de chez le chef de synagogue en disant : Ta fille est morte” : En même temps que le Seigneur annonce le salut de la femme on annonce la mort de la fille, comme une seule et même parole. Comme chantait Anne : « Le Seigneur fait mourir et vivre, fait descendre aux enfers et en ramène » (1Sam 2:6). Non point par lubie tyrannique, car il en fut de même pour le Fils de Dieu : « Comme il parlait encore survient Judas, de chez les chefs-des-prêtres » (14:43). C’est-à-dire : le même qui s’est vidé et abaissé jusqu’à la mort est surexalté (Ph 2:7-9). N’en serait-il pas de même pour ses élus ? Il y a dans ce détail de Marc toute la question de l’inclusion de la septième guérison dans la huitième. Et le début de l’explication de ce mystère : pourquoi la guérison de la femme prend-elle inopinément la place de la guérison de la fillette ? Parce que, comme il dit : « Pour un jugement je suis venu dans le monde : Pour que ceux qui ne voient pas voient et que ceux qui voient deviennent aveugles » (Jn 9:39). Mais « Cette maladie n’est pas pour la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que le Fils de Dieu soit glorifié par elle » (Jn 11:4). C’est-à-dire qu’Israël doit lui aussi mourir et ressusciter…     “Pourquoi fatigues-tu encore le Maître” : Cruelle politesse qui évoque “Celui que j’embrasserai c’est lui” (14:44) : le même baiser de la mort qui est donné au Christ et est donné à celui qui voudrait que ne meure point sa fillette la synagogue. Car Jaïre est l’image de l’Apôtre immensément triste de ce que son peuple soit “à la fin” (Rm 9:2-3), et le Christ porte aussi cette tristesse usque ad mortem au jardin (14:34). Il s’est tant fatigué pour lui : « J’ai tendu tout le jour mes mains (sur la croix) vers un peuple rebelle » (Is 65:2, Rm 10:21).     36. “Or Yéshoua ignorant la parole qui est dite” : Car pour lui, “La petite enfant n’est pas morte mais elle dort”. Cf. 1Th 4:13-16. « Il ne craint pas la parole de malédiction » (Ps 111:7). Cf. Jn 11:25. « Il réduisit à néant Israël » (Ps 77:59), tout en disant « Je laisserai subsister en toi un peuple humble et modeste » (So 3:12). Ainsi, « Que sera leur admission, sinon une résurrection d’entre les morts ? » (Rm 11:15)     “Dit au chef-de-synagogue Ne crains pas aie-foi seulement” : Ne crains pas… la mort. Selon l’ancienne économie, tu ne pouvais que craindre la mort, étant sous la domination du diable (Gn 3:19, 6:3, Sg 2:24). Mais « Puisque les enfants avaient en commun sang et chair, il y participa afin de réduire à l’impuissance par sa mort celui qui a la puissance de la mort, c’est-à-dire le Diable, et d’affranchir ceux qui étaient tenus esclaves par la crainte de la mort » (Hé 2:14-15). Ainsi, selon la nouvelle économie, « Si ton cœur croit que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, tu seras sauvé » (Rm 10:9). Bref, il fallait que la Synagogue meure, comme le Christ est mort, et que l’Eglise des nations, qui était la femme impure, prenne sa place, la septième, en « entrant dans son repos » (Hé 4:3). Le faux pas de l’une a fait la richesse de l’autre (Rm 11:12). Mais le Christ est mort et, au huitième jour, est ressuscité. De même, « Une partie d’Israël s’est endurcie jusqu’à ce que soit entrée la totalité des païens, et ainsi tout Israël sera sauvé » (Rm 11:25). Ainsi Israël, que Dieu appelle « mon fils premier-né » (Ex 4:22), doit être configuré au Christ, donc mourir, ressusciter et retrouver sa place dans le concert des nations, à l’égal de Sodome et Samarie (Ez 16:53). Ezéchiel (16:46-63) montre clairement cette nouvelle économie où tous les pécheurs, juifs ou goïm, seront réintégrés égalitairement dans l’alliance éternelle. Par la même foi (Mc 5:34, 36), « Car Dieu ne fait pas acception de personnes » (Dt 10:17, Ac 10:34). « Il a enfermé tous les hommes dans la désobéissance pour leur faire à tous miséricorde » (Rm 11:32). « Je ferai aux peuples des lèvres pures, pour qu’ils puissent tous invoquer le nom du Seigneur et le servir sous un même joug » (Soph 3:9). « Une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père » (Eph 4:5-6).     Mois 4 jour 21 5:37. Et il n’a laissé personne l’accompagner sinon Kéipha et Ya’akov * et Yohanân le frère de Ya’akov 38. Et il vient à la maison du chef de synagogue et il aperçoit le tumulte * et ceux qui pleuraient et se lamentaient beaucoup 39. Et entrant il leur dit Pourquoi faites-vous du tumulte * et pleurez-vous La petite-enfant n’est pas morte * mais elle dort  40a. Et on se riait de lui   5:37. “Et il n’a laissé personne l’accompagner sinon Kéipha et Ya’aqov et Yochanan le frère de Ya’aqov” : Il y a probablement ici une question de politesse (ne pas débarquer à treize en des circonstances douloureuses), mais aussi un mystère, que nous avons évoqué, qui dépasse les guérisons précédentes, et que le Seigneur veut révéler prudemment. Le passage du 7 au 8 est toujours un saut. On voit donc là jouer pour la première fois son trio de tête aux noms nouveaux, la Pierre et les fils du Tonnerre, que j’ai identifiés comme un nouveau Sinaï où la voix de tonnerre de l’Esprit s’inscrit dans la pierre vivante du cœur des croyants (cf. 2Cor 3:3). En même temps il évoque “et le laissant ils se sont tous enfuis” (14:50), où le Christ partira seul affronter les forces de la mort, car seul il a le pouvoir de la vaincre.     