5:9. Et il l’interrogeait * Quel est ton nom
Et il lui dit * Légion est mon nom
parce que nous sommes nombreux
10. et il le suppliait beaucoup * pour qu’il ne les envoie pas hors-du pays
5:9. Et il l’interrogeait Quel est ton nom : Le nom contenant la personne, se nommer ouvre le dialogue. Et nommer l’autre vous donne prise sur lui. Une maladie nommée est à moitié guérie, alors que, disait Camus, « mal nommer les choses ajoute au malheur du monde ». Demander le nom est une coutume des exorcistes. Même si le Seigneur qui fait taire les vents le connaît déjà. Car le dialogue fait là un pas important : l'homme a nommé Jésus, à lui maintenant de se nommer. L'amour ne peut naître qu'à deux. Mais parle-t-il au souffle impur ou à l’homme ? A « l’homme en souffle impur ». L’homme dans le souffle impur. Difficile à séparer, mais… il va falloir le faire. En fait le Seigneur vient de mettre le doigt où ça fait mal.
Et il lui dit Légion est mon nom parce que nous sommes nombreux : Les légions romaines ont conquis le monde par leur nombre et leur efficacité. Au temps d’Auguste elles pouvaient compter jusqu’à 6000 hommes. Que plusieurs démons puissent infester un homme étonne notre science débutante et encore dans l’enfance, mais le Seigneur évoque la possibilité de sept démons en Mt 12:45, et la Madeleine en est un exemple pratique (Lc 8:2). Aujourd’hui le trouble dissociatif de l’identité (T. D. I.) est une pathologie reconnue et on sait que, suite à des traumatismes répétés, des dizaines de personnalités peuvent cohabiter dans le même sujet. Il semble que nombre de cultes païens provoquaient par la torture ces dissociations dans leurs adeptes pour arriver à ce qu’ils croyaient être le Divin. Et qui était plutôt le satanique… Légion le dissocié est une parabole du monde païen idolâtre sous la coupe de ce pseudo-dieu.
10. Et il le suppliait beaucoup pour qu’il ne les envoie pas hors du pays : C’est quand même bien parallèle à son “Je t’adjure par Dieu, ne me torture pas”. Hier j’écrivais que c’était la présence du Christ qui lui était une torture, mais il semble dire ici que la torture serait de quitter le pays (chora, étendue de terre). En fait, c’est la même chose : « Quel accord entre Christ et Bélial ? » (2Cor 6:15) Marc va décrire, à travers cet exorcisme, en parallèle avec Is 14, le jugement du prince de ce monde. Certes, c’est par la croix qu’il va être jeté dehors (Jn 12:31), mais « c’est dès maintenant le jour du salut » (2Cor 6:2). Il va lui falloir quitter le pays, le champ de ce monde (Mt 13:38) qui est son domaine (Gn 3:1), car « en ce jour le Seigneur va transpercer le serpent fuyard » (Is 27:1), et par la venue du Messie « le pays sera rempli de la connaissance de Dieu comme les eaux couvrent le fond de la mer » (Is 11:9). Le souffle impur doit sortir de l’homme, mais il redoute par-dessus tout la présence de Dieu. D’où sa torture : « Où m’enfuir loin de ta face ? » (Ps 138:7).