Marc, mois 3, jour 30

4:37. Et advient un grand tourbillon de vent
et les vagues se jetaient dans la barque * au point que la barque se remplissait déjà

38a. et lui était dans la poupe * dormant sur le coussin

4:37. Et advient un grand tourbillon de vent : La Mer de Galilée est réputée pour ses tempêtes violentes dues aux différences de température avec les hauteurs environnantes. Le mot “tourbillon” (lailaps) désigne des vents dévastateurs allant en tous sens. De quoi ébranler la foi des marins : garderont-ils le cap dans ces ténèbres ? Parce qu’en plus, c’est la nuit. La nuit… de la foi. Ce “vent” (anemos) n’est en tous cas pas le “souffle” (pnevma), mot réservé à l’Esprit Saint. C’est un esprit démoniaque. Chemin semé d’embûches que celui qui passe de la figure de ce monde à la réalité du Royaume. « Quand on se convertit au Seigneur le voile est enlevé » (2Cor 3:16), mais aussitôt le prince de ce monde se dresse contre ceux qui ont l’audace d’échapper à son emprise. Quand on s’éloigne du Seigneur, le Seigneur réagit : « Le Seigneur leva un satan contre Salomon » (1R 11:14). « Le Seigneur souleva un grand souffle sur la mer » (Jon 1:4). Mais quand on retourne à Dieu, Satan réagit aussi : Quand le Christ au Jourdain ouvre le ciel, il doit affronter Satan au désert (Mc 1:10,13). De même, à la suite du Christ, l’Église affronte Satan dans les eaux de la mer. Venant d’être formée (3:13+) en trois étages à l’image de l’arche de Noé (Gn 6:16), et de recevoir le grand enseignement décrivant l'Exode vers la belle terre promise (4:1+), elle laisse la foule (4:36) qui refuse. « L’espoir du monde se réfugie sur un radeau et, piloté par ta main, laisse aux siècles futurs le germe d’une génération nouvelle » (Sg 10:4). Satan est forcément là pour éprouver cette belle espérance.

Et les vagues se jetaient dans la barque : Le bois permet de traverser l’eau en nous permettant de flotter sur elle. Or Matthieu (8:24) précise que la barque était couverte par les vagues, donc ce ne sont pas quelques vaguelettes : on est tout près de couler. Au jour 3, la terre avait surgi de la mer (Gn 1:9), et ici la nouvelle terre, l’Église, est près de retourner au fond de la mer d’où le Seigneur avait tiré les Quatre. Comme les hébreux qui voulaient retourner en Égypte (Ex 16:3). Il est vrai, on vient de le voir, que l’Église a suivi le Christ, et s’est séparée de ceux du dehors, des trois terrains stériles, mais il y a loin de la bouche au cœur et du cœur aux mains. C’est du moins ce qu’affirme Pierre (2P 1:5-10), ce que condamne Paul (1Cor 5:1-5), et ce que relève Marc : “Advienne une oppression ou une persécution, aussitôt cela les fait tomber” (4:17). Jean voit plus loin, en disant : « L’Esprit n’avait pas encore été donné » (Jn 7:39), ce qui peut expliquer les choses : Oui, “à vous a été donné le mystère du règne”, mais « il faut passer par bien des tribulations pour y entrer“ (Ac 14:22).

Au point que la barque se remplissait déjà : L’Église se remplit de la rumeur du monde (“les soucis du monde présent et la tromperie de la richesse et les désirs pour tout le reste”), alors que Paul dit : “Qu’elles ne soient même pas nommées parmi vous” (Ep 5:3). Déjà que le vent démoniaque fait aller la barque en tous sens, voilà qu’en plus, à l’intérieur de l’Église, on vit encore comme dans le monde ! L'eau aura du moins la vertu de nettoyer cela.

38a. Et lui était dans la poupe : La barque de pêcheur comprend une cale pour entreposer le poisson. Jésus laisse faire le timonier : “Comme un homme en voyage qui a donné autorité à ses esclaves” (Mc 13:34), il passe la nuit comme un passager, dans la cale à l’arrière du bateau, pendant que les disciples rament ou pêchent. BF a traduit “dans la poupe” (et non “à”) à la suite de la découverte sensationnelle d’une barque dans le lac de Galilée en 1986 (http://www.interbible.org/interBible/decouverte/archeologie/2003/arc_031121.htm) : Un article dans une revue proposait cette traduction, pour faire comprendre les deux niveaux du bateau : le pont, et la cale où le Seigneur était descendu “pour ne pas gêner la manœuvre”. Mais, comme disait Thierry Montluçon, c’est comme si on disait “dans la façade”. Toujours est-il que ce niveau inférieur représente “la maison du fort” (3:27), la mort, les enfers. C’est en même temps le fond de cale où était Jonas et le ventre du poisson où il resta trois jours et trois nuits, c’est le sein du shéol décrit par son cantique (Jon 2).

Dormant sur le coussin : C’est sûrement les Apôtres qui l’ont installé au mieux pour lui offrir une bonne nuit. Quant au coussin, on le retrouvera dans la chambre haute pour signifier « le dessein bienveillant (du Père) qu’il avait formé en lui par avance » (Ep 1:9). Et qui implique que « toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu » (Rm 8:28). Cette nuit dans la barque est image de la nuit pascale, « ravin de ténèbres et d’ombre de mort » (Ps 22:4) pour ceux qui n’ont pas encore foi (Mc 4:40), mais « eaux du repos » pour l’agneau de Dieu qui « ne craint aucun mal » (Ps 22:4,2) dans les bras du Père. « Il comble son bien-aimé dans le sommeil » (Ps 126:2). “Et qu’il dorme et qu’il soit réveillé, la semence germe” (4:27).