38 “Et ils viennent à la maison du chef-de-synagogue” : Si la maison du chef-de-synagogue est donc bien la Synagogue, ou la Loi, sa fillette morte représente les enfants soumis à la Loi, donc condamnés à mort à cause de leurs péchés que la loi ne peut effacer, donc “liés dans la maison du fort” (Mc 3:27).     “Et il aperçoit le tumulte et ceux qui pleuraient et se lamentaient beaucoup” : Et soudain j’ai aperçu là une image saisissante de… l’enfer !     39. “Et entrant” : Et le Sauveur qui entre pour les délivrer ! « Elevez-vous, portes éternelles ! Qu’il entre, le roi de gloire ! » (Ps 23:7).     “Il leur dit Pourquoi faites-vous du tumulte et pleurez-vous” : « Femme, qui cherches-tu, pourquoi pleures-tu ? », dira-t-il à la Madeleine (Jn 20:15). « Pourquoi cherchez-vous le vivant parmi les morts ? » (Lc 24:5) Ce pourquoi répond au “Pourquoi fatigues-tu le Maître ?” Il n’appelle pas de réponse mais un choix : “Je mets devant toi vie et mort : choisis donc la vie” (Dt 30:19). Crainte, larmes, cris, pleurs, fatalisme pour l’un ; et, pour l’autre, “Ne crains pas, aie foi”.     “La petite-enfant n’est-pas-morte mais elle dort” : En tout état de cause, cris et larmes de deuil ne conviennent pas. « Nous ne voulons pas que vous soyez ignorants au sujet des morts ; il ne faut pas que vous vous désoliez comme les autres qui n’ont pas d’espérance, puisque nous croyons que Jésus-Christ est mort et ressuscité » (1Th 4:13). Et en même temps le mystère de la résurrection ne doit être montré qu’« aux témoins choisis d’avance » (Ac 10:4), ici le “Rocher” chargé d’abreuver le peuple et les “fils du Tonnerre” chargés de la tonitruante annonce heureuse : « Il guérissait tous ceux qui était au pouvoir du Diable, et nous a enjoints de proclamer au peuple et d’attester qu’il est, lui, le juge établi par Dieu pour les vivants et les morts, et qui croit en lui aura rémission des péchés » (Ac 10:38-43).     “Et on se riait de lui” : Les rieurs du psaume premier sont sur la voie qui se perd, c’est le conseil de ces impies qui ne se relèveront pas au jugement. Au contraire, dit Salomon, « Ils appellent la mort du geste et de la voix, jusqu’à pactiser avec elle, dignes qu’ils sont de lui appartenir » (Sg 1:16). Le chapitre suivant les montre prêts à tuer le Fils de Dieu (Sg 2). Marc nous montre dans ces rieurs désespérés les mêmes pharisiens qui tenaient conseil contre lui en vue de le perdre (3:6).     Mois 4 jour 22 5:40b. Or lui les ayant tous jetés dehors prend avec lui  le père de la petite enfant * et la mère et ceux qui sont avec lui et ils entrent à l’intérieur là où se trouvait la petite enfant * 41. et ayant saisi la main de la petite enfant il lui dit  Talitha Qoum  ce qui se traduit * Jeune fille je te dis Réveille-toi !   5:40b : “Or lui les ayant tous jetés-dehors” : « Bienheureux l’homme qui ne siège pas au siège des rieurs » (Ps 1:1). Lui ne rit pas. Probablement traduire “jeter dehors” est-il trop fort, et “faire sortir” aurait-il suffi, mais ce verbe d’ordinaire réservé aux démons montre l’emprise dont le Seigneur veut libérer la maison du chef-de-synagogue ; cette maison, c'est « tous ceux qui par crainte de la mort étaient retenus dans la servitude » (Hé 2:15). Or « C’est par l’envie du diable que la mort est entrée dans le monde » (Sg 2:24). De même il “jettera dehors” vendeurs et acheteurs du temple (11:15), le reconsacrant à Dieu. Car “tous” désigne non seulement les rieurs, mais “ceux qui pleuraient et se lamentaient” : « Il a fait disparaître la mort à jamais, essuyé les pleurs sur tous les visages, ôté l’opprobre de son peuple » (Is 25:8).     “Prend avec lui le père de la petite-enfant et la mère et ceux qui sont avec lui” : Prendre avec lui est l’inverse de jeter dehors. C’est la nouvelle économie, celle de la foi, pour ceux qui sont consacrés à Dieu. C’est le jugement : « Venez, les bénis de mon Père » (Mt 25:34). C’est le cortège triomphal derrière le Sauveur : « Il l’a délivré de la main d’un plus fort ; ils viendront, criant de joie sur la hauteur de Sion, ils afflueront vers les biens du Seigneur, la vierge prendra part à la danse, et ensemble, jeunes et vieux, je changerai leur deuil en allégresse, les consolerai, les réjouirai après leurs peines » (Jr 31:11-13). Lire la suite : les pleurs de Rachel sur ses fils vont cesser (16), Dieu a entendu le gémissement d’Ephraïm qui revient à Dieu (18) ; du nouveau sur la terre : la femme recherche son mari (22), « Je me suis éveillé et je vis que mon sommeil avait été agréable » (26)… Jérémie avait tout vu.     “Et ils entrent à l’intérieur là-où se trouvait la petite-enfant” : Revisitons la première comparaison (3:24-26) : les parages de chez Jaïre, c’est le royaume de la mort (“ta fille est morte, ne fatigue pas le maître”), dont le Seigneur chasse la crainte par la foi. Chez Jaïre même, c’est la maison de la mort (tumulte, pleurs et lamentations), “la synagogue de Satan” (Ap 2:9), dont le Seigneur jette dehors les captifs par l’espérance (“elle n’est pas morte, elle dort”). Et “l’intérieur, là-où se trouvait la petite-enfant” (au fort de ta maison, Ps 127:3), c’est « là-où se trouve le trône de Satan » (Ap 2:13). Là le Seigneur vient renverser le Puissant (Lc 1:52) « assis en personne dans le sanctuaire de Dieu » (2Th 2:4), et “attacher le fort” (Mc 3:27) par la force de l’amour. « J’entrerai chez lui et souperai avec lui » (Ap 3:20). Repas de noces : “Ils entrent à l’intérieur” parce que « toute la gloire de la fille du Roi est au-dedans » (Ps 44:14), et que « le Roi a désiré ta beauté » (id. 12).     41. “Et ayant saisi la main de la petite-enfant” : Le père avait demandé qu’il lui imposât ses mains (5:23). Mais une seule main, sa droite, suffit pour tailler en pièces l’ennemi (Ex 15:6) : « Elle m’a châtié pour m’éduquer, chante le Psalmiste, mais ne m’a pas livré à la mort, et je vivrai pour raconter ces prodiges » (Ps 117:16-18). « Ta droite me saisit : je ressuscite et encore avec toi je suis » (Ps 138:10,18). Cette droite divine saisit la main qui avait pris le fruit et en avait donné à son mari (Gn 3:6), cette main qui était celle d’une enfant que Dieu devait, comme dit saint Irénée, éduquer, et Paul précise « par le pédagogue [c’est-à-dire par la Loi] jusqu’au Christ » (cf. Ga 3:24).     “Il lui dit Talithâ qoum” : Pourquoi des mots araméens ? Il y eut Kéipha et bénei Rig’sha (3:16-17), voici maintenant Talitha qoum, en attendant Korbân et ephphata. Sans parler d’Amen. Leur étude reste à faire. Est-ce une preuve que l’Evangile fut rédigé en grec ? Le plus probable est que les versions araméenne et grecque furent concomitantes dès l’origine, comme les langues des disciples. Et Marc pourrait très bien avoir composé les deux. Il est bien en tous cas de conscientiser qu’une langue ne suffit pas, car il y a une distance entre les mots et les choses, et, comme disait, Henri Meschonnic, « la distance au message fait partie du message ».     “Ce qui se traduit” : En revanche c’est le seul emploi du mot “traduit”, et il me fait l’effet de cette langue nouvelle « avec l’esprit » que devront “traduire” les disciples (1Cor 14:15-16), un des cinq signes qui les accompagneront et qui sont ici peu ou prou réunis : expulser des démons, parler en langues nouvelles, soulever des serpents en main, boire un breuvage mortel sans mal et guérir des malades par imposition des mains (16:17-18).     “Jeune-fille” : Aujourd’hui la petite-enfant devient jeune fille, car « La foi venue, vous n’êtes plus sous un pédagogue, car vous êtes tous fils de Dieu, par la foi dans le Christ Jésus » (Ga 3:25-26). Pour la petite-enfant Synagogue, après le temps de la Loi vient le temps de la Foi en l’Annonce (Mc 1:15) que la jeune fille Eglise devra propager.    “Je dis à toi” : De cette expression récurrente BF conserve l’ordre original des mots pour montrer le Créateur (je) et sa créature (toi) liés par le Verbe (dis). Ici on voit bien cette nouvelle création recevant la vie du Christ. Après que la petite-enfant Synagogue a été « tuée par les paroles de Sa bouche » (Os 6:5), la jeune fille Eglise devra transmettre la parole recréatrice de Dieu.    Réveille-toi“ : « Éveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts, et sur toi luira le Christ » (Eph 5:14). La petite-enfant Synagogue est « baptisée dans la mort du Christ pour que [la jeune fille Eglise] marche dans une nouveauté de vie » (Rm 6:4).     Mois 4 jour 23 5:42. Et aussitôt la jeune fille s’est relevée * et elle marchait c’est qu’elle avait douze ans Et aussitôt ils ont été hors d’eux-mêmes * dans une grande terreur 43. Et il les a avertis avec insistance que personne ne sache cela * et il dit de lui donner à manger   5:42. Et aussitôt”: Le aussitôt marcien, c’est « Il a dit, et tout a été fait » (Ps 32:9). L’Esprit qui planait (Gn 1:2) est descendu en Christ (Mc 1:10) pour « donner la vie à vos corps mortels »  (Rm 8:10-11).     “La jeune-fille s’est relevée” : Il a dit “Jeune fille”, et elle a été faite jeune fille aussitôt. “Jeune fille” veut dire pubère, donc nubile, capable d’enfanter donc de se marier. Saisir la main a d’ailleurs une dimension nuptiale (« demander sa main »). « Il voulait se la présenter à lui-même toute resplendissante » (Eph 5:27). Bien sûr, c’est d’abord une dimension de relèvement : quand il saisira ma main, « De terre je surgirai et dans ma chair je verrai Dieu mon rédempteur » (Jb 19:25). Comme au dernier jour, « en un instant, en un clin d’œil, au son de la trompette finale, les morts ressusciteront » (1Cor 15:52). Mais c’est aussi une dimension nuptiale. C’est ce psaume 44 où « le plus beau des enfants des hommes », « le Puissant », « marche en vainqueur et règne ». Il règne sur la mort, « puisque son trône est éternel », et ensuite, embaumé d’Esprit Saint, il épouse la Reine. Cette jeune fille relevée, c’est le peuple qu’il a ressuscité des morts, dont la Synagogue est appelée à faire partie.     “Et elle marchait” : Après la mort et le relèvement qui sont son baptême en Christ, la marche exprime sa vie dans l’Esprit, sa confirmation par la chrismation de l’Esprit, la persévérance dans la sequella Christi, la suite du Christ.     “C’est qu’elle avait douze ans” : C’est l’âge de la puberté, l’âge minimum du mariage. Ce qui me frappe, c’est le “car”, qui voudrait dire qu’elle est l’épouse du Christ, étant passée par le bain rituel (mikvé) de sa nouvelle naissance (Eph 5:25-27) et marchant dans l’Esprit à la suite du Christ. La vie dans l’esprit a succédé pour elle à la vie d’enfance selon la lettre. Son sang avait commencé à couler dans ses veines il y a douze ans lorsque le sang a commencé à s’écouler hors de l’autre femme (Mc 5:25). Comme Dieu a élu son peuple quand l’iniquité des Amorites a été à son comble (Gn 15:16). Et il a cessé de couler dans la petite-enfant à l’instant où dans la femme impure “s’est desséchée la source de sang” (v. 29), c’est-à-dire qu'à l’instant où les nations ont accédé à Dieu par la foi, la Synagogue s’est fermée au Christ. Mais il dit au père Jaïre l’illuminé “Ne crains pas, aie foi seulement”, car il s’en va avec lui pour guérir sa fille, même si les nations, purifiées, doivent lui passer devant pour accomplir la justice de Dieu. Son sang qui recommence à couler lui permet d’avoir ce qu’ont les femmes, donc d’être au temps venu l’épouse du Christ. Elle a perdu sa septième place de “fiancée du shabbat” au profit des nations, mais sa mise à l’écart n’est que temporaire, et son admission sera au huitième jour une résurrection d’entre les morts (Rm 11:15), prophétisée par la fille de Jaïre.     “Et aussitôt ils ont été hors d’eux-mêmes (exestisan) dans une grande terreur (exstasei)“ : La confrontation avec le huitième jour de la résurrection, jour du monde à venir, met forcément l’homme hors de lui-même (cf. 16:8), puisqu’il fait partie du monde présent. C’est en quelque sorte leur participation au “aussitôt elle s’est relevée”. Terreur (ekstasis) n’est pas la meilleure traduction, car le mot reprend exestisan (ont été hors d’eux-mêmes) pour un redoublement sémitique. On pourrait traduire « Ils se sont extasiés d’une grande extase ».     43. ”Et il les a avertis avec insistance que personne ne sache cela” : Il avait dit qu’elle dormait, certes pour relativiser la mort, mais aussi par humilité, pour éviter un coup d’éclat trop voyant qui n’aurait fait que desservir son action. Il continue dans ce sens. Mais le but est aussi de donner aux trois témoins un germe qui doit grandir en eux dans le secret avant de prétendre donner du fruit. Les trois disciples n’ont pas reçu un enseignement différent des autres, mais ils ont le privilège d'avoir vu au-delà de la mort le royaume, afin de soutenir la foi des autres. Quant aux parents, tels Abraham et Sara (cf. Is 51:1-8), ils ont mission semble-t-il de tenir au milieu de leur peuple incrédule la vraie foi, celle d’Abraham qui vit son jour (Jn 8:56), foi qu’un jour tous leurs compatriotes partageront. Même s'il lui faut attendre cent ans comme Abraham (Gn 21:5). Mais le long psaume 118, à son verset 100 (du Ps 118), dit qu’ils auront plus d’intelligence que les vieillards. Car, comme le dit l’adage rabbinique, « point n’est comparable celui qui répète sa leçon pour la 100 et 101ème fois ».     “Et il dit de lui donner à manger” : C’est dans ce secret du Royaume que consiste la nourriture : « Il a nourri les siens de la fleur du froment et du miel du rocher les a rassasiés » (Ps 80:17). Eux qui ont expérimenté la résurrection par le baptême, ils doivent « marcher dans une nouveauté de vie » (Rm 6:4) par la chrismation, et se nourrir de ces arrhes de la vie éternelle que constitue le pain partagé en mémoire de lui (1Cor 11:25). Cette nourriture qu’il a ordonné de prendre, c’est le repas de noces de l’Eglise-Epouse avec l’Agneau, c’est un nouveau sédère pascal, une manducation du récit, un repas de sagesse, une eucharistie et une communion qui constituera ses commensaux en partie prenante de la résurrection, nouvelle sortie d’Egypte et anticipation du Royaume qui entretiendra en eux la force de continuer la marche jusqu’au terme. La sixième guérison, (Légion) appuyait sur le baptême, la septième sur la chrismation et la huitième termine