4:33. Et par beaucoup de comparaisons semblables * il leur disait la Parole
selon qu’ils pouvaient entendre
34. or sans comparaison * il ne leur disait rien
mais à l’écart * à ses appreneurs à lui
il déchiffrait tout
4:33. Et par beaucoup de comparaisons semblables il leur disait la Parole : Voici le résumé final de l’enseignement au bord de la mer, avec le descriptif de la pédagogie des comparaisons. “Quand Israël était petit, je me penchais vers lui et lui donnais à manger” (Os 11:1, 4). La comparaison est le lait qui convient aux enfants (Hé 5:12, 1P 2:2). Mais le Maître compense la limite de l’image par le nombre d’images. Il frappe à la porte du cœur avec persévérance jusqu’à ce qu’elle s’ouvre (Ap 3:20). Beaucoup de comparaisons, une seule Parole. « A maintes reprises et de maintes manières », dit l’Apôtre en parlant des prophéties (Hé 1,1). Mais ce que le Verbe a dit aux Pères par la révélation mosaïque (jeu de mots involontaire, mais intéressant), en intervenant dans l’histoire, il le dit aux nations par ces comparaisons tirées de la nature : « Ce qu’il a d’invisible depuis la création du monde se laisse voir à l’intelligence à travers ses œuvres » (Rm 1:20). Dieu, accessible à tous, « ne fait pas acception de personnes » (Dt 10:17). A nos pères, il dit « Vous avez vu ce que j’ai fait aux Égyptiens et comment je vous ai emportés sur des ailes d’aigle et amenés vers moi » (Ex 19:4). Et aux nations il dit “Le semeur est sorti pour semer” et “le grain de moutarde devient la plus grande de toutes les herbes vertes si bien que les oiseaux du ciel viennent faire leur nid sous son ombre” (Mc 4:3, 32).
Selon qu’ils pouvaient entendre : Le Seigneur se donne à tous, sans acception de personnes entre “ceux du dehors” qui n’écoutent pas (le bord de route) et “ceux du dedans” qui écoutent (la belle terre), mais le rendement n’est pas le même, et le Seigneur détaille même trois niveaux différents en chacun des deux sols, comme nous l’avons vu. « Qui avait beaucoup recueilli n’en avait pas trop, qui avait peu recueilli en avait assez“ (Ex 16:16)
34. Or sans comparaison il ne leur disait rien : S’il ne parle pas sans comparaison, c’est pour être mieux compris. Pour nous faire passer du dehors au-dedans, de l’humain au divin, de la Synagogue à l’Église, de ce monde au Royaume. Mais « ne jetez pas vos perles aux cochons de peur qu’ils ne les piétinent puis se retournent contre vous pour vous déchirer » (Mt 7:6). En revanche, « c’est un devoir, écrit le traducteur du Siracide, non seulement d’acquérir la science, mais encore, une fois instruit, de se mettre au service de ceux du dehors », « comme Jésus (ben Sira) a acquis une grande maîtrise de la Loi et des Prophètes et en est venu, lui aussi, à écrire quelque chose, afin que les hommes soucieux d’instruction apprissent d’autant mieux à vivre selon la Loi » (Siracide, prologue, 4-13). Donc c’est un devoir que d'instruire ceux du dehors, mais par paraboles, l'outil le plus adapté pour les aider à passer au-dedans.
