Marc, mois 4, jour 17

Révolte au Sinaï - le veau d’or (Ex 32)

5:29. Et aussitôt s’est desséchée la source de son sang
et elle a connu dans son corps * qu’elle était guérie de son tourment
30. Et aussitôt Yéshoua ayant perçu en lui-même la puissance qui était sortie de lui * s’étant retourné dans la foule disait
Qui a touché mes vêtements


5:29. Et aussitôt s’est desséchée la source de son sang : Elle a fait le saut de passer d’un médecin de plus (“Je serai guérie”) au Médecin des âmes et des corps (“Je serai sauvée”). Et aussitôt s’est desséchée la source de… l’idolâtrie. Non, Marc ne prend pas parti pour la foi contre la science, et son collègue Luc était d’ailleurs médecin (Col 4:14). Mais ici les médecins (et peut-être surtout l’argent) sont l’image des « citernes crevassées qui ne retiennent pas l’eau » (Jr 13:13), des cautères sur jambes de bois, de faux espoirs humains, des veaux d’or (Ex 32) que rappelle ce jour (le 17 du mois 4). Cette guérison est visiblement aussi une relecture d’Ez 16 (sur l’idolâtrie de Jérusalem), dont les parallèles sont saisissants (Ez 16:6, 9, 36, 40). On peut voir dans les médecins « ceux qui s’introduisent dans les maisons et envoûtent des femmelettes chargées de péchés, entraînées par toutes sortes de passions et qui, toujours à s’instruire, ne sont jamais capables de parvenir à la connaissance de la vérité » (2 Tim 3:7). A contrario, le Seigneur combat le mal à la source. Comme Moïse réduisit le veau en poudre, jeta la poudre à l’eau et fit boire le peuple (Ex 32:20, Dt 9:21). Comme Pierre confessera la foi aux sources du Jourdain où était édifié un temple païen (Mc 8:29), « apportant le remède où l’ennemi avait blessé » (Venance).

Et elle a connu (egno) dans son corps qu’elle était guérie de son tourment : “Connu” remplace “entendu”. Après ses souffrances, Job confessera : « Je ne te connaissais que par ouï-dire, mais maintenant mes yeux t’ont vu » (Jb 42:33). Une connaissance expérimentale inversement proportionnelle aux souffrances de l’absence, et qui, comme on va le voir, est appelée à grandir.

30. Et aussitôt Yéshoua : Le même “aussitôt” que la femme au v. précédent. Celui de la découverte mutuelle dans une rencontre cœur à cœur. « Parce que c’était lui, parce que c’était moi » (Montaigne).

Ayant perçu (epignous) en lui-même la puissance qui était sortie de lui : Les deux nouveaux amis n’ont pas tout à fait la même connaissance mutuelle : au lieu de egno, le Seigneur a epignous, une connaissance exhaustive. Elle connaît le résultat, il connaît la cause, en lui-même. C’est la même Puissance (dunamin) du Saint-Esprit que le Seigneur promet aux Apôtres (Ac 1:8). L’exorcisme du gérasénien était un cours sur le baptême, la guérison de la femme décrit la chrismation, avant que la résurrection de la jeune fille nous initie à la communion. Tels sont les trois actes de puissance. Ils répondent aux sept paroles de sagesse pour ceux qui ont suivi le Seigneur dans la barque de l’Église. Ici la créature “connaît (egno) dans son corps” le don de l’Esprit, elle fait l’expérience du salut. Le Christ, lui, “perçoit (epigno) en lui-même la Puissance” du Saint-Esprit, dont il va suivre les motions :

S’étant retourné dans la foule : Il continue en se retournant (epistrepho), même mot que se convertir. En quoi le Christ peut-il se convertir ? En ce qu’il suit les motions imprévisibles de l’Esprit qui « scrute les profondeurs de Dieu » (1Cor 2:0) et qui repose sur le Fils (Is 11:2, 61:1) depuis son baptême (1:10) : “Aussitôt le Souffle le jette dehors” (1:12). L’Esprit Saint dicte au Fils la volonté du Père, qui est plus grand que le Fils (Jn 14:28), lequel Fils obéit “aussitôt” : il “reconnaît” (ou perçoit) la Puissance de l’Esprit Saint, et se retourne en disant : “Maintenant je commence : la droite du Très-Haut a changé” (Ps 76:11). “Qui suis-je, moi, pour faire obstacle à Dieu ?” dira de même Pierre (Ac 11:17), ce qui ouvrira aux nations la porte de l’Église… sans passer par la Synagogue. Ici même processus : la fillette que le Seigneur était en train d’aller guérir, c’est la Synagogue. Mais voilà : “La droite du Très-Haut a changé”, c’est pourquoi il se retourne. Il se jette vers les impurs qui l'enserrent, lui le médecin qui n’est pas venu pour les justes, mais pour les pécheurs (2:17). Il laisse les 99 brebis sur la montagne (Mt 18:12).

Disait Qui a touché mes vêtements : Il sait tout mais ayant compris par la motion de l’Esprit la volonté du Père, il réclame désormais la confession de foi de celle qui a « obscurci ses plans » (Jb 38:2). Ainsi le même qui dit à Job « Qui est celui-ci qui obscurcit mes plans par des propos dénués de sens » est le même qui juste après dit le contraire à ses amis : « Vous n’avez pas parlé de moi avec droiture comme mon serviteur Job » (42:7). Qui, soit dit en passant, n’est pas un juif… La femme, elle, est probablement juive, mais, étant impure, elle est « hors du camp », donc réduite au statut d’étrangère. Et le Seigneur en la rendant pure l’a réintégrée à Israël en remplaçant ses multiples médecins par le seul Dieu. Mais c’est à un Israël plus pur qu’il veut l’intégrer et c’est une connaissance de Dieu plus pure qu’il veut lui révéler : c’est dans l’Église qu’il veut l’intégrer et c’est dans la Trinité qu’il veut qu’elle progresse intérieurement par une confession extérieure. Du cœur aux lèvres, de l’âme au corps,  sa renaissance est en route, par le don de l’Esprit. « Mon cœur s’est échauffé au-dedans de moi, dans ma méditation brûla un feu, j’ai parlé avec ma langue » (Ps 38:4). Ainsi la Divinité se communique aux hommes et son expérience devient transmissible. Et quelle est-elle ? Eh bien, la source d’impureté s’est tarie, et de la source du Père a jailli l’Esprit par la médiation du Fils (1Tim 2:5) : le fleuve de l’Esprit a coulé du sein du Fils (Jn 7:38) dans le sein de la femme et maintenant il remonte vers la source (Ps 113:5) qui est le Père, ramenant avec lui la brebis égarée (Mt 18:12-14).