sur l’eucharistie. Les trois sacrements d'initiation sont les trois œuvres de puissance accomplies sur la rive fertile de l'Eglise après les sept comparaisons sur la rive stérile. Mais aussi, si on les regarde à la suite des cinq premières guérisons, ainsi que l’a fait BF, ces trois dernières guérisons ouvrent l’entrée dans la triple voie spirituelle que symbolise les trois niveaux du Temple : purification, illumination et union. Ces trois guérisons ouvrent l’entrée au temple par une triple purification, celle des principales passions humaines : le Seigneur vainc la volonté propre avec l’homme, la confiance aux biens avec la femme et l’attachement affectif avec l’enfant, trois passions qui n’ont pu sauver. Seule la foi au Christ pouvait purifier et guérir. Il reste maintenant à s’habituer à la vie nouvelle, par une illumination que traiteront les guérisons de l’étape suivante (6:7-8:26). Mais il faut auparavant clore l’étape II avec le retour parmi les aveugles qui sont les siens.     Mois 4 jour 24 6:1. Et il est sorti de là * et il vient dans sa patrie et ses appreneurs le suivent 2. Et comme le shabbat était advenu * il a commencé à enseigner à la synagogue et beaucoup étaient frappés en l’écoutant * et ils disaient D’où lui vient cela ? Quelle est la sagesse qui lui est donnée ? * et quelles sont ces puissance-là qui adviennent par ses mains ?   6:1. “Et il est sorti” : Dernier changement de lieu de cette étape d’enseignement, qui dessine comme un chandelier des sept « lieux pédagogiques ». Montagne (3:13), maison (20) et bord de mer (4:1) descendent jusqu’à la barque (36), puis autre rive (5:1), synagogue (6:2), et route remontent la pente. La route est évoquée au début de l’étape III, Elle répond à la montagne, la synagogue à la maison et le bord de mer à l’autre rive. Et au centre la barque. J’ai cru pouvoir placer les guérisons 7 et 8 sur l’autre rive (d’après 5:21), dan cette construction qui veut montrer la globalité de l’enseignement du Seigneur, maître de la Sagesse.     “De là” : C’est-à-dire du lieu symbolique de l’autre rive, celle de la vision de foi qui permet de voir les merveilles de la puissance divine. Quant au lieu matériel, il s’agit très probablement de Capharnaüm, où Pierre et les autres ont rapatrié leurs barques, et où Jaïre devait être chef de synagogue.     “Et il vient dans sa patrie” : Selon Marc, “Il est venu de Nazareth de Galilée” (1:9) pour être baptisé au Jourdain en Judée. Puis, après 40 jours au désert (au Deir el Quruntul près de Jéricho), “il est venu en Galilée” (1:14), au port de Capharnaüm, hébergé “dans la maison de Simon et André” (1:29), mais “clamant dans toutes leurs synagogues dans toute la Galilée” (1:39). Il termine donc ici ce tour de Galilée, sa première mission. Les siens étaient “sortis pour le saisir” (3:21), sa mère et ses frères avaient envoyé quelqu’un l’appeler et le chercher, sans succès, car le Seigneur faisait passer avant eux la nouvelle famille de ses disciples (33-35) qui ne l’appelaient ni ne le cherchaient (cf. les trois appels, et Is 65:1). Néanmoins, il n’oublie pas les siens, ceux qui l’ont “appelé” et “cherché” (3:31-32), et à la fin (image de la fin des temps), il se montre à eux. « Après eux tous comme à l’avorton il s’est montré aussi à moi“ (1Cor 15:8), et « Ils regarderont celui qu’ils ont transpercé » (Za 12:10, Jn 19:37).     ”Et ses appreneurs le suivent“ : Lui qui a dit “Venez derrière moi” (1:17) “pour qu’ils soient avec lui” (3:14), il emmène sa pêche, sa havoura (fraternité de disciples) : le maître a toujours quelque chose à enseigner, ne serait-ce que par sa manière de vivre en famille, et gageons que s’il a avec lui ses disciples, c’est pour eux qu’il y va… Sur le thème des deux familles charnelle et spirituelle.     2. Et comme le shabbat était advenu “ : Donc à tout Seigneur tout honneur, on rend d’abord un culte à Dieu, en honorant le sabbat par une assemblée (sens du mot synagogue) d’au moins 10 hommes réunie autour de la Torah et des Prophètes sous l’autorité du hazzan (superviseur, même étymologie qu’évêque).     ”Il a commencé à enseigner à la synagogue” : Le hazzan honore le visiteur en donnant la parole à celui dont “la renommée est sortie partout” (1:28) et qui revient chez lui. « Tout ce qu’on nous a dit être advenu à Capharnaüm, fais-le de même ici dans ta patrie » (Lc 4:23). Mais comment le Seigneur va-t-il trouver sa maison après son voyage ? Seront-ils éveillés ? (cf. 13:35-36). C’est sa dernière visite à une synagogue (cf. 1:22, 3:1), avant l’envoi des Douze (6:7) donc les trois sont un tout. Il y aura de même trois visites au temple (11:11, 15, 27), avant la prophétie de sa destruction (13:2). Or on peut voir dans cette troisième synagogue les siens, dans la deuxième les pharisiens (3:6) et dans la première le souffle impur (1:23). On y reconnaîtra les trois niveaux du temple déchu où le souffle impur a fait sa demeure (royaume divisé, maison divisée et Satan fini), ou les trois terrains stériles de la comparaison. Face à ceux qui veulent le perdre, le Seigneur a construit son temple de pierres vivantes, figuré par les trois terrains fertiles : lui-même à la tête, ses douze hiérarques et la famille de ses disciples. Marc va nous décrire la synagogue des siens et nous apprendre comment agir avec elle.     “Et beaucoup en l’écoutant étaient frappés “ : Comme dans la première synagogue (1:22).                                 ”Et ils disaient D’où lui (vient) cela” : Le motif d’étonnement la première fois était son autorité. Ici, c’est un peu pareil : de qui peut-il avoir appris ce qu’il dit puisque nous l’avons vu grandir ? C’est donc que sa parole est de son invention, non de la tradition, donc il ne faut pas l’écouter.     “Quelle est la sagesse qui lui est donnée et quelles sont ces puissances-là qui adviennent par ses mains” : La péricope de Nazareth résume toute l’étape II par la mention des paroles de sagesse du bord de mer et des actes de puissance de l’autre rive (récités de part et d’autre de l’équinoxe). Un prophète est grand en sagesse (Isaïe) ou en actes (Elie), le Seigneur, lui, a les deux (cf. Ps 32:9). Le disciple, donc le récitant, devra tirer les bonnes conclusions de l’enseignement reçu en cette étape avant de commencer la nouvelle.     Mois 4 jour 25 3. Lui n’est-il pas le menuisier * le fils de Myriam et frère de Ya’akov * et de Yossi et de Yéhouda * et de Shimon et ses sœurs ne sont-elles pas ici * auprès de nous Et ils tombaient à cause de lui   6:3. “Lui n’est-il pas le menuisier” : BF avait d’abord traduit tektôn par charpentier, mais le mot désigne tout ouvrier du bois, et même tout artisan. Jérémias rapporte que les descendants de David, en souvenir de Salomon (2Chr 2), avaient la charge d’approvisionner le temple en bois libanais (le cèdre). J’imagine que tout village avait son spécialiste du bois. Approvisionnement et façon. Le menuisier devait être aussi charpentier, mais chacun construisait lui-même sa maison, voire ses meubles (p. e. la table qui retournée faisait boisseau). L’artisan devait donc quant à lui préparer la poutre faîtière et la livrer, la portant sur ses épaules comme le « patibulum », saisissante image prémonitoire de la Croix, poutre faîtière du temple nouveau, que le Christ a peut-être portée au milieu des siens pour construire une nouvelle maison. Il est intéressant de l’opposer à Paul, le fabricant de tentes, nomade portant la présence divine partout dans l’« œcumène » (la terre habitée, de oikos, maison). « L’Esprit du Seigneur en effet a empli l’œcumène » (Sag 1:7). Toujours est-il que l’œil des nazaréens témoigne de la réalité de l’Incarnation, mais il y a plus à voir dans ce menuisier que ce qu’ils ont perçu.     “Le fils de Miryam et frère de Ya’akov et de Yosseï et de Yehouda et de Shim’ôn et ses sœurs ne sont-elles pas ici auprès de nous” : On ne mentionne pas Joseph, qui a dû mourir une fois sa mission de père terminée, à la majorité de son fils, c’est-à-dire après ses douze ans, Quand celui-ci déclara devoir être aux affaires de son Père (Lc 2:49). Ce qui ne l’empêcha pas de reprendre l’affaire paternelle. Mais 18 ans plus tard les nazaréens, non plus que Marc, ne mentionnent Joseph. Ils mentionnent en revanche sa mère et ses frères, restés hors de la maison de Capharnaüm où étaient admis les Douze et les disciples (3:31). On voit ici l’opposition entre les deux descendances d’Abraham que saint Paul fera étudier aux Galates à travers les figures de Sara et d’Agar (Ga 4:21-31). Les nazaréens veulent ranger de leur côté la famille charnelle du Seigneur : « Ils veulent vous séparer de moi pour vous attacher à eux » (Ga 4:17). Il est vrai que Jean dit que « Même ses frères ne croyaient pas en lui » (Jn 7:5), mais à force il aura raison de leur incrédulité. En lisant Ga 4:12-20, on peut deviner par quelle persévérance. Ainsi Jacques dirigea l’Eglise de Jérusalem et Simon après lui. Mais quant à induire qu’ils sont fils de Marie et de Joseph, ce n’est pas possible, puisque “Marie, mère de Jacques-Ya’akov le petit et de Joset-Yosseï” (Mc 15:40) ne peut être « Marie mère de Jésus »  (Jn 2:1, Ac 1:14) ! Ce serait plutôt « la femme de Clopas » (Jn 19:25), qui pourrait être, lui, le frère de Joseph. Jude quant à lui se dit frère de Jacques (Jd 1), mais non de Jésus. Le terme “frère” (araméen aha, héb ach, grec adelphos) désigne tout parent proche (Gn 14:16…). Quant à la mère du Seigneur, Marc veut montrer  que plus heureuse que les entrailles qui ont porté le Seigneur et les mamelles qu’il a sucées sont ceux qui écoutent la Parole de Dieu et qui la gardent (Lc 11:27-28) Cette parole faite chair (Jn 1:14) est la semence incorruptible (1P 1:23) du nouveau peuple de Dieu qui accueille Jésus chez lui et dont Marie devient la mère (Jn 19:26). Elle n’a donc pas besoin d’autres enfants selon la chair et n’est pas d’ailleurs pas la seule personne consacrée, puisqu’on connaît les nazirs, Jean-Baptiste et Jésus. Et Paul. Et, selon Flavius Josèphe, les esséniens.     “Et ils tombaient à cause de lui” : La venue de l’Emmanuel, selon Isaïe, est pour les siens “un piège, un rocher qui fait tomber” (Is 8:14+), comme le développeront Pierre (1P 2:7-10) et Paul (Rm 10:11). Pierre rejetée des bâtisseurs (Ps 117:22) mais “pierre angulaire, choisie, précieuse” (Is 28:16).     Mois 4 jour 26 6:4. Et Yéshoua leur disait  Un prophète n’est pas sans-honneur * sinon dans sa patrie et dans sa parenté * et dans sa maison   6:4. “Un prophète” : Le premier prophète, en Marc, c’est Isaïe (Mc 1:2), c’est aussi le premier de la série des Prophètes, et c’est celui qui annonça le dernier prophète, Jean le Baptiste (Mc 11:32), qui lui-même annonça “le plus fort que lui” (Mc 1:7). Mais Jésus est-il “un prophète comme l’un des prophètes” (6:15) ? Le “Messie Fils de Dieu” est certainement plus, mais pour ses compatriotes habitués de cette antique institution, il se définit ainsi, ou du moins dans leur lignée, et c’est déjà une bien assez grande révélation. Même si en disant cela il garde l’essentiel « sous le capot ». C’est l’idée de ne pas jeter les perles aux cochons (Mt 7:6), mais d’ouvrir leurs esprits tant que faire se peut à partir de ce qu’ils connaissent. C’est un peu le procédé de la comparaison.     “N’est pas sans honneur sinon dans sa patrie et dans sa parenté et dans sa maison” : Ainsi le prophète est en honneur ailleurs que chez lui. Le parallèle en saint Luc nous montre en effet Elie envoyé à la veuve de Sarepta, au sud de Sidon, et Elisée baptisant un général syrien (Lc 4:26-27). Mais la liste est longue des prophètes assassinés, « d’Abel le juste à Zacharie fils de Barachie que vous avez tué entre le sanctuaire et l’autel » (Mt 23:35). Le Seigneur résumera cette liste avec la comparaison des sept prophètes maltraités, conclue par le huitième, le Fils tué et jeté hors de la vigne (12:1-8). Mais pour l’heure, sans mentionner la tentative d’assassinat qui a conclu la visite à Nazareth (Lc 4:29), Marc veut conclure la série des trois visites du Seigneur à la synagogue. Il y montre trois niveaux du refus. Le premier est celui de la synagogue de Nazareth. C’est celui du blasphème pardonnable des siens (Mc 3:28), qui disaient : “Il est hors de lui” (v. 21). Le deuxième est celui du blasphème des scribes contre l’Esprit Saint (v. 22 et 29), mis en œuvre à la deuxième synagogue par les pharisiens qui l’épient pour l’accuser et sortent en vue de le perdre (3:2,6). Le troisième, c’est le rejet démoniaque manifesté à la première synagogue, en toute connaissance de cause (“Qu’y a-t-il entre nous et toi ? Je sais qui tu es” (1:24). Ce dernier niveau, le 3, ne mérite pas de dialogue, mais l’épitimia, la réprimande (“Jésus l’a rabroué”,1:25). Le niveau 2 a mérité une tentative de dialogue, mais n’a rencontré que le silence, ce qui a provoqué le regard de colère et la tristesse. Mais à Nazareth, le niveau 1 du refus vient d'une soumission à la doxa : on préfère se tromper avec tous qu'avoir raison tout seul, et cette faiblesse fait des nazaréens la proie des élites qui les manipulent grâce au pouvoir de persuasion, de pression, dont elles disposent. A ce niveau du refus, le Seigneur reste « doux et humble de cœur » (Mt 11:29), « se faisant tout à tous pour en sauver à tout prix quelques uns » (1 Cor 9 :22). Ce que nous verrons demain.     “Dans sa patrie et dans sa parenté et dans sa maison” : Le Seigneur détaille à dessein l'entourage du “prophète”, du plus large au plus proche, sur le modèle de l'appel d'Abraham (Gn 12:1), lui-même en réaction à la tour de Babel (Gn 11). Les triades nous sont maintenant familières. Elles manifestent ici l'encerclement qui tend à étouffer la semence de l'Esprit, tels épines, pierraille et oiseaux. Car le prophète est le poil à gratter, l'empêcheur de tourner en rond dans le triple cercle galiléen patrie (race-racines), parenté (famille “élargie”) et maison (famille “nucléaire”). Pensons qu'à la maison même de Jésus « Le père et la mère de l'enfant ne le comprirent pas » (Lc 2:50), qu'en sa parenté « Ses frères (= cousins) ne croyaient pas en lui » (Jn 7:5) et qu'en sa patrie « Il est venu chez les siens et les siens ne l'ont pas reçu » (Jn 1:11). Car « Le désir de la chair ne se soumet pas à la loi de Dieu, il ne le peut même pas » (Rm 8:7). Ainsi Abraham rompt ce cercle étouffant (Gn 12:1), les saints en font autant (Mc 13:14), « l'homme quittera ses père et mère pr s'attacher à sa femme » (Gn 2:24), et le Seigneur lui-même quitte sa mère pour fonder sa nouvelle famille, sur les 12 (Mc 3:13+, Ap 21:14). Lui est la tête, les Douze sont sa parenté, hiérarchie de « princes sur toute la terre » (Ps 44:17) et