Mais à l’écart : A l'écart, c'est comme la maison, c'est quand il se trouvait seul (4:10) et que les auditeurs peuvent poser leurs questions. Il faut leur laisser l’espace pour une démarche personnelle. Ainsi « Moïse s’écarta pour voir cette grande vision » (Ex 3:3). Et “à l’écart” le Fils fut transfiguré (Mc 9:2). « Sortez du milieu de ces gens-là et tenez-vous à l’écart » (je cite 2Cor 6:17, mais allez lire v. 11-18). On est toujours dans la suite de Pentecôte, donc au rassemblement des élus, donc à la séparation avec la foule, avec les réprouvés : « Sauvez-vous de cette génération déviante », conclura Pierre et 3000 seront baptisés (Ac 2:40-41). Comme « emportés sur les nuées » (1 Th 4:16). Quelle est cette démarche personnelle, cette question ? C’est quand quelqu’un a vu la « grande vision » de Moïse, ce buisson qui brûle sans se consumer : il a vu en éclair un reflet du royaume, ce fut pour lui un sujet d’étonnement, il a voulu en faire le tour, mais il a compris qu'il doit ôter ses sandales s'il veut continuer à fouler la terre sacrée où il se trouve désormais (la “bonne terre”). Et là Dieu, dans le feu (de l’Esprit), va lui révéler son projet de descendre au milieu de son peuple (sans qu'il soit consumé, comme le buisson) pour le faire passer d’Égypte à une terre plantureuse et vaste, pour qu’il lui rende un culte sur la montagne (Ex 3:3, 5, 8,12). Ici, c’est la même chose : il nous fait passer au culte « non sur cette montagne, mais en esprit et en vérité » (Jn 4:21-24), sur la bonne terre de l’Église du Christ, « la terre des vivants » (Ps 114:9).
A ses appreneurs à lui : A “ceux qui sont autour de lui avec les Douze”, il dit : “Prenez, ceci est mon Corps” (14:22) : « Par la chair de la comparaison prenez l’esprit de la Parole ». Ainsi, « Nul ne vient au Père sinon par moi » (Jn 14:6). « Si quelqu’un m’aime il gardera ma Parole et mon Père l’aimera et nous viendrons vers lui et ferons notre demeure chez lui. Qui ne m’aime pas ne garde pas mes paroles… Mais l’Esprit Saint vous enseignera tout » (Jn 14:23).
Il déchiffrait tout : Et dans l’Esprit Saint tout s’éclaire, « jusqu’aux profondeurs de Dieu » (1Cor 2:10). Sous les pavés de la comparaison, la plage des réalités spirituelles. Le don de la Torah, c’est aussi l'autre grande vision que Moïse a vue sur la montagne, celle du Tabernacle (Ex 25-40), et qu’il fut chargé de traduire en un sanctuaire exécuté « selon le modèle montré sur la montagne » (Ex 25:8,40). Le reste de la Torah vise en fait à faire accéder le peuple au modèle céleste. Le nouveau Moïse, qui est en fait le sanctuaire véritable « en qui réside corporellement toute la plénitude de la Divinité » (Col 2:9), réalise cette accession en édictant ses paraboles et en les déchiffrant à ses disciples.
Les sept comparaisons sont d’un côté trois comparaisons de l’ancienne économie, décrivant trois strates d’un royaume qui a été soumis au pouvoir de Satan jusqu’à vouloir perdre le Messie ; et de l’autre côté, trois comparaisons de la nouvelle économie décrivant les trois strates du royaume de Dieu (30, 60 ou 100), autrement dit l’Église, “assise autour de Lui avec les Douze”, et au milieu la comparaison de la lampe. Le tout dessine un chandelier à sept branches, qui, tel le buisson sur la montagne (Ex 3:2) ou plutôt le feu sur le Sinaï (Ex 19,18), éclaire les disciples sur la route (Ps 118:105) et les aide à choisir la vie (Dt 30:19) et à progresser. En effet la confrontation avec la comparaison pousse l’auditeur soit à poser la lampe de la Parole soit sous le boisseau (ignorance choisie), ou sous le lit (opposition assumée), soit, par ses questions et sa proximité, sur le lampadaire (foi éclairée). Ainsi il se manifestera comme disciple (“appreneur”), en se mettant “à l’écart” de l’ancienne économie (par la purification du baptême), et en se laissant instruire par les anciens, les Apôtres (par l’illumination de l’onction), entrant ainsi dans le Corps du Christ (par l’union de l’eucharistie), Corps du Christ « en qui toute construction s’ajuste et grandit en un temple saint, dans le Seigneur » (Ep 2:21). Ces trois niveaux, qui sont en même temps ascétiques, ecclésiologiques, sacramentaux et eschatologiques, sont constitutifs de la vie divine elle-même, trinitaire.