4:2b. Et il leur disait dans son enseignement
3. Ecoutez * Voici
Celui qui sème est sorti pour semer
4. et il est advenu quand il semait * qu’il en est tombé au bord de la route
et les oiseaux sont venus et l’ont dévoré
4:2b. Et il leur disait dans son enseignement : Après l'enseignement joué (4:1), voici l’enseignement dit. Cette comparaison est la troisième (4:3-20) sur les dix que compte l’ensemble de Marc (3:24-27, 4:2-33, 7:14-17, 12:1-12, 13:28-29) ; dix paroles qui sont la relecture du Décalogue. Elle est aussi la troisième sur les sept de l’étape II ; septénaire qui est la relecture des sept jours de la Genèse. Elle est enfin la première sur les cinq du chapitre 4 ; et ces cinq, qui n'en font qu'une, sont la relecture du Pentateuque.
3. Écoutez : Puisque la Torah donnée à Pentecôte est résumée dans les dix paroles (Dt 5), Marc a commencé la récitation des dix comparaisons à Pentecôte. Or ce Décalogue est contenu dans son premier mot « Écoute, Israël » (Dt 5:1). Selon Marc, c'est le premier commandement (12:29). Car l'écoute fait Israël : ils concluent l'alliance en disant “Nous ferons et nous écouterons” (Ex 24:7) ! Or le Christ, ici, vient de faire les Douze (3:14) et “une foule très nombreuse s'est assemblée auprès de lui” (4:1) ! Le nouvel Israël est bien là, et on est au don de la nouvelle Torah. Et ce n'est plus le peuple « plus petit que toutes les nations » (Dn 3:37), c’est déjà l’image des 144 000 israélites réunis à la « foule immense » de toutes nations (Ap 7:4, 9).
Voici : Après l'écoute, la vision, étymologie de voici (selon le grec seulement). Le premier Voici de l'Écriture « donnait aux hommes toute herbe portant semence » (Gn 1:29) ! A la deuxième création, il s'agira donc de la « semence incorruptible par la Parole de Dieu » (1P 1:23), il s'agira du dernier Voici de l’Écriture : « Voici, nouvelles je fais toutes choses » (Ap 21:5). Et entre les deux, à l'accomplissement du temps (Mc 1:15), il y a le premier Voici de Marc (1:2) : “Voici j'envoie mon messager” (Mal 3:1), avec sa “voix de crieur”. « Que criera-t-elle“ ? Isaïe le dit : « L'herbe se dessèche et la fleur tombe, mais la Parole de Dieu reste à jamais ». « Élève la voix et dis : Voici votre Dieu ! » (Is 40:3-9). Bref, on n'a pas encore parlé du semeur que sa semence est déjà là.
Est sorti : Oui, on suit l'ordre du grec, avec le verbe en premier. Essentielle sortie, encore faut-il deviner d'où. C'est le Théologien donnera la réponse : « Le Verbe (la Parole) qui était vers Dieu » (Jn 1:1) : « il est sorti du Père et venu dans le monde » (Jn 16:7). La parabole du semeur cache en elle le Prologue de Jean.
Celui-qui-sème : O speiron, c'est le semeur. C'est le Logos spermatikos, qui nous rappelle « pluie et neige descendent des cieux et n'y reviennent pas sans avoir abreuvé la terre, fécondée et fait germer et donné semence au semeur et pain au mangeur : ainsi sera ma parole qui sort de ma bouche » (Is 55:10-11).
Pour semer : “Je suis sorti pour cela” (Mc 1:38), dit le Christ, c’est-à-dire pour clamer (alors que les pharisiens, eux, sortaient pour “tenir conseil en vue de le perdre” (3:6). Mais le geste du semeur évoque une nature céleste qui pénètre la terre, par un processus de noce, qui doit produire un fruit de vie, une union de deux natures en une seule réalité (cf. Is 45:8). Dans la première création, le Verbe « a dit, et ce fut » (Ps 32:9) : il a donné la vie ; dans la nouvelle, « à tous ceux qui l'ont reçu il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu » (Jn 1:12) : il a donné la vie divine.
4. Et il est advenu quand il semait qu'il en est tombé au bord de la route (ou plutôt “le long ”, c’est-à-dire sur la route) : En Palestine, on sème avant le labour, donc il reste du grain sur ce qui deviendra le chemin, donc qui ne germera pas. Autrement dit, Dieu parle à tous sans faire acception de personnes (Dt 10:17), car « son Fils soutient l'univers par sa parole toute-puissante » (Hé 1:3). La route est l’image de la progression vers la perfection, donc vers Dieu, comme il est dit : « Abraham partit comme lui avait dit le Seigneur » (Gn 12:4). Or la route n’est pas un lieu de germination. Il y a ici comme une inversion, une route prise dans le mauvais sens. Ou, si l’on veut, deux voies (Cf. Dt 30:15-20), et ici ce serait plutôt la route que prit Jonas : « Jonas partit pour fuir vers Tarsis, loin du Seigneur » (Jon 1:3). Dès le début Marc expose “la route du Seigneur” (1:2). Sur les deux voies on peut lire avec profit https://www.cairn.info/revue-pardes-2001-1-page-103.htm.
Et les oiseaux sont venus et l'ont dévoré : Ici c'est l’aboutissement de la fausse route. « Le salaire du péché, c’est la mort » (Rm 6:23). Rendement zéro. « Le Seigneur connaît la voie des justes et la voie des impies va se perdre » (Ps 1:6). « Que des étrangers ravissent le fruit de ses travaux » (Ps 108:11). « Le fruit de ta terre et de ton travail, un peuple que tu ne connais pas les mangera » (Lv 28:33). « Ton cadavre sera la pâture de tous les oiseaux du ciel » (Dt 28:26). Telle est la malédiction promise à Israël s'il n'écoute pas la voix du Seigneur son Dieu (Dt 28:15). Alors… “Écoutez !”