4:18. Et d’autres sont ceux semés dans les épines
ceux-ci sont ceux qui ont écouté la Parole * 19. et les soucis du monde présent
et la tromperie de la richesse * et les désirs pour tout le reste
entrant en eux * étouffent la Parole
et elle devient sans-fruit
4:18. Et d'autres : Et non “de même”, comme il est dit des sols pierreux par rapport au bord de route. On retrouve la même démarcation qu'entre “les siens” et “les scribes” : le blasphème contre l'Esprit Saint est irrémissible et lie les scribes à Satan “pour toujours”, tandis que le blasphème des “siens” contre le Fils ne l'est pas (3:28-30). Les sols pierreux pavent l'enfer, alors que les épines sont dites “autres”. Vénielles, en quelque sorte : “Tel péché ne conduit pas à la mort” (1Jn 5:16-17).
Sont ceux semés dans les épines : Si les épines poussent, c'est qu'il y a assez de terre. Point d'épines en sol pierreux, mais elles adviennent dans les jardins mal tenus. Non gardé, pour revenir à la Genèse (2:15). C'est un jardin inversé, comme le sol pierreux est l'inversion de la cité (celle d’Éden), et le bord de route l'inverse du terme de la route, lequel (encore selon la Genèse) est l'Arbre de vie au milieu du jardin (cf. Gn 3:24, 2:9). Le Seigneur décrit en fait un cosmos inversé, sur lequel règne Satan, déguisé en ange de lumière (cf. 2Cor 11:14), cherchant à “égaler le Très-Haut” (Is 14:13).
Ceux-ci sont ceux qui ont écouté la Parole : Nous sommes au troisième terrain : au premier, en bord de route, ils écoutent ; mais, sans la bouche, ça entre par une oreille et sort par l'autre. Au second, sur les sols pierreux, ils écoutent la Parole ; mais, sans le cœur, ça flanche au premier coup de vent. Au troisième, dans les épines ils ont écouté la Parole ; mais, sans les mains (c’est-à-dire sans “faire”, sans la pratique), ça s’étiole peu à peu : bref on progresse, mais il n'y a toujours aucun fruit. Qu’a-t-il manqué dans ce troisième sol ? La lutte contre les mauvaises herbes. Les mauvaises herbes, va-t-on nous dire, ce sont les passions :
19. Et les soucis du monde (présent) : C’est comme si Pierre et André avaient repris leurs filets, se disant : “Reprenons notre autonomie !”
Et la tromperie (ou la séduction) de la richesse : C'est comme si Lévy le collecteur était retourné à sa collecte, en disant : “On ne vit pas d'amour et d'eau fraîche !”
Et les désirs pour tout le reste : C'est comme si Jacques et Jean avaient retrouvé père et salariés, en disant : “Les miens, j'y tiens !” On pourra objecter que le lien n'est pas très explicite, mais une fois qu'on a repéré (après BF) cette triade pouvoir-avoir-affections, qui commence avec les trois appels (1:17, 20 ; 2:14), et qui se retrouve partout dans Marc, c'est très clair. Et l'on s'aperçoit que ces trois passions constituent soit le premier niveau de la voie “large et spacieuse” de la chute (les épines), soit, par le renoncement, le premier niveau de la voie du relèvement (le jardin).
Entrant en eux étouffent la Parole et elle devient sans-fruit : Si ces trois détachements opérés lors des trois appels ne sont pas répétés régulièrement (et rappelés avec cet enseignement), les épines reprennent peu à peu la place, 1° entrant discrètement, 2° étouffant peu à peu la Parole, 3° empêchant la fructification. C'est le travail quotidien du jardinier. Pour revenir aux trois terrains, épines, pierreux et bord de route, BF a eu l'intuition de chercher leur non-dit, par le sens qu'on appelle “sollicité” (le darash) : en inversant les termes, il a mis à jour un véritable traité de théologie ascétique. Et si vous inversez les termes, vous arrivez à ceci : 1° Les épines demandent la lutte contre les trois passions (on a vu lesquelles) et le désir de l'unique bien (et non pas “les désirs au sujet du reste). 2° Les sols pierreux demandent la persévérance jusque dans la tribulation (au lieu de flancher à la première épreuve). 3° Le bord de route demande de garder sans cesse la Parole pour rester dans le dialogue avec Dieu (au lieu que Satan l'enlève de nos esprits). Et c'est cette ascension qui porte du fruit, comme nous verrons demain.