Marc, mois 4, jour 25

3. Lui n’est-il pas le menuisier * le fils de Myriam
et frère de Ya’akov * et de Yossi
et de Yéhouda * et de Shimon
et ses sœurs ne sont-elles pas ici * auprès de nous
Et ils tombaient à cause de lui


6:3. Lui n’est-il pas le menuisier : BF avait d’abord traduit tektôn par charpentier, mais le mot désigne tout ouvrier du bois, et même tout artisan. L'exégète Joachim Jérémias rapporte que les descendants de David, en souvenir de Salomon (2Chr 2), avaient la charge d’approvisionner le temple en bois libanais (le cèdre). J’imagine que tout village avait son spécialiste du bois. Approvisionnement et façon. Le menuisier devait être aussi charpentier, mais chacun construisait lui-même sa maison, voire ses meubles (p. e. la table qui retournée faisait boisseau). L’artisan devait donc quant à lui préparer la poutre faîtière et la livrer, la portant sur ses épaules comme le patibulum, saisissante image prémonitoire de la Croix, poutre faîtière du temple nouveau, que le Christ a peut-être portée au milieu des siens pour construire une nouvelle maison. Il est suggestif de l’opposer à Paul, le fabricant de tentes, nomade portant la présence divine partout dans l’« œcumène » (la terre habitée, de oikos, maison). « L’Esprit du Seigneur en effet a empli l’œcumène » (Sag 1:7). Toujours est-il que l’œil des nazaréens témoigne de la réalité de l’Incarnation… sauf qu'il y a plus à voir dans ce menuisier que ce qu’ils ont perçu.

Le fils de Miryam et frère de Ya’akov et de Yosseï et de Yehouda et de Shim’ôn et ses sœurs ne sont-elles pas ici auprès de nous : On ne mentionne pas Joseph, qui a dû mourir une fois sa mission de père terminée, à la majorité de son fils, c’est-à-dire après ses douze ans, quand celui-ci déclara devoir être aux affaires de son Père (Lc 2:49). Ce qui ne l’empêcha pas de reprendre l’affaire paternelle. Mais 18 ans plus tard les nazaréens, non plus que Marc, ne mentionnent Joseph, déjà oublié. Ils mentionnent en revanche sa mère et ses frères, restés hors de la maison de Capharnaüm où étaient admis les Douze et les disciples (3:31). On voit ici l’opposition entre les deux descendances d’Abraham que saint Paul fera étudier aux Galates à travers les figures de Sara et d’Agar (Ga 4:21-31). Les nazaréens veulent ranger de leur côté la famille charnelle du Seigneur : « Ils veulent vous séparer de moi pour vous attacher à eux » (Ga 4:17). Il est vrai que Jean dit que « Même ses frères ne croyaient pas en lui » (Jn 7:5), mais à force il aura raison de leur incrédulité. En lisant Ga 4:12-20, on peut deviner par quelle persévérance. Ainsi Jacques dirigea l’Église de Jérusalem et Simon après lui. Mais quant à induire qu’ils sont fils de Marie et de Joseph, ce n’est pas possible, puisque “Marie, mère de Jacques-Ya’akov le petit et de Joset-Yosseï” (Mc 15:40) ne peut être « Marie mère de Jésus »  (Jn 2:1, Ac 1:14) ! Ce serait plutôt « la femme de Clopas » (Jn 19:25), et ce Clopas pourrait être, lui, le frère de Joseph. Jude quant à lui se dit frère de Jacques (Jd 1), mais non de Jésus, ce qu'il n'aurait pas manqué de signaler. Le terme “frère” (araméen aha, héb ach, grec adelphos) désigne tout parent proche (Gn 14:16…). Quant à la mère du Seigneur, Marc veut montrer que plus heureuse que les entrailles qui ont porté le Seigneur et les mamelles qu’il a sucées sont ceux qui écoutent la Parole de Dieu et qui la gardent (Lc 11:27-28) Cette parole faite chair (Jn 1:14) est la semence incorruptible (1P 1:23) du nouveau peuple de Dieu qui accueille Jésus chez lui et dont Marie deviendra la mère en perdant son fils (Jn 19:26). Elle n’a donc pas besoin d’autres enfants selon la chair et n’est pas d’ailleurs pas la seule personne consacrée, puisqu’on connaît les nazirs, comme par exemple Jean-Baptiste et Jésus. Et Paul. Et, selon Flavius Josèphe, les esséniens.

Et ils tombaient à cause de lui : Eh oui, le même qui vient relever peut aussi faire tomber. Pas facile à assumer, mais inévitable. Qui cherche à tout prix le consensus perd sa saveur et n'est plus bon à rien qu'à être jeté dehors et foulé aux pieds par les hommes“ (Mt 5:13). Ainsi, la venue de l’Emmanuel, selon Isaïe, est pour les siens “un piège, un rocher qui fait tomber” (Is 8:14+), comme le développeront Pierre (1P 2:7-10) et Paul (Rm 10:11). « Pierre rejetée des bâtisseurs » (Ps 117:22) mais « pierre angulaire, choisie, précieuse » (Is 28:16).