Évangile selon Marc 3:16-17 : troisième mois, deuxième jour.

3:16. Et il a fait les Douze
et il a imposé un nom à Shimôn * Kéiphâ

17. Et Ya’akov (fils) de Zavdaï * et Yôchânân son frère
et il leur a imposé un nom * B’nei Rig’shâ
ce qui veut dire * Fils du Tonnerre

  3:16. Et il a fait les Douze : J'aime beaucoup l'exégèse de Bernard Frinking (BF) qui oppose “Il en a fait Douze” (un avec lui dans l'envoi, économie du Verbe) à ce “Il a fait les Douze” (chacun son nom, donc chacun son charisme, économie de l'Esprit Saint). Ces douze fils nés d'une nouvelle naissance, le nouveau Jacob-Israël les offre au Père comme prémices du nouveau peuple sur la nouvelle montagne sainte (Ex 23:16-19). Les Douze sont ainsi une sainte fraternité, qui résume l'Église (1P 2:17, 5:9), ils sont donc en tant que frères égaux en dignité, et en même temps constitués en hiérarchie : « Vous êtes le corps du Christ [« il a fait les Douze », économie du Christ] et membres chacun pour sa part [« il en a fait douze », économie de l'Esprit Saint] » (1 Cor 12:27). Marc va détailler cet organigramme.

    Et il a imposé un nom : Et là se dévoile le lien étape 2 / livre 2, car le livre 2 (l'Exode) commence par les noms des douze fils bénis de Jacob (Gn 49). De même l'étape 1 commence par “Commencement” comme le livre 1 (la Genèse), et l'étape 3 commence par “Il appelle” (6:7) comme le livre 3 (Lévitique). Ce qui délimite, structure, indique une relecture et pose l'Évangile comme nouvelle Torah. L'imposition du nom change la carte d'identité et donne une nouvelle mission. L'étape 1 a vu nouvelle Genèse, nouvel Adam, nouveau Noé, nouvel Abraham ; l'étape 2 voit nouvel Exode, nouveau Jacob, nouveau peuple de Dieu, et nouveau Temple. On retrouve par là le rapport entre la première gerbe de Pâques, qui est le Christ, Fils du Père des cieux et temple de l'Esprit Saint (Mc 1:9-11), et la moisson de Pentecôte, qui est l'Église des enfants de Dieu et le nouveau temple fondé sur la Pierre (Mt 7:25, 16:18).

    A Shimôn Kéiphâ (Simon Pierre) : Simon (l'auditeur) devient Pierre, car fides ex auditu, la foi (vient) de l'écoute (Rm 10:17) et donne la solidité du roc, « participation à la divine nature » (2P 1:4) de « la Pierre qui est le Christ » (1Cor 10:4). Mais si « le Seigneur est mon rocher » (Ps 17:3), il est en même temps pierre d'achoppement pour Israël incrédule (1P 2:8, Rm 9:32) comme le rocher de l'Exode qui abreuva Israël mais qui fut appelé aussi Épreuve et Querelle (Ex 17:6). Noter aussi que Kéiphâ, pierre, est un mot araméen venu du grec Képhas, tête, et que Pierre est en tête des Douze.

    17. Et Ya'akov (Jacob, Jacques) : Tiens ! Et Andréas (André) ? Séparé de son frère ! Il n'y a en effet qu'une Pierre, la pierre d'angle sur laquelle le Seigneur a fondé la terre (Jb 38:6). Jacob, le supplanteur (cf. Gn 27:36, Os 12:4), supplante André, le mâle. Les quatre chevaux de Mc 1:16-20, qui ont pourtant parcouru la terre avec succès (Zach. 1:9-11 LXX), sont fondus dans une nouvelle entité : ils pourraient bien être devenus ces quatre chars de plusieurs chevaux, descendant des montagnes d’airain, « quatre vents du ciel qui s’avancent après s’être tenus devant le Seigneur », et qui sont « impatients de parcourir la terre »  sur laquelle « vont faire descendre mon Esprit » (Za 6:1-8).

    Fils de Zavdaï (Zébédée) : La filiation terrestre n'est plus mentionnée que pour différencier les deux Ya'akov.

    Et Yohânân (Jeanson frère : En revanche, voici les seuls qui gardent une fraternité spécifique. Mais non comme fils de Zavdaï : comme fils du Tonnerre, eux qui sont envoyés “clamer” le tonnerre de la prédication évangélique,

    Il leur a imposé un nom, B'néi Rig'shâ (Boanergès), ce qui veut dire Fils du Tonnerre : Pourquoi des noms nouveaux pour les trois premiers, et un seul pour les 2 et 3, et que veulent-ils dire ? On a vu que Kéiphâ-Pierre évoque le rocher de Réphidim (Ex 17:6). Le tonnerre, lui, évoque celui qui inaugure la Pentecôte du Sinaï et qui est la voix de Dieu (Ex 17:16,19). Il annonce aussi la Pentecôte des Actes, où le « bruit » (ou plutôt le son, ixos) « qui remplit toute la maison » signale la venue de l’Esprit : « Tous furent alors remplis de l’Esprit Saint » (Ac 2:3-4). Mais les deux fils ? Repartons du rocher : il est bizarrement dit « en Horeb » (Ex 17:6), alors qu'on est à Réphidim : la tradition avait conclu qu’il les accompagnait, et Paul écrit « ils buvaient à un rocher spirituel qui les accompagnait, et ce rocher c'était le Christ » (1Cor 10:4). Or, sitôt après, Israël est attaqué par Amaleq, et Moïse monte sur la montagne pour soutenir les combattants en élevant les mains. Les mains devenant lourdes, il s'assoit sur… une pierre ! Et là Aaron et Hur soutiennent ses mains, ce qui donne la victoire. Ainsi Moïse, fatigué par l'Épreuve et la Querelle des israélites, s'appuie sur le Christ (« le Seigneur est mon Rocher », Ps 17:3) pour transmettre « la Force d'en haut » (Lc 24:49) à son peuple, par les prophètes. Et dans le Nouveau Testament, le Christ place Pierre comme l'even shetiyah, la pierre de fondation, la tête de l'angle (rappelons-nous le grec Képhas, tête), et ainsi la révélation de Moïse retrouve sa force. Jacques et Jean y sont placés en fils du tonnerre, c’est-à-dire en porte-voix de l'Esprit Saint. Si Pierre est placé comme le Christ pour être frappé par le bois comme le cœur par la lance et donner l'eau (Jn 19:34) de l'Esprit (Jn 7:38), les fils du Tonnerre sont là pour traduire le tonnerre de cet Esprit (les oracles obscurs de l'Ancien Testament) « dans notre idiome maternel » (Ac 2:8) permettant la victoire sur Amaleq, sur les nations (Ac 2:9-11), « au fil de l'épée » (Ex 17:13), qui est l’épée de la Parole (Hé 4:12).