4:10. Et quand il s’est trouvé seul
ceux qui étaient autour de lui avec les Douze * le questionnaient sur les comparaisons
11. et il leur disait
A vous a été donné le mystère du Royaume de Dieu * or à ceux-là qui sont dehors tout advient en comparaisons
4:10. Et quand il s'est trouvé seul : Litt. “Et quand il advint selon seuls” (egeneto kata monas) : mystérieuse expression… Monos (seul) n'est pas eis (un, unique). Eis, c’est “Le Seigneur est un” (Dt 6:4, Mc 12:29). Et monos, c’est « Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et le serviras lui seul » (Mt 4:10). Or ici “seuls” est au pluriel… Quelle est cette solitude à plusieurs ? Comme après la Transfiguration, lorsqu'“ils ne voient plus personne que Jésus seul avec eux” (Mc 9:8) ? Ne serait-ce pas la solitude de celui qui « récapitule toute choses en Lui » (Ep 1:10), de celui qui est « glorifié dans le conseil des saints, redoutable plus que ceux qui l’entourent » (Ps 88:8) ? Ne serait-ce pas la solitude des soixante-dix anciens qui, après le don de la Torah, montent, voient le Dieu d’Israël, mangent et boivent (Ex 24:9-11) ? De ceux qui “habitent tous ensemble dans l'union” (epi to auto, ps 132:1) ? Celle des cent vingt réunis le jour de Pentecôte (pantes omou epi to auto, Ac 2:1) ? La solitude du « plérôme (ou : de la plénitude) qui remplit tout en tous » (Ep 1:23) ? Car le Seigneur vient de récapituler “le mystère du règne de Dieu” en une seule parabole, et à ce plérôme de l'Église “qui a des oreilles pour écouter” (4:9), il peut maintenant donner le déchiffrement (Mc 4:34), le midrash. “A vous a été donné le mystère”. « Vous vous rendez compte de ma compréhension du mystère du Christ (…) révélé à ses saints apôtres » (Ep 3:4, 5).
Ceux qui étaient autour de lui avec les Douze : Or c’est dans ce triple groupe autour de Lui avec les Douze que se trouve le midrash, ce sont eux les trois terrains fertiles : ceux autour de lui sont le 30 pour 1, lui, c'est le 100 pour 1, et les Douze le 60 pour 1.
Pour le dire en bref, 30 c'est le Christ seul, 60 c'est l'Église militante, et 100, c'est l'Église triomphante. Mais c'est aussi les disciples (30) passant par les Douze (60) pour monter au Christ (100).
Le questionnaient sur les comparaisons : Et la question, c'est l'outil de la montée. Car notre vie est une comparaison par laquelle l'Époux fait signe, frappe à la porte (Ct 5:2, Ap 3:20). Écouter, c'est bien, mais ce n'est rien sans questionner. Qui ne questionne pas laisse passer sa chance, ou plutôt la grâce. BF m'avait raconté l'histoire de Perceval voyant le Graal dans le château du Roi-Pêcheur : Hélas, ne posant aucune question, restant muet (le mot est à la racine de « mystère »), il n'en prend pas conscience et du coup laisse passer le Graal qui aurait pu sauver le royaume d'Arthur ! La question permet de passer de l’autre côté du miroir (cf. 2Cor 3:18). Autant dire : au Royaume.
11. Et il leur disait A vous a été donné le mystère du règne de Dieu : Il ne dit pas “le règne”, il dit “le mystère du règne”, c'est-à-dire « une sagesse mystérieuse et cachée que Dieu avant les siècles avait destinée pour notre gloire » (1Cor 2:7). C'est « le mystère du Christ » (Ep 3:4), c'est-à-dire « du Christ et de l'Église » (Ep 5:32). Mystère dont les Apôtres sont les dispensateurs (1Cor 4:1). Le 100 passe par les 60 pour aller aux 30, et réciproquement ; c’est « la libéralité de notre Seigneur Jésus-Christ, qui pour vous s’est fait pauvre, pour vous enrichir de sa pauvreté » (2Cor 8:9) ; c'est l’échelle de Jacob (Gn 28:12), c’est-à-dire « la demeure de Dieu et la porte du ciel » (id. 17). C'est l'Église.
Or à ceux-là qui sont dehors tout advient en comparaisons : Mystère veut dire caché. Caché à qui ? A ceux du dehors. « Le mystère, c'est qu'une partie d'Israël est tombée dans l'endurcissement jusqu'à ce que la totalité des païens soit entrée » (Rm 11:25). C'est le sens de “Sa mère et ses frères se tenaient dehors” : ils ne voulaient pas entrer, mais envoyer quelqu'un pour l'appeler (Mc 3:31), car ils étaient dehors. Au même niveau que les païens. Or « Philippe dit à l'eunuque de la reine Candace “Comprends-tu ce que tu lis ?” Il dit “Comment le pourrais-je si personne ne me guide ?” » (Ac 8:30-31) Philippe monte, et les voila « assis ensemble en frères » (Mc 3:34, Ac 8:31, Ps 67:7, 132:1). Comme dit saint Augustin, l'AT, c'est le NT voilé, et le NT, c'est l'AT dévoilé. Le voile doit se déchirer (Mc 15:38) pour nous ouvrir le Saint des saints (Hé 9:12) en dévoilant l'AT par la Croix du Christ, « afin que nous réfléchissions comme en un miroir la gloire du Seigneur » (lire 2Cor 3:14-4:6). Mais si on ne fait pas appel aux Douze, « si personne ne clame » (Rm 10:14), si on ne pose pas de question, un voile reste posé sur notre cœur, c’est comme si on n’avait pas écouté : on n'a que le mauvais côté de la comparaison, que la moitié du sumbolon, on est parti pour hériter de la malédiction et non de la bénédiction (Lv 26, Dt 28), des épines et des ronces au lieu du jardin d'Éden. Qui écoute doit donc questionner. Sinon, il garde ce cœur endurci qui n'a pas entendu la prédication, cette oreille qui n'a pas entendu, alors que « nous annonçons ce qui n'est pas monté au cœur de l'homme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment » (1Cor 2:9). « Or une terre qui porte épines et ronces est réprouvée et proche d'être maudite et finira par être brûlée » (Hé 6:7-8).