les disciples sont sa patrie, chrétienté rendue capable de faire la volonté de Dieu (Mc 3:35). Le semeur sème la semence d'un peuple nouveau, fait de personnes libres dans un peuple un. Si l'homme n'entre pas dans cette triple patrie/parenté/maison céleste dans l'Esprit, alors dans sa maison charnelle continuera de régner le diable, dans sa parenté gouverneront les scribouillards tatillons et aliénants au service dudit diable, et sa patrie sera un ramassis de moutons heureux d'être tondus, triade vigoureusement croquée par le prophète (Is 5:13-14). La présente sentence du Seigneur vise une fois de plus à dépasser le cercle d'Israël devenu cercle vicieux et moule désormais trop étroit pour faire lever le Règne de Dieu. Les trois guérisons précédentes, homme, femme et enfant, manifestent cette nouvelle famille « née par la foi, non d'un vouloir de chair, mais de Dieu » (Jn 1:13).     Mois 4 jour 27 6:5. Et il ne pouvait faire là aucun acte-de-puissance sinon imposer les mains sur peu de malades * et les guérir 6. Et il s’est étonné de leur non-foi et faisait-le-tour des villages à la ronde * en enseignant   6:5. “Et il ne pouvait faire là aucun acte-de-puissance” : Litt. “aucune puissance”. C’est « la puissance de l’Esprit-Saint » (Rm 15:13, 19) qui sort de lui (Mc 5:30), par des « démonstrations d’Esprit et de puissance » (1Cor 2:4), sans « la sagesse du langage », mais par « le langage (logos) de la croix, puissance de Dieu pour ceux qui se sauvent, mais folie pour ceux qui se perdent » (id. 18). Car « l’homme Psychique n’accueille pas ce qui est de l’Esprit de Dieu » (id. 14), et ainsi le Seigneur ne peut déployer sa puissance. « Et je les aurai guéris » (Ac 28:27, d’après Is 6:10). Lire Ps 80.     “Sinon imposer les mains sur peu de malades et les guérir” : « Nous avons bien des choses à dire, et difficiles à exposer, car vous êtes devenus lents à comprendre » (Hé 5:11). Aussi « Vous ai-je parlé comme à des êtres de chair, comme à de petits enfants dans le Christ » (1Cor 3:1). L’imposition des mains relève en effet de « l’enseignement élémentaire sur le Christ » (Hé 6:1-2), et le “peu de malades” correspond aux “quelques uns” que Paul cherche à sauver (1Cor 9:22), la partie d’Israël qui ne s’est pas endurcie (Rm 11:25), les « 7000 hommes qui n’ont pas fléchi le genou devant Baal » (id. 4, 1R 19:18), Baal étant « Le dieu de ce siècle qui a aveuglé leur intelligence afin qu’ils ne voient pas briller l’Evangile de la gloire du Christ » (Cor 4:4).     6.“Et il s’est étonné de leur non-foi” : Les nazaréens sont frappés, et lui s’étonne. Jean, de même, s’étonnera d’un grand étonnement (Ap 17:6). De quoi s’étonne-t-il ? De la prostituée assise sur la Bête et dont le nom est Babylone la grande : ce mystère, dit-il, est celui de la grande cité (Ap 17:6,1, 5, 7,18), et cette « grande cité, c’est là même où leur Seigneur fut crucifié » (id. 11:8). Ainsi, ce qui étonne les apôtres, et tous les croyants, et jusqu’au Seigneur lui-même, c’est le mystère de l’endurcissement d’Israël. Or la prostituée tombera (id. 18:2), sera jugée (19:2) et fera place à l’épouse vêtue de lin. Et le lin, c’est les bonnes actions des saints » (19:7-8). Car c’est la même qui ressuscitera, à l’image de son Seigneur, comme on l’a vu avec la fille du chef de synagogue, et comme l’enseigne l’Apôtre des nations : « Que sera son admission, sinon une résurrection d’entre les morts ? » (Rm 11:15) Relisez Ez 16. Et bien sûr Ez 37:13-14 : « Je vous ferai remonter de vos tombeaux, mon peuple, je mettrai mon esprit en vous ».     “Et faisait-le-tour des villages à la ronde en enseignant” : En attendant, comme « le Souffle planait sur les eaux » (Gn1:2), « allant vers le sud et tournant vers le nord, tournant, tournant, allant, le Souffle, et sur ses tours retournant » (Qo 1:6), de même le Christ, abandonné à l’Esprit, « tend tout le jour les mains vers un peuple rebelle » (Is 65:2), parcourant en tous sens le triple cercle de sa patrie, de sa parenté et de sa maison, sans ménager sa peine, “très-troublé et angoissé, triste jusqu’à la mort” (Mc 14:33-34). Je pense que ce verset nous dit ceci : « J’ai gardé le silence depuis longtemps ; je me tais, je me retiens ; comme la parturiente je gémis, je suffoque et je halète tout ensemble : je vais dévaster montagnes et collines et dessécher toute leur verdure, changer les fleuves en îles et assécher les marais ; et je ferai aller les aveugles par une route qu’ils ne connaissent pas, et par un sentier qu’ils ne connaissent pas je les conduirai ; je changerai devant eux l’obscurité en lumière et les fondrières en plats » (Is 42:14-16). Aussi, au début de l’étape suivante, il va déployer l’armée des Douze et lui donner autorité sur les démons (6:7) pour renverser la vapeur dans cette Galilée dont le nom veut dire cercle.     marcophil II

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