4:16. Et de même sont ceux semés sur les (endroits) pierreux
qui quand ils écoutent la Parole * aussitôt avec joie l’apprennent
17. Et ils n’ont pas de racines en eux-mêmes * mais ils sont (ceux) d’un moment
après cela advienne une oppression * ou une persécution à cause de la Parole
aussitôt cela les fait tomber
4:16. Et de même sont ceux semés : Le Seigneur a dit que “le semeur sème la Parole”, et maintenant il dit : “Ceux (qui sont) semés écoutent la Parole” ! La semence qui était la Parole, maintenant écoute la Parole ? Peut-on être la Parole et son auditeur ? Peut-être peut répondre que la Parole, le Dabar hébreu, est aussi le fait, la chose réalisée par la parole (cf. Lc 2:15), car « il dit, et c'est » (Ps 32:9). Comme une semence, elle crée une vie qui prend son autonomie, grandissant différemment selon le terrain où elle est ensemencée. La semence se fait plante, qui garde, pourrait-on dire, « l’image » de la semence, mais s’enrichit du terrain. Il y a noce. Mais… pas forcément fruit. Pour ceux du bord de la route, pas de noce, car “aussitôt le Satan vient”. Pour ceux (qui sont) semés sur les (endroits) pierreux et dans les épines, il y a un début de noce mais l’union ne donne pas de fruit, car la vie est partie dans la mauvaise direction. Comme diraient les Pères grecs, ils gardent l’image, mais ont perdu la ressemblance. Pour pasticher le Prologue de Jean : « A ceux qui ne l'ont pas reçu il n'a pas donné pouvoir de devenir enfants de Dieu ». La terre « portant épines et ronces, réprouvée, bien proche d’être maudite, finira par être brûlée » (Hé 6:8).
Sur les (endroits) pierreux : On s'est déjà interrogé sur ce “pierreux” (en Wallonie, il est permis d'employer ce terme comme nom et non seulement comme adjectif) qui gêne la croissance (4:5-6, au 13 du mois 3). On peut lire ici ceux dont l'intention était bonne, mais qui en font trop, ou trop vite. Qui croient pouvoir négliger les racines et se sauver par leurs œuvres. Qui tombent dans l’illusion du « Vous ne mourrez pas, mais vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux » (Gn 3:5). Or le trajet de la semence demande du temps. L'homme aussi est en croissance. « Qui veut voyager loin ménage sa monture ». C'est la trajectoire contraire qui porte fruit, celle de la persévérance, et elle sera exprimée plus loin : “Et qu’il dorme et qu’il soit réveillé, nuit et jour, la semence germe et grandit, lui ne sait comment” (4:27).
Qui quand ils écoutent la Parole : Ceux du bord de route écoutaient seulement, ceux du (sol) pierreux écoutent la Parole. La nuance correspond, je pense, à la différence que fait le français entre entendre et écouter. Car le premier sol, comme Satan, a refusé « dès le commencement » (Jn 8:44), mais le deuxième a eu un contact. Ils ont su qu'il y a une Parole, ils y ont cru, comme le dit la suite du texte :
Aussitôt avec joie : Avec ce qui précède il est intéressant de lire dans ce terrain la première alliance, mais bien sûr en élargissant à tous ceux qui, comme Adam et Ève, ont commencé par une adhésion pleine et entière. Tous ceux qui se lancent dans un beau projet d’inspiration divine.
L'apprennent : BF aimait la traduction joussienne “appreneur”, parce qu'on pouvait y voir le geste du “preneur”. Or ici ce n'est pas “l'apprennent”, c'est “la prennent”, de lambano, qui veut d’ailleurs dire aussi bien prendre que recevoir : “Prenez, ceci est mon corps” (Mc 14:22). Ils ont donc reçu la Parole au commencement, sont devenus sa demeure, sa cité, son temple, son peuple.
17. Et ils n'ont pas de racines en eux-mêmes : Or il y a eu chute : ils ont voulu des ailes avant d’avoir des racines. Babel. Et “Tu as détruit leurs villes” (Ps 9:7). « Les pierres sacrées ont été semées au coin de toutes les rues » (Lm 4:1), empêchant la Parole de s'enraciner. Ils ne sont plus qu'une écorce vide. Ils en restent à « l'extérieur de la coupe et du plat » (Mt 23:26). Ils ne veulent qu’un seul côté de la comparaison. Or la Loi, sans l'Esprit, ne suffit pas, « absolument impuissante à rendre parfaits ceux qui s'approchent de Dieu » (Hé 10:1). “Qui nous fera rouler la pierre de devant la porte du tombeau ?” (Mc 16:3) Seul Dieu peut dire « J'ôterai de votre chair le cœur de pierre » (Ez 36:26), seul Lui peut “rebâtir Sion” (Ps 101:17) en temple de pierres vivantes (1P 2:5). Car les « fils du diable » (Ac 13:10) en sont rendus à l'endurcissement du cœur (Mc 3:5), c’est-à-dire au refus volontaire.
Mais ils sont (ceux) d'un moment : Pour enlever le cœur de pierre, il faut la persévérance. Avant la tige, il faut à la graine germe, radicelles et racine. « Mais j’ai contre toi que tu as abandonné ton premier amour » (Ap 2:4). « Votre course partait bien : qui a entravé votre élan de soumission à la vérité ? Cette suggestion ne vient pas de Celui qui vous appelle » (Ga 5:7). Car les fils du diable, aveuglés, n'ont pas persévéré dans l’élan initial du premier amour, mais on été emportés « comme la paille que disperse un souffle » (Ps 1:4).
Après cela advienne une oppression ou une persécution à cause de la Parole aussitôt cela les fait tomber : Comme les premiers parents qui ont chuté en Éden à la première “oppression” (thlipsis, qu'on peut traduire aussi par “tribulation”). De même les Hébreux quand ils arrivent sans eau à Mara (Ex 15:21+), sans pain à Sîn (Ex 16) et de nouveau sans eau à Réphidim (Ex 17). Ces sols pierreux sont ceux du refus persévérant de la persévérance. Or “il faut beaucoup de tribulations (thlipsis) pour entrer dans le royaume de Dieu” (Ac 